2023 s’achève en beauté avec une fleur pour la France et ses deux jours de projections inopinées de Godzilla Minus One, le Top Gun Japonais qui fleure l’antimilitarisme. Alors que la dictature du top sévit sur des réseaux pliés par les algos, MaG n’en fait qu’à sa tête et vous propose un billet fleuve sur les coups de cœur de l’équipe, ses déceptions et ses attentes pour 2024. N’hésitez pas à visiter les liens des critiques complètes. On vous souhaite de belles fêtes de fin d’année et on ne manquera pas de sillonner les festivals dès janvier. Rendez-vous à Gérardmer !

Sommaire

Bilan de KillerSe7ven​

TON REGARD SUR LE MONDE DU CINEMA EN 2023

2023 s’achève et devrait donner du grain à moudre sur le bilan de santé du cinéma post covid. Et force est de constater que cette année était encore marquée par de bien belles propositions avec (cocorico !) de très belles perles françaises, de quoi faire s’étouffer de dinde aux marrons votre oncle qui ne jure que par les Danny-comédies. Bien plus riche qu’un énième film du dimanche, le cinéma français fantastique a même trouvé son portevoix avec Le Règne Animal et (à mes yeux) Tropic, l’un ayant rencontré un succès insolent en salles, l’autre faisant partie des pires flops commerciaux de l’année malgré ses qualités sincères. Comme le veut l’adage, les succès critiques ne coïncident pas nécessairement avec le plébiscite du public. Malgré tout, le cinéma de genre continuer de s’enraciner dans l’Hexagone.

« Le Règne animal » a dépassé la barre du million d'entrées en France !

La rudesse reste de mise pour les films qui ne parviennent pas à occuper les feux des projecteurs avec un budget diffusion digne de ce nom ou quand Disney n’accapare pas la quasi-totalité des créneaux dans les salles obscures. A l’image de Nos Cérémonies, Tropic n’a pas trouvé son public, la faute à une sortie au creux d’un mois d’aout chargé. Et c’est le cas de le dire, entre la palme d’or Anatomie d’une chute, Farang, Yannick, Limbo, sans compter les bulldozer Barbenheimer et Mission Impossible Dead Reckoning qui jouaient les prolongations estivales ! Outre les sorties attendues et triomphales de Killers Of the Flower Moon, l’industrie ne manquait pas de propositions singulières dont on vous a fait part tout au long de l’année.

« Anatomie d'une chute » est écrit avec justesse mais sa froideur m'a empêché d'avoir la moindre compassion.

Pour ce qui est de l’envers du décor, difficile de ne pas évoquer le cas Depardieu, résurgence de l’affaire Weinstein, qui plus de quinze ans après le mouvement #MeToo continue de produire ses répliques dans les coulisses. Après le reportage de l’émission Complément d’enquête (décidemment en vogue ces temps-ci), on se demande encore qui est le plus odieux : le porc ou ceux qui le suivent et par leur silence y consentent ? Animé d’un mutisme coupable, tout le gratin du septième Art savait pourtant depuis belle lurette qu’il s’agissait d’un secret de polichinelle. « Ah, c’est Gérard » clament de concert les chiens de garde de plateaux TV et autres proto-décérébrés comme les émissions de Cyril Hanouna en couvent à la pelle.

Le traitement médiatique de cette affaire est un cas d’école de la culture du viol, aujourd’hui promue jusqu’aux échelons les plus élevés suite à l’allocation sidérante du crétin de la République, trop préoccupé par les derniers fanatiques de la droite extrême qui lui porte encore allégeance. (“J’assume de dire la vérité”… Nous aussi Monsieur le Président). Légion d’honneur de la honte. Malgré les vagues, tous ces bourreaux gardent le cap de l’indécence alors même que l’une des premières victimes ayant eu le courage de témoigner vient tout juste de se jeter dans la Seine à la suite du retour de flammes des révélations de l’émission à succès. C’était pourtant en 1983 qu’Emmanuelle Debever aurait été l’une des proies de l’ogre des Valseuses.

Depardieu : symbole malgré lui d'une industrie vérolée par l'impunité patriarcale.

Cerise sur le gâteau, le jour de Noel c’est tout un vieux monde qui vient en renfort apposer sa signature à une tribune infâmante sous couvert du respect de la marche judiciaire qu’on sait pourtant inégale sinon défaillante. Ces signataires agissent d’une même voix, comme un réflexe de classe initié par Yannis Ezziadi, éditorialiste de caniveau coutumier des revues réacs et des défenses de violeurs. On connaissait déjà le conformisme et l’entrisme d’un milieu privilégié qui s’indignait devant l’insolence d’Adèle Haenel ou plus récemment suite aux quelques mots doux de Justine Triet à l’endroit d’Emmanuel Macron. C’est qu’un réalisateur ou un acteur est un exécutant comme un autre. Comprendre qu’il doit fermer sa gueule sauf à suivre le sens du vent. Ou à défaut en payer les frais à l’instar du projet Scream VII où les têtes du casting ont dû quitter le navire, congédiés directement ou indirectement, après avoir apporté leur soutien à l’actrice principale qui avait soutenu la cause palestinienne sur les réseaux. Comme pour PPDA, combien de plaintes faudra-t-il encore empiler avant que le cas Depardieu soit mis sérieusement sur la table ? Juridiquement la présomption d’innocence n’a pas vocation à absoudre l’intéressé de toute critique, contrairement à l’idée véhiculée par les partisans des discussions de comptoir qui la brandissent systématiquement comme carte joker et valeur refuge face à une supposée vindicte féministe. Le péril féminin évidemment…

On voudrait faire passer ces propos pour une affaire de mœurs et un tempérament volontiers grivois. Outre le caractère graveleux évident, il s’agit pourtant de faits susceptibles de relever du droit pénal et non d’une simple affaire de morale sujette à appréciation. Aussi le lecteur averti sera surpris de constater le fait que la presse relaie benoîtement (et quasi uniquement) des propos vulgaires sans mentionner les témoignages de harcèlement manifeste, d’agressions sexuelles et de viols par près de treize femmes à ce jour (en attendant les suivantes). Le caractère prédateur des adresses systématiques de Depardieu au sexe opposé est pourtant limpide dans le reportage litigieux. La défense autoproclamée de l’acteur joue la carte de la comédie cynique façon C’est arrivé près de chez vous omettant que réalité et fiction ne sont pas gouvernées par les mêmes règles. « Les cons, ça ose tout, c’est même à çà qu’on les reconnaît ». 

Enfin la honte ne devrait jamais reposer sur les victimes comme l’expliquait avec justesse Florence Porcel à l’origine du départ de feu de l’affaire PPDA. Cet inversement de la charge émotionnelle est d’autant plus insupportable que les auteurs présumés de ces infractions ne sont que très rarement condamnés. Alors si 2023 était une belle année en termes de sorties ciné, il reste encore bien du ménage à faire pour assainir les conditions de productions du septième Art (et au-delà). N’effaçons pas les victimes et pourvu que le monstre sacré redescende sur Terre et perde son immunité, qu’on en finisse avec les icônes dévorées par le pouvoir. 

LES 5 FILMS QUI T'ONT MARQUE CETTE ANNEE

A titre très personnel et au-delà des séances de rattrapages qui risquent de m’occuper à mon retour de vadrouille, je retiens tout particulièrement Tropic, film sensible d’Edouard Salier qui coche une à une les cases qui font mouche chez moi : photographie évolutive, écriture au diapason, jeu d’acteur incarné sans superstars et, cerise sur le gâteau, une OST atmosphérique terriblement raccord. Du body-horror à fleur de peau où les jumeaux Lázaro et Tristán travaillent d’arrache-pied pour être sélectionnés ensemble pour la mission spatiale Eternité. Leur destin va basculer, alors qu’un résidu cosmique tombé du ciel contamine Tristán. Réduit physiquement et désormais atteint d’un retard intellectuel, le jeune prodige voit cet incident fantastique bouleverser la cellule familiale…Tropic est un drame fraternel profondément humain, tantôt tragique tantôt touchant, et dans lequel le spectateur s’immergera du début à la fin.

« Tropic » est un drame profondément humain avec une splendide photographie.

En bon groupie de Kirill Serebrennikov, j’ai été captivé par La Femme de Tchaïkovski. Tout au long du film, Antonina glisse vers une passion maldororienne où une forme de sadisme prend le pas de la possession, son refus de divorcer de l’illustre compositeur lui permettant de garder un dernier espace de contrôle sur sa vie. On reste hanté par ce baiser volé entre la veuve qu’on reconnaît à son voile et l’apparition de Tchaïkovski comme ultime hallucination pour mieux réconcilier deux êtres qui « s’étaient comportés comme dans un rêve, et [qui] s’étaient inconsciemment trompés en tout » pour reprendre la biographie du compositeur damné. A mes yeux, après La fièvre de Petrov, le réalisateur et dissident russe livre une nouvelle leçon de cinéma.

« La Femme de Tchaïkovski » est envoûtant du début à la fin.

Si je devais livrer mes oscars maison, le choix du cœur aurait porté sur Maika Monroe dans le premier long-métrage de Chloé Okuno. Watcher retrace l’histoire de Julia et son mari d’origine roumaine, qui quittent ensemble les États-Unis pour s’installer à Bucarest. Alors que son mari est très prisé au travail, Julia s’interroge sur sa future vie. En proie à la solitude, elle s’aperçoit qu’une silhouette l’épie depuis la fenêtre de l’immeuble voisin… L’actrice est renversante dans le rôle d’une femme harcelée. Classique sur la forme, ce thriller cache un objet politique plus affirmé qu’une énième histoire de serial killers sanguinaires et de sauvetages policiers in extremis. En miroir, Watcher révèle la froideur d’une société trustée par des hommes qui évoluent dans une sphère hermétique (cloisonnée même) à celle des femmes. Là où Maika Monroe ne pouvait que fuir devant le boogeyman de l’excellent It Follows, l’actrice est résolument déterminée à affronter son agresseur. D’une justesse éclatante, Maika Monroe tient la tête haute à son agresseur. Tout un symbole pour la cause féminine et un coup de canif dans les stéréotypes du genre.

« Watcher » est un huis clos psychologique qui joue énormément sur le contrechamp.

Ravissement : terme dont l’étymologie renvoie au mysticisme propre à un « état d’âme en extase », « une émotion transportée de joie ». Et pourtant la révélation extatique couve aussi un sens plus commun qui confine au rapt et au fait « d’emporter de force ». Vous l’aurez compris, je fais référence au flim du même nom réalisé par la jeune Iris Kaltenbäck. Je suis allé voir Le Ravissement sous les conseils avisés de Mr.Wilkes. Et j’en suis ressorti chamboulé comme rarement. Comme le dit avec justesse mon compère, « Le Ravissement fouille évidemment le féminin et l’acte aliénant de donner vie, il explore aussi précisément la mécanique du mensonge ». En basculant du drame au thriller en passant quasiment par le reportage pour les scènes d’accouchement bien réelles, Le Ravissement ne cesse de nous transporter. Jamais la réalisatrice ne cède à la facilité qui consisterait à présenter Lydia, cette femme meurtrie ravisseuse d’enfant, comme une prédatrice. La psychologie des personnages se dessine à hauteur de son héroïne blessée par la vie. Brillant.

« Le Ravissement » emporte son spectateur dans le cercle vicieux enclenché par une femme esseulée.

Avant que les censeurs du bon goût ne me sautent à la gorge après que j’ai seulement cité des films indépendants, 2023 restera aussi marquée par Killers of The Flower Moon, portrait amer (néanmoins sincère) des débuts du capitalisme américain forgé sur le sang des autochtones. Scorsese signe à mon sens l’un de ces films les plus proches du réel. De la mise en scène jusqu’au mixage audio, le film cultive un rythme sur la même ligne de crète : celle d’une apparente normalité qui couve l’horreur. En mettant en lumière le sort des Osages épargnés par le génocide des tribus nord-américaines mais mis à mort par un capitalisme sauvage sans foi ni loi. En choisissant l’angle intime qui unit un benêt cupide et une femme lucide mais qui préfère être aveugle, Scorsese propose une tragédie cynique remarquable. Malheureusement, je n’ai pas (encore) pu écrire sur le film car je projette de lire le livre éponyme de David Grann. Promis, on rattrapera çà en 2024.

Le couple Lily Gladstone et DiCaprio s'effrite dès le départ, rattrapé par un destin tragique qui les dépasse.

Bon et comme je suis un tricheur émérite, impossible de ne pas mentionner un sixième film après avoir visionné Godzilla Minus One en 4DX. Outre l’expérience propre à cette séance agitée, le film de Takashi Yamazaki m’a conquis lors de sa fugace sortie d’à peine deux jours en France. Et quelle claque à des années lumières de la vision américaine. Si l’on pouvait craindre l’abandon de la technique du Suitmation avec de vrais acteurs dans des costumes de monstres, Minus One réussit entièrement son pari tout en gardant la démarche et l’apparence des films de la période Showa. Et quelle prouesse avec un si petit budget d’à peine dix millions quand des bouses Marvel bénéficient de centaines de millions de dollars pour un résultat aussi générique que détestable. Loin du grand spectacle que les néophytes pourraient imaginer, le film distille les apparitions du monstre avec sagesse tout en n’épargnant pas le Japon impérial de la seconde guerre mondiale d’un discours antimilitariste amer. Et si c’était lui le film de 2023 ? 

Avec un budget dérisoire, « Godzilla Minus One » nargue les plus grosses productions hollywoodiennes.

LE FILM D'ANIMATION DE L'ANNEE

Entre le projet d’une vie Mad God dont on vous parlait en 2021, Deep Sea qui m’a fait sortir les mouchoirs, le délire visuel de Spider Man Across The Spider-Verse, l’écriture de Mars Express et le fantastique Le Garçon et le Héron, le choix est extrêmement difficile et puisqu’on n’a pas encore eu l’occasion de vous en parler, quitte à choisir, j’opterai peut-être pour le dernier Miyazaki. Un film qui affirme la vision d’un auteur qui n’a plus rien à prouver. Le génie japonais signe sans doute l’un de ses films les plus noirs où le symbole est omniprésent à commencer par le legs du maître de l’animation. A 82 ans, le cinéaste aura dédié toute sa vile à l’animation. Avec Le Garçon et le Héron, les mondes qu’il a créés semblent se heurter et coexister les uns les autres pour mieux s’affranchir de leur créateur. Ces univers n’ont jamais semblé aussi indépendants comme s’ils pouvaient vivre sans Miyazaki. Pour la relève ou pour eux-mêmes ?

Chaque rencontre dans « Le Garçon et le Héron » est avant tout hostile.

LA DECEPTION DE L'ANNEE

Pour parler de déception encore faut-il avoir des attentes. Si ma consommation filmique est avant tout dictée par les festivals, je cultivais tout de même une impatience non dissimulée pour Napoléon, dernier film polémique de Ridley Scott qui divise critiques et historiens. Passés les éternels détracteurs d’un cinéaste au palmarès aussi remarquable que son aptitude au troll, Napoléon est loin d’être un scandale pour un biopic historique. C’est même un film qui offre une belle prestation de Joaquin Phoenix, des batailles particulièrement bien filmées et de somptueuses interprétations des peintures de Jacque-Louis David. Pourtant ce bon vieux Ridley semble se priver de perspectives sincères ; pire, en traversant trente ans de la vie de l’empereur et malgré la longueur du film, on ne retient pas vraiment de séquences marquantes. Le peuple y est présenté de manière grossière et caricaturale et on se demanderait presque s’il ne s’agit pas d’une comédie noire vue par les Anglais. Difficile également de compatir pour le sort de sa femme Joséphine.

La sexualité de Napoléon est elle aussi esquissée sans qu’on sache véritablement si le but est de dénoncer celui qui battait sa compagne ou si l’on doit y lire de l’érotisme (auquel cas non avenu) lors d’étranges scènes intimes. En l’état Napoléon n’est pas un mauvais film mais une déception comparée à l’excellent The Last Duel qui posait tellement mieux ses enjeux narratifs. Ridley Scott a-t-il manqué son sujet ? A moins que la vision de l’auteur ne soit celle de la version longue attendue en exclusivité sur Apple TV ?

TES ATTENTES POUR 2024

Avec 2024 en approche, je suis curieux de découvrir le prochain Joker, autant que je suis inquiet par sa dimension chorale avec Lady Gaga en Harley Quinn. Le premier avait réussi à donner une lecture sociale originale au négatif de Batman avec une critique amère d’un rêve américain noyé par lé néolibéralisme. Le film était particulièrement à propos dans un contexte prérévolutionnaire international explosif. il n’y a pas de criminel né, on le devient. J’espère que le film saura faire preuve d’autant d’audace. Je suis aussi impatient de voir le prochain film avec Nicolas Cage : Butcher’s Crossing. Malgré les quolibets sur les réseaux et la machine à mèmes de Nicolas Fucking Cage, l’acteur a bel et bien un talent en or massif. et il n’est jamais aussi doué que quand il travaille avec des réalisateurs indépendants (Mandy, Prisoners of the Ghostland, etc.)

« Butcher's Crossing » nous fera voyager dans les plaines du Kansas où vivent les derniers bisons.

Après les deux premiers dessins animés Spider Man qui ont révolutionné l’animation, la conclusion devrait j’espère mettre un dernier coup dans la fourmilière. Mais le film que j’attends le plus est très certainement le remake de Nosferatu (1922) par Robert Eggers qui n’a plus à prouver ses capacités derrière la caméra. Bien que The Northman m’avait laissé sur ma faim, visuellement le réalisateur américain pourrait bien faire des prouesses d’autant plus qu’on retrouvera au casting Willem Dafoe, récemment très convainquant dans le film A l’intérieur. Ce remake de Nosferatu puisera très certainement dans l’expressionisme allemand du Cabinet du Docteur Calligari (1920) qui m’avait fasciné adolescent. Affaire à suivre… sur MaG !

Robert Eggers peut-il renouveler le mythe de Nosferatu ?

Pour conclure, quoi de mieux qu’un final avec une production A24 ? Alors que mes pérégrinations hivernales m’ont emporté dans les bas-fonds de Miami et ses stands de tirs, je découvre la bande-annonce de Love lies bleeding de la réalisatrice Rose Glass à qui on doit déjà le remarqué Saint Maud. Naturellement cela résonne comme un futur plaisir coupable et je suis déjà conquis par son trailer très Bonnie and Clyde au féminin. Au menu un intriguant duo Kristen Stewart Katy O’Brian, ça promet. Revanche, sexe et gros calibre, que demande le peuple ?

Bilan du Baron

TON REGARD SUR LE MONDE DU CINEMA EN 2023

Chaque année, je me fixe un défi à relever concernant les films que je vois. En 2023, j’ai décidé de consacrer chaque mois à un réalisateur différent, en regardant au minimum quatre œuvres de sa cinématographie. Anders Thomas Jensen, Jean Cocteau, Huaqing Jin, les sœurs Kuperberg, Makoto Shinkai, James Ivory, Maya Deren, Lee Doo-Yong, John Cassavetes, Nadav Lapid, Aki Kaurismäki et Pietro Germi auront ainsi rythmé mon année, bien plus que les sorties hebdomadaires et les hauts et les bas de l’industrie. J’ai voulu prendre ainsi de la distance sur l’individualité même d’un film, pour essayer de le replacer dans la globalité d’une œuvre au long cours.

Cet objectif m’a ainsi poussé à aborder le millésime 2023 sous un angle inhabituel. Au lieu de me focaliser sur ces films qui agitent les foules, font trembler les colonnes éditoriales et excitent les chiffres du box-office, j’ai préféré me tourner vers un cinéma patrimonial dont les heures de gloire passées n’ont pas pour autant atténué leur charme d’antan. Plonger dans ces œuvres qui parsèment la mémoire collective…

Bilan 2023
De par leur bravoure, ils ont surpassé les super-héros en salle.

Loin de cette petite lubie personnelle, 2023 restera avant tout l’année de la grève. Une manifestation historique qui aura permis conjointement aux syndicats étasuniens des acteurs et à celui des scénaristes de faire valoir leurs droits dans une bataille acharnée longue de plusieurs mois. Un combat de David contre Goliath dans lequel les grévistes auront su tenir bon et préserver une opinion publique favorable, malgré l’impact de leurs revendications. En plus des nombreux reports de dates de sortie, le coût économique de la grève est estimé à plus de 6 milliards de dollars. Et si nous pouvons nous réjouir de leur victoire, il ne faut pas oublier le secteur audiovisuel français qui lui est toujours en train de batailler pour faire entendre ses exigences.

LES 5 FILMS QUI T'ONT MARQUE CETTE ANNEE

On peut ne pas l’aimer, le critiquer et lui reprocher énormément, mais jamais on ne pourra retirer à Babylon l’envie créative qu’il inspire. Ce désir de se sentir pionner du cinéma, d’empoigner une caméra, de motiver les premières personnes venues et de filmer, encore et encore, sans jamais s’arrêter. Le tourbillon de couleurs et de sensations dans lequel le film nous entraîne enivre et fait rêver d’un idéal doré, révolu. À travers ces quatre personnages principaux, il nous fait ressentir au plus près le battement de cœur d’une période aux changements multiples, brusques et surprenants. Il choisit ostensiblement de prendre Hollywood à son propre jeu et d’imprimer la légende, bien plus que de parler des faits. Et pendant un instant, rien qu’un seul, j’aurais voulu fouler la poussière californienne pour voir la magie d’un baiser se réaliser sous mes yeux. Sentir la déconfiture d’un monde bouleversé par le cinéma. Ce n’est pas un film parfait, loin de là. Mais c’est un film débordant de passion pour ce qu’il est, et c’est tout ce qui compte.

Babylon
« Babylon », le plaisir avant tout.

C’est au détour d’une rétrospective estivale que j’ai fait la rencontre d’Erin Brockovich, seule contre tous. Le film est un coup de cœur absolu. De ceux qui s’inscrivent dans la rétine et qui y restent à tout jamais. L’interprétation de Marg Helgenberger lorsqu’elle apprend la vérité à propos de l’eau reste pour moi l’une des performances les plus émouvantes que j’ai jamais vu. Un film bien loin de certaines expérimentations de Soderbergh, mais qui profite ici la réunion de comédiens et techniciens au sommet de leur art, dans une synergie telle que le film ne peut pas être oublié.

Erin Brokovich
« Erin Brockovich », un combat à mener sur plusieurs fronts.

Après avoir mangé de hideux et insipides falafels, je me retrouve dans une salle de cinéma pour découvrir Passages d’Ira Sachs. Moi qui pensais l’avoir raté de peu, ce rattrapage de dernière minute m’a ouvert les yeux sur l’univers d’un réalisateur, à la fois brut et enchanteur. Il a su parler ici des relations d’aujourd’hui, qui, dans l’illusion de leur apparente solidité se défont et refont si vite. D’observer ce cocktail étrange et si personnel que procure le sexe et les sentiments. Le tout dirigé par un protagoniste misérable, incapable de prendre une décision et qui fait souffrir ceux qui l’entourent sans ciller du regard. La force du film, c’est de réussir malgré tout à créer chez les spectateurs de l’empathie devant ce comportement prépubère et immature. Encore hypnotisé par le ballet de corps que Franz Rogowski, Adèle Exarchopoulos et Ben Whishaw venaient de réaliser sous mes yeux, je ne pouvais pas sortir de mon siège.

Passages
D'une conquête à l'autre, Tomas passe de tout à rien.

On peut dire que tout sourit à Monia Chokri. Après s’être fait remarquer pour ses talents de comédiennes, son troisième film Simple comme Sylvain finit de montrer aux yeux de tous son talent indéniable. Elle compte désormais parmi les réalisatrices qui comptent. S comme Sylvain, P comme Passion, A comme Amour. Il est toujours merveilleux de voir la caméra de Chokri virevolter dans ses situations de pagaille si habilement orchestrées. Là où les dialogues et les regards s’entrechoquent sans jamais laisser un temps de répit, où le chaos semble prendre place, l’action est toujours d’une incroyable limpidité. C’est aussi un plaisir de la voir jouer avec les images et le langage cinématographique. De s’adonner à des zooms qui ailleurs auraient pu être perçus comme vulgaires. Des coupes vues comme trop brutales. À chaque film, elle construit un peu plus un univers dont on ne peut que s’empresser de vouloir voir la suite.

Simple comme Sylvain
L'amour est toujours plus simple seuls sur la piste.

Je clôturerai ici avec le dernier moment fort que j’ai vécu en salle : And the King Said, What a Fantastic Machine, le documentaire du duo Danielson/Van Aertryck. Un premier long-métrage pour ces deux suédois qui offre une réflexion sur la caméra en tant qu’objet et les images qu’elle peut produire. À travers une succession d’exemples pris tout au long de l’histoire de l’appareil et de ses différents modes d’utilisation, le film replace l’église au milieu du village. Il rappelle la force et le pouvoir que peuvent avoir les images que nous produisons, sans même plus nous questionner, tant elles sont devenues banales. Et il sait faire tout cela sans jamais juger ceux à qui il s’adresse, capables des pires dérives, mais bien en fournissant tous les outils nécessaires à la réflexion.

And the King said, what a fantastic machine
Les caméras se sont définitivement démocratisées.

LE FILM D'ANIMATION DE L'ANNEE

Si je m’abstrais de toutes les sorties animées de cette année, le film de cette catégorie qui a eu sur moi le plus d’impact n’est autre que… Le Voyage de Chihiro de Hayao Miyazaki. Je l’ai revu plus de vingt ans après la première terreur enfantine qu’il m’avait procuré. Une peur telle que je n’osais pas ouvrir le tiroir dans lequel le DVD était rangé. Aujourd’hui adulte, c’est sous un œil neuf que j’ai découvert à nouveau ce chef-d’œuvre. J’ai enfin pu accueillir à bras ouverts le monde biscornu qu’il propose et me laisser bercer par sa bande-son enchanteresse. Chaque scène, chaque changement de plan, chaque nouveau personnage rencontré par Chihiro est une découverte poétique. Un émerveillement continu et sans ventre mou, comme il est si rare de trouver. Un film qui n’a pas pris une ride et qui n’a pas à rougir face au dernier-né des studios Ghibli.

Le voyage de Chihiro
Le bonheur simple et déroutant d'un bain au royaume des esprits.

LA DECEPTION DE L'ANNEE

Cette année aura été marquée par une « chance » pour moi. Les films les plus désespérants, les plus mauvais sont ceux que j’ai découverts par le fruit du hasard. Du creux Super Mario Bros. le film à l’exagérément dramatique The Son, en passant par le trop lisse Wonka ou au détour de l’indécis Ferrari, il n’y avait aucune attente. Seulement de désagréables surprises. Il y en a pourtant un qui aura été une véritable douche froide, du début à la fin. Ce film, c’est Acide de Just Philippot…

Acide
Un film grisailleux pour des émotions grisaillantes.

À peine la première séquence avait-elle débuté que semblait résonner le glas de l’échec cuisant. À l’arrivée, il est difficile de dire ce qui a le moins bien fonctionné entre le scénario fiévreux, la distribution aléatoire et la multitude de choix hasardeux. Le film se tire constamment des balles dans le pied, ne voulant pas se permettre de devenir ce qu’il aurait pu être. Un manque d’ambition qui tue dans l’œuf un objet rare, un film de catastrophe français. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé, mais impossible d’encenser une œuvre qui essaie de sortir du lot quand elle se met tant les pieds dans le tapis. Si les pluies acides avaient par exemple été assumées comme un véritable personnage et filmées comme l’antagoniste qu’elles auraient dû être, le film aurait pu atteindre une dimension autre qui ici lui fait cruellement défaut.

TES ATTENTES POUR 2024

Je ne suis pas un long-termiste. Chaque année, cette question me tombe dessus de toute part. Et comme chaque année, je ne peux m’empêcher de buter quand il s’agit de trouver une réponse satisfaisante… J’attends les différentes films qui nous avaient alléchés pour la fin 2023, malheureusement repoussés par la grève. Dune – Deuxième partie en tête.

J’attends que les différentes sélections de festival fassent leur travail de boussole au milieu de la production mondiale toujours plus foisonnante. J’attends la cérémonie des Oscars et son palmarès. Cette année devrait offrir un combat rude et un suspense insoutenable entre les favoris de la compétition, et les nombreux outsiders qui n’ont pas dit leur dernier mot. Pourtant, si je ne devais citer que trois titres, je choisirais Dream Scenario de Kristoffer Borgli et son mystérieux scénario taillé pour Nicolas Cage, Pauvres créatures de Yórgos Lánthimos afin de replonger dans l’œuvre du fameux Grec excentrique et enfin, The Zone of Interest de Jonathan Glazer pour être assurément bluffé.

Pauvres créatures
Emma Stone, l'héroïne picaresque de 2024 ?

Bilan du loup celeste

TON REGARD SUR LE MONDE DU CINEMA EN 2023

Alors qu’une nouvelle année ciné est en passe de se clôturer, l’heure est forcément au bilan ! Il y avait les promesses : Ryan Gosling et Margot Robbie en poupées de plastique pour Barbie, le retour de Christopher Nolan avec Oppenheimer ou encore le dernier coup de fouet d’Harrison Ford dans Indiana Jones et le Cadran de la destinée.

Indiana Jones et le Cadran de la destinée
Les adieux d'Harrison Ford à l'aventurier.

Il y a eu les faits : Une année ciné qui a brillé (artistiquement ou économiquement) à travers le regard des enfants (Anatomie d’une chute et The Fabelmans) ou lorsqu’elle s’est adressée aux adultes nostalgiques (Barbie, Super Mario Bros. le film).

Super Mario Bros, le film
La lettre d’amour du célèbre plombier à ses fans.

Et alors que des œuvres aux ambitions artistiques auteurisantes (Tár, Killers of the Flower Moon) ont su trouver (à raison) une large audience, ce sont bel et bien les traditionnels blockbusters qui n’ont pas réussi à séduire les foules (Fast & Furious X, Mission: Impossible – Dead Reckoning partie 1). Franchises fatiguées ou signe d’une certaine lassitude envers les grosses machineries ultra-calibrées (coucou le MCU) ? La question mérité d’être posée.

Fast & Furious X
La sortie de route était inévitable.

Enfin, loin d’Hollywood et de ses ambitions mondiales, le cinéma français a vu une augmentation de sa production en plus de s’asseoir à la table du géant américain du côté du fantastique (Le Règne animal), de l’action (Farang) et de la fresque épique (le diptyque Les Trois Mousquetaires).

Les Trois Mousquetaires
Les super-héros à la française.

LES 5 FILMS QUI T'ONT MARQUE CETTE ANNEE

Alors que j’abordais il y a quelques instants l’importance des enfants dans l’année cinéma qui vient de s’écouler, ce sont les frères adolescents de la science-fiction hybride Tropic qui m’auront le plus chamboulé…

Car débordant d’humanité et visuellement grandiose (une captation 16 mm caméra à l’épaule lorsque le feu de l’adolescence brûle qui évolue vers du numérique 4K stabilisé à l’heure des responsabilités), ce drame familial sur le handicap (où ressort du body horror à la Cronenberg) s’impose comme une œuvre sincère et d’une justesse rare avec deux acteurs au firmament. En cinq chapitres brassant la rivalité, le déni, le rejet, la haine et l’amour, c’est une magnifique et bouleversante histoire sur les liens fraternels qui nous est contée.

Tropic
Semblables mais différents, à l’instar des tropiques du Cancer et du Capricorne.

Après quoi, impossible d’évoquer les films qui ont marqué mon année ciné sans parler du retour du thriller noir avec les sorties rapprochées de Misanthrøpe et Limbo

Le premier, sous ses airs de polar urbain classique, dresse le portrait au vitriol de l’Amérique contemporaine en parallèle de son haletante intrigue policière… La traque d’un tueur de masse insaisissable aux motivations atypiques (dénoncer un système) par une enquêtrice abîmée par l’existence mais éclairée par ses propres démons. Sans nul doute le digne héritier de Seven dont il est le contrepoint.

Misanthrøpe
Elle est habitée par le fantôme de Clarice Starling.

Quant au second, polar viscéral au noir et blanc expressionniste, à la violence extrême et aux personnages en pleine expiation, il sonde la noirceur de l’humanité dans un purgatoire urbain morbide, théâtre de crimes sordides (commis par un serial killer fétichiste) où la putréfaction imprègne chaque plan. Un cauchemar éveillé à l’humidité prégnante et à la frontière de la complaisance où tout n’est que désespoir… À commencer par l’existence des êtres « vivants » qu’il scrute.

Limbo (2021)
Le tas d’ordures de la misère humaine.

Mais il n’y a pas que la noirceur dans la vie, il y a aussi la couleur et plus précisément la palette pastel du dandy Wes Anderson qui, au sommet de son art, a eu la bonne idée d’élargir son (magnifique) cadre pour évoquer l’incertitude de la création dans Asteroid City, un récit choral aussi drôle que mélancolique où les personnages, dont le désir d’exister est palpable malgré le vide existentiel de leur vie (le cratère), se rencontrent dans des scénettes méta qui ne tournent pas à vide. Vous ne pouvez pas vous réveiller si vous ne vous endormez pas !

Asteroid City
La communauté des délaissés.

Et si les couleurs ne suffisent pas à vous mettre du baume au cœur, nul doute que la (bonne) nourriture y parviendra. Réservez de fait une table pour La Passion de Dodin Bouffant, romance culinaire douce et sensorielle à la mise en scène aussi raffinée qu’un grand cru, où la gastronomie française est célébrée avec un casting de choix au menu (l’ancien couple Juliette BinocheBenoît Magimel). Et puisque le festin est roboratif, c’est sans modération qu’il se doit d’être dégusté !

La passion de Dodin Bouffant
Savourez chaque instant.

LE FILM D'ANIMATION DE L'ANNEE

Loin des univers de Pixar (même si Élémentaire est une adorable comédie romantique) et Ghibli, c’est pour la monstrueuse création Mad God que j’ai eu le coup de foudre…

Puisque fruit d’un minutieux travail de plus de 30 ans, ce projet fou visuellement révolutionnaire (différentes techniques d’animations sont à l’œuvre) que l’on doit à Phil Tippett, génie de l’animatronique derrière les inoubliables créatures de la trilogie originale Star WarsRobocop ou encore Starship Troopers, repousse les limites de l’imagination alors même que les ruines à venir de l’humanité, peuplées de créatures monstrueuses guidées par l’autodestruction, s’explorent au sein d’un labyrinthe cauchemardesque à nul autre pareil. Et s’il est facile de s’y perdre, la faute à un récit incertain, la force évocatrice de ses images suffit à capter l’attention.

Mad God
Un voyage au-delà de vos cauchemars les plus fous.

Mais comme j’ai aussi kiffé la pizza new-yorkaise Ninja Turtles: Teenage Years, ce sera une double dose d’animation en ce qui me concerne…

En effet, dépoussiérés par Seth Rogen et peinturlurés dans un cahier de collégien (une patte graphique urbaine carrément fraiche), nos chevaliers d’écailles et de vinyle adeptes de références à la pop culture reviennent dans une chronique adolescente pleine de tendresse et d’action, qui épate tant par sa liberté de ton (un humour bien ancré dans son époque) que par sa dramaturgie incarnée (malgré un déroulé classique). Galvanisante cette nouvelle jeunesse !

Ninja Turtles: Teenage Years
En vrai, elles sont trop cools ces tortues.

LA DECEPTION DE L'ANNEE

Non, je ne vais pas revenir sur une grosse majorité des blockbusters US (The Flash ou Ant-Man et la Guêpe: Quantumania ne resteront pas dans les mémoires pour de bonnes raisons) car il est trop facile de tirer sur l’ambulance. Au lieu de cela, je vais plutôt réagir aux mensonges que sont Vaincre ou Mourir et Barbie

Historique pour le premier : La promesse ? Le Braveheart français ! La réalité ? Un nouveau Vercingétorix produit par le Puy du Faux ! Car sans même évoquer le dangereux révisionnisme contre-révolutionnaire de l’Histoire de France (un tract royaliste écrit avec de gros sabots), cette « épopée » au service de la droite identitaire s’érige en de l’anti-cinéma à la vision biaisée. Pensée au départ comme un docu-fiction à destination de la télé (ça se voit) avant de partir en croisade dans les salles obscures, elle en oublie toute scénographie et se contente d’empiler maladroitement les scènes (avec une voix off tentant de recoller les morceaux et des ellipses en veux-tu en voilà) où le hors-champ est roi (mais que sont devenues les batailles ?) et le souffle épique absent. La mise en scène fait peine à voir (une caméra à l’épaule qui semble perdue), le casting est très inégal (Hugo Becker se la joue Clint Eastwood du pauvre en mode dépressif), les personnages sont délaissés tout du long et seule la reconstitution a du panache. La messe est dite !

Vaincre ou Mourir
Ce sont plutôt les copies de ce dangereux nanar qui auraient dû brûler.

Marketing pour le second : Parce que si elle n’est pas en plastique (direction artistique époustouflante et mise en scène fort à-propos), cette satire pop à l’humour absurde qui dynamite l’image ringarde et controversée de sa poupée vedette (le casting est génial) pour en faire une icône féministe opposée au patriarcat, n’en reste pas moins un placement de produit géant (mal) camouflé sous une couche de paillettes roses. Plus inclusives et donc plus rentables, nul doute que les Barbie vont se (re)vendre comme des petits pains ! Et comme l’a si bien dit Ruben Östlund : “Pour moi, c’est du cynisme déguisé en optimisme. (…) Un fabricant de jouets qui finance son propre film et qui s’achète une cinéaste d’auteur américaine afin de rendre plus présentable ces poupées très vieux jeu (…)”.

Barbie (2023)
Achetez-moi ! Achetez-moi ! Achetez-moi ! 🎶

TES ATTENTES POUR 2024

Elles sont nombreuses à dire vrai et de toute façon, qu’il pleuve ou qu’il fasse beau, il y a toujours une bonne excuse pour s’évader devant un bon film. Voici donc ma sélection pour l’année 2024 qui s’annonce riche en cinéma malgré les reports liés à la récente grève SAG-AFTRA :

Furiosa – Une Saga Mad Max, le préquel de l’ode à la tôle froissée Fury Road, Joker – Folie à deux pour voir où mènera la chute inexorable vers la folie d’Arthur Fleck, Dune – Deuxième partie afin de poursuivre la magistrale épopée des sables de Denis Villeneuve, les deux Horizon: An American Saga parce que Kevin Costner est derrière (et devant) la caméra, Le Comte de Monte-Cristo pour y retrouver la fougue chevaleresque du diptyque Les Trois Mousquetaires et enfin La Planète des singes: Le Nouveau Royaume car 300 ans après le règne de César, les singes ont définitivement pris le pouvoir sur les humains. Let’s wait and see…

Furiosa - Une Saga Mad Max
L'année 2024 s'annonce explosive.

Bilan de Mr. Wilkes

TON REGARD SUR LE MONDE DU CINEMA EN 2023

L’année 2023 a été une pure année de cinéma au féminin ! Avec la découverte de l’univers d’Iris Kaltenbäck (et son splendide Le Ravissement), le sacre colossal de Justine Triet (Anatomie d’une chute), la splendeur de l’image de Charlotte Wells (Aftersun), l’arrivée de Ramata Sy (Banel et Adama) ou les puissants mais inégaux films sur le désir de Lucie Borleteau (A mon seul désir) et Anissa Bonnefont (La Maison), une véritable (et salvatrice) vague de nouvelles réalisatrices est en train de rouler sur le cinéma mondial… Et dieu sait si ça fait du bien ! Malgré cela, des chiffres sortis le printemps passé montrent bel et bien que la parité dans le monde du cinéma est bien loin d’être acquise avec des budgets accordés constamment inférieurs pour les réalisatrices… Il reste encore un long chemin à faire avant une prétendue égalité.

« À mon seul désir » de Lucie Borleteau

Parallèlement à cette arrivée de nouvelles cinéastes, 2023 a été pour moi l’occasion de découvrir du cinéma de patrimoine particulièrement réjouissant. La plongée dans les courts-métrages d’Agnès Varda, naviguant entre documentaire et fiction, m’a préparé à la découverte de son film Le Bonheur (1965) que je tiens comme l’un des visionnages les plus remuant de cette année. Dans un tout autre registre, c’est la filmographie de Catherine Breillat que j’ai pu commencer à arpenter depuis son tout premier Une Vraie Jeune Fille qui retrouve son écho dans le dernier long-métrage qu’elle a sorti à ce jour, L’été dernier.

« Une vraie jeune fille » de Catherine Breillat

Si 2023 n’a pas été une grande cuvée de films d’horreur, The House (Skinamarink) de Kyle Edward Ball disponible sur Shadowz et l’incontournable Beau is afraid d’Ari Aster ont sonné comme deux détonations au milieu d’un paysage de plus en plus morne et consensuel (La Main, Simetierre, La Nonne,…). En élargissant au genre en général, notons que Conann de Bertrand Mandico m’a permis de m’intéresser à l’univers complètement barré du réalisateur, notamment au niveau de ses courts-métrages dont Boro in the Box, Living Still Life et Ultra Pulpe sont de véritables pépites visuellement et thématiquement enivrantes.

« Skinamarink » de Kyle Edward Ball

Finalement, 2023 a été également une belle année de documentaires ! Outre l’humanité de Sur l’Adamant de Nicolas Philibert, Wim Wenders nous a gratifié d’un somptueux Anselm – Le Bruit du temps centré sur l’artiste Anselm Kiefer tandis que Kim’s Video de David Redmon et Ashley Sabin m’a secoué par sa forme absolument libre et l’amour du format physique qu’il hurle dans chacun de ses plans.

« Anselm - Le Bruit du Temps » de Wim Wenders

LES 5 FILMS QUI T'ONT MARQUE CETTE ANNEE

Les années passent, Benoit Magimel reste. Pacifiction d’Albert Serra surfait tout en haut de la cuvée 2022, une année plus tard c’est La Passion de Dodin Bouffant qui prend cette place au sommet. Un film absolument étourdissant de Trần Anh Hùng autour de l’art culinaire, des questions de transmission et de désir. Une véritable symphonie des sens transpirant à chacun de ses plans. Peut-être le sommet de ce que j’ai pu voir en salles cette année…

« La Passion de Dodin Bouffant » de Trân Anh Hùng

Nous en parlions plus tôt, le second film le plus renversant de l’année est à aller chercher du côté britannique avec la jeune Charlotte Wells. En effet, avec son Aftersun elle offre l’un des plus beaux duos de cinéma de 2023, incarné par la jeune Frankie Corio et Paul Mescal. Un film tout entier construit sur les notions de souvenir et de nostalgie, particulièrement bien mis en valeur par la mise en scène discrète de sa réalisatrice. Vous n’entendrez décidément plus Under Pressure de Bowie et Mercury de la même manière…

« Aftersun » de Charlotte Wells

Double belles découvertes de l’année, le bouquin La Bête de la jungle d’Henry James qui a donné lieu à deux adaptations brillantes aux concomitances particulièrement intrigantes : La Bête de Bertrand Bonello (qui sortira début 2024) et La Bête dans la jungle de Patric Chiha. Dilatation du temps, affranchissement de la mémoire, tourbillons de sensations, des films qui ont su, chacun à leur manière, adapter un terreau littéraire particulièrement riche malgré la brièveté du roman d’Henry James.

« La Bête dans la jungle » de Patric Chiha

Dernière découverte de l’année et pas des moindre, Yannick de Quentin Dupieux. Film surprise d’à peine une heure dix mettant en scène Blanche Gardin, Pio Marmaï et surtout le génial Raphaël Quenard, Yannick déploie un double discours sur l’art même du cinéma et la notion de divertissement. Aussi hilarant que profond, le maître de l’absurde nous prouve encore une fois sa maestria de conteur de notre temps en fouillant une veine tragique qu’on entrapercevait déjà dans ses précédents, comme Incroyable mais vrai ou Fumer fait tousser.

« Yannick » de Quentin Dupieux

LE FILM D'ANIMATION DE L'ANNEE

Sans conteste Le Royaume des Abysses (Deep Sea) de Tian Xiao-Peng ! Un film d’animation chinois découvert au NIFFF qui, au travers d’une histoire bouleversante et d’un univers visuel truculent, déploie un double discours particulièrement saisissant sur la Chine d’aujourd’hui. Sa sortie en février 2024 ne devra pas être manquée tant le film profite d’un visionnage dans une salle de cinéma et en 3D ! Mention honorable tout de même à Spider-Man: Across the Spider-Verse et Le Garçon et le Héron, deux gros succès amplement mérités de l’année passée en animation.

« Le Royaume des Abysses » de Tian Xiao-Peng

LA DECEPTION DE L'ANNEE

A peu près toutes les grosses machines hollywoodiennes, entre Barbie, Oppenheimer ou Super Mario Bros… Gros spectacles souvent dévitalisés, compendiums de marketing maquillés, fausse subversion assez agaçante, rien de bien marquant n’est sorti de la turbine à blockbusters américaine en 2023 (exception faite de John Wick et de Mission Impossible qui tirent un peu leur épingle du lot) et c’est bien dommage.

« Barbie » de Greta Gerwig

TES ATTENTES POUR 2024

Pauvres créatures, le film hollywoodien du grec Yórgos Lánthimos qui m’avait déjà conquis avec son cruel Canine. Les bruits plutôt laudatifs entourant ses premières visions en avant-première laisse planer un bon espoir… Mais aussi Furiosa de George Miller, même si les premiers visuels lâchés sur la toile ne sont pas franchement rassurants.

« Pauvres créatures » de Yórgos Lánthimos

Autre projet que j’attends avec impatience ? La relecture du roman érotique Emmanuelle version Audrey Diwan (L’Évènement) sur un scénario de Rebecca Zlotowski (Les Enfants des autres), deux grands noms du nouveau cinéma français. Mais aussi et bien évidemment le retour du catalan Albert Serra après la claque Pacifiction… Il a en effet annoncé un projet titré Afternoons of Solitude dont le thème central, la tauromachie, m’inquiète plus qu’il me réjouit. Le dandy espagnol enchaînera directement avec Out of This World, un thriller qui sera tourné en été 2024 avec pour thème les tensions entre Russie et Etats-Unis… Et finalement, dernière attente, le Daaaaaali ! de Quentin Dupieux que j’avais raté au GIFF mais qui m’avait largement conquis avec Yannick. Affaire à suivre…

Première image d'Emmanuelle version Audrey Diwan

Critique JV et ciné toujours prêt à mener des interviews lors de festivals ! Amateur de films de genre et de tout ce qui tend vers l'Etrange. N'hésitez pas à me contacter en consultant mon profil.

Encore petit fretin dans l'océan du cinéma, je nage entre les classiques et les dernières nouveautés. Parfois armé d'un crayon, parfois d'une caméra, j'observe et j'apprends des gros poissons, de l'antique cœlacanthe bicolore, du grand requin blanc oscarisé et des milliers de sardines si bien conservés.

Nyctalope comme Riddick et pourvu d’une très bonne ouïe, je suis prêt à bondir sur les éditions physiques et les plateformes de SVOD. Mais si la qualité n'est pas au rendez-vous, gare à la morsure ! #WeLovePhysicalMedia

Buvant les Stephen King comme la sirupeuse abricotine de mon pays natal, j’ai d’abord découvert le cinéma via ses (souvent mauvaises) adaptations. Épris de Mrs. Wilkes autant que d’un syndrome de Stockholm persistant, je m’ouvre peu à peu aux films de vidéoclub et aux poisseuses séries B. Aujourd’hui, j’erre entre mes cinémas préférés, les festivals de films et les bordures de lacs helvétiques bien moins calmes qu’ils en ont l’air.

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