Tout fraîchement débarqué dans le catalogue de Shadowz, le cultissime Dog Soldiers promet de répandre tripes et boyaux, et de définitivement troubler la quiétude des Highlands écossais. Pourtant, entre un contexte de production compliqué et la carrière de Neil Marshall qui s’apprête bientôt à tenter la chute libre, le pari n’était pas gagné d’avance ! Attention, un film à ne pas regarder un soir de pleine lune…

Après-midi de chien

Après avoir échoué à rejoindre les forces spéciales à cause du tyrannique Capitaine Ryan (Liam Cunningham, présent notamment dans Game of Thrones), le soldat Cooper (Kevin McKidd) se retrouve embrigadé dans un exercice au fin fond des Highlands écossais, un soir de pleine lune. Rapidement, leur unité fait face à un imprévu. Tandis qu’ils étaient censés se soumettre à un simple exercice de routine, ils finissent par tomber sur un groupe des forces spéciales absolument décimé, au beau milieu de la forêt. Seul survivant ? Le Capitaine Ryan, bien que sacrément amoché… Ils l’emmènent avec eux tandis qu’un groupe de bestioles assoiffées de sang commence à les traquer.

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Sauvés in extremis par une zoologiste (Emma Cleasby) passant par là en Range Rover (UK oblige), ils vont s’enfermer dans la seule bâtisse des environs : une vieille fermette totalement déserte à l’exception d’un adorable border collie. Commence alors une nuit interminable, avec comme seul salut à l’horizon les premiers rayons de soleil de l’aube qui devraient éloigner ces étranges créatures lycanthropes voulant leurs peaux.

Neil Marshall, loup solitaire du cinéma d'horreur

Réalisateur britannique, Neil Marshall s’attaque à la confection de Dog Soldiers dans un contexte difficile (nous y reviendrons plus bas) et à à peine 30 ans. Boulimique de cinéma, il va débuter en tant que scénariste, puis se faire la main avec plusieurs courts avant de réaliser ce premier long-métrage…

Neil Marshall sur le tournage de « Dog Soldiers »

Enfant terrible du cinéma britannique, Neil Marshall n’est pas très prolifique et accouche d’un nombre important de navets dur à défendre (à lire : The Lair, la Descent de Neil Marshall ?). Il est notamment responsable du reboot de l’enfer Hellboy (version 2019). Pourtant, si l’on se souvient de son nom, c’est grâce à ses deux premières réalisations qui ont marqué le paysage cinématographique horrifique du Royaume-Uni : Dog Soldiers qui nous intéresse justement aujourd’hui, mais aussi un certain The Descent.

Du 100% masculin « Dog Soldiers », Neil Marshall passe au 100% féminin « The Descent »

Depuis, il n’est pas pour autant inactif… En effet, s’il peine à re-percer dans le monde du cinéma après The Descent, Neil Marshall saura s’occuper : Game of Thrones, Constantine ou encore Hannibal, il tourne sa caméra vers le monde de la télévision et des séries tandis qu’il place également ses billes dans l’univers de la production. Mais revenons à nos moutons, qu’en est-il de Dog Soldiers ?

Le jeune loup révise ses classiques

Pour comprendre et mieux cerner Dog Soldiers, il convient de se glisser dans les références ouvertement affichées de son réalisateur. En effet, ce tout premier film transpire d’une triple influence tirée de véritables mastodontes des décennies précédentes : Predator de John McTiernan, la saga Alien et les Evil Dead de Sam Raimi.

La fameuse cabane de « Evil Dead 2 »

La référence à Predator transpire dans ce groupe de jeunes hommes testostéronés, biberonnés aux armes et nés dans un treillis, autant que dans les segments en vision subjective des loups-garous qui les traquent. Il saura également puiser dans le cinéma de McTiernan, autant les répliques qui fusent qu’un sens aigu du rythme de l’actionner bourrin.

Celle à Evil Dead est d’autant plus évidente que l’un des soldats s’appelle Bruce Campbell… Toutefois, c’est plus largement dans l’atmosphère globale, alliant un huis clos dans cette cabane perdue dans les bois, un humour surnageant constamment les scènes horrifiques bien gores et un filmage des créatures à rapprocher des planantes visions des Deadites.

Finalement, la saga Alien pour cet unique personnage féminin, badass, enfermé dans un milieu 100% masculin et testostéroné (même si l’on regrette l’évolution de ce personnage féminin dans le film de Marshall). Mais s’il est amusant de décoder les références de Dog Soldiers, le film n’en oublie pas pour autant de développer sa propre identité, et il est grand temps de s’y pencher !

Un film qui sort les crocs

La première chose qui frappe au visionnage de Dog Soldiers c’est son rythme étrange, qui marche (étrangement) foutrement bien… Après une introduction in medias res, le film va s’autoriser de très nombreux tunnels de dialogues, souvent assez savoureux mais également déstabilisants par leur durée. Et s’ils contiennent en eux-mêmes de vraies pépites de dialogues ciselées à la perfection (on vous laisse repasser sur la page « citations » d’IMDB consacrée au film pour vous rafraichir la mémoire), ces échanges permettent surtout à Neil Marshall d’envoyer dans la foulée de marquantes ruptures de ton. Entre de rares jumpscares magnifiquement amenés à des crescendos d’action qui n’en finissent pas, ce faux-rythme en deux temps sied particulièrement bien à Dog Soldiers.

Une vache morte qui sera l'occasion pour Neil Marshall de réaliser un sacré jumpscare...

Outre ces considérations de rythme, c’est un montage ultra-cut qui achèvera d’insuffler au film sa tension et crédibilisera ses moments de bravoure. Avantage, longtemps les loups-garous en latex (il ne cèdera jamais aux effets spéciaux et c’est tant mieux !) sont hors-champ ou apparaissent dans des plans si courts qu’ils en deviennent presque des images subliminales, ce qui n’accentue que plus l’imaginaire horrifique entourant Dog Soldiers et ne le font que rarement tomber dans des séquences aujourd’hui involontairement risibles.

Here is Joooohnnnnyyyyy...

Et si nous saluions le recours exclusif aux effets pratiques, il faut également mentionner le fait que Dog Soldiers n’est vraiment pas avares en tripailles ou en pyrotechnie ! Ça suinte, ça coule, ça se répand, ça tranche, ça gicle dans tous les sens et avec un choix particulièrement aiguisé d’humour noir, qui traverse le long-métrage de manière certes plus sobre que dans Evil Dead 2, mais tel que seul un film british pourrait se le permettre. Et cette générosité permissive dans le gore et l’outrance est d’autant plus surprenante qu’elle sporule dans une période peu propice (c’est un euphémisme !) à l’horreur au Royaume-Uni…

Film téméraire

Hammer Film Production, « La Hammer » pour les intimes, est LA société de production britannique de film d’horreur. Entre 1934 et 1979, un nombre incalculable de films sortent d’entre les murs de cette société. Et presque aussi increvable que les loups-garous de Dog Soldiers, la Hammer va traverser de nombreuses mues successives et se relever de plusieurs gros coups durs… Pourtant, malgré quelques espoirs d’ultime renouveau même dans les années 2000 (La Dame en noir, en 2012 notamment), le dernier coup d’éclat de la Hammer semble être le documentaire narré par Christopher Lee et Peter Cushing en personne : Flesh and Blood: The Hammer Heritage of Horror en 1994. C’est donc dans ce sillage de chantre de l’horreur en déshérence (voir en état de mort cérébrale) que s’inscrit Dog Soldiers dès le début de son développement en 1995 jusqu’à sa sortie en salles en 2004…

Mais outre ce premier coup dur pour l’horreur british, Dog Soldiers apparait également après la campagne des Video Nasties, une liste publique de films considérés comme trop violents ou sexuels et poursuivis puisqu’ils violeraient une loi sur les contenus obscènes en Angleterre. Une liste longue (à consulter en intégralité ici), classée en plusieurs catégories (pour des peines allant de la poursuite des distributeurs, des revendeurs, l’interdiction totale ou encore la  confiscation), dans laquelle on retrouve de véritables jalons de l’horreur tels que Ténèbres d’Argento, Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato, Possession de Zulawski, Evil Dead de Sam Raimi ou encore Mausoleum de Michael Dugan (également fraichement rendu disponible sur Shadowz).

« Mausoleum » (1983) de Michael Dugan, classique de videoclub suintant le cinéma d'exploitation des eighties

Un contexte bien peu enclin à l’horreur donc, dans lequel nait pourtant Dog Soldiers dont les références directes apparaissent ainsi dans les listes de ces Video Nasties… Cela explique sans doute la longue durée de développement du film qui commence en 1995 pour n’atterrir sur les écrans qu’en 2004 ! Il n’en reste pas moins que malgré ses difficultés de financement et ce contexte peu favorable, Dog Soldiers envoie du lourd sur la tripaille…

Dernier bon film lycanthrope ?

Question légitime : est-ce que Dog Soldiers est l’ultime bon film de loups-garous ? En effet, ce monstre a innervé tout un pan du cinéma horrifique jusqu’à un point d’orgue dans les eighties entre le classique Le Loup-garou de Londres (1981) de John Landis, Hurlements (1981) de Joe Dante la même année ou encore Peur bleue (1985) tiré d’un bouquin de Stephen King… Pourtant, en s’inscrivant comme l’un des derniers films misant quasiment exclusivement sur les effets pratiques, peut-être bien que Dog Soldiers est l’ultime pur film de lycanthropes convainquant.

« Le Loup-garou de Londres » (1981), de John Landis

Du moins avant l’arrivée d’une nouvelle frange de films d’auteur – Teddy ou Les Bonnes Manières exemplairement – permettant une relecture totale (et souvent sociale) du mythe des monstres à longs crocs… Le numérique a-t-il définitivement tué d’une lame d’argent les bons films de lycanthropes ? L’avenir nous le dira certainement…

Conclusion

Film généreux d’un réalisateur aujourd’hui en pleine traversée du désert, Dog Soldiers marque le premier coup d’éclat de Neil Marshall avant l’arrivée fracassante elle-aussi de The Descent. Deux films imparfaits, mais qui auront su marquer durablement le paysage horrifique du Royaume-Uni et s’inscrire dans un contexte bien peu fertile pour les films d’épouvante. Amoureux de la tripaille et des bêtes aux gueules gluantes, Dog Soldiers, The Descent mais aussi Tales of Halloween (dont Neil Marshall réalise un segment) sont tous trois disponibles sur Shadowz !

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Buvant les Stephen King comme la sirupeuse abricotine de mon pays natal, j’ai d’abord découvert le cinéma via ses (souvent mauvaises) adaptations. Épris de Mrs. Wilkes autant que d’un syndrome de Stockholm persistant, je m’ouvre peu à peu aux films de vidéoclub et aux poisseuses séries B. Aujourd’hui, j’erre entre mes cinémas préférés, les festivals de films et les bordures de lacs helvétiques bien moins calmes qu’ils en ont l’air.

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KillerSe7ven
Administrateur
1 mois

Je me le réserve prochainement celu-ci. ^^ Chouette critique transversale !

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