Petit documentaire d’à peine une heure présenté dans le cadre de la carte blanche de John Wilson à Visions du Réel, il narre l’histoire de cette étrange journée de mai 1995 où un plombier californien de 35 ans décide de se mettre aux manettes d’un tank pour enfin se faire entendre par sa mairie.

La démocratie à coup de tanks

Dix-huit mai 1995, Shawn Nelson – un plombier de 35 ans habitant Clairemont, quartier Nord de San Diego en Californie – se met derrière les manettes d’un tank de 60 tonnes, volé à la garde nationale. Il s’en va alors traverser son quartier en direction de la mairie, détruisant tout sur son passage…

Garrett Scott s’en va analyser toutes les couches (historiques, sociales, politiques) ayant mené cet ouvrier californien à se mettre aux commandes d’un tank pour enfin se faire entendre. Une « histoire de guerre de banlieue », selon le titre, ou plutôt l’étrange combinaison d’éléments se transformant en véritable détonateur, prêt à faire exploser une classe sociale paupérisée et laissée à l’abandon.

Tank et lutte des classes

L’histoire commence dans ces banlieues champignonneuses, ayant sporulé aux USA à la fin des années 50 tandis que l’industrie de l’armement irriguait généreusement toute l’économie locale. Une quarantaine d’années plus tard, les usines ont disparu, les guerres et leurs traumatismes sont passés par là et une véritable épidémie de méthamphétamine parachève de réduire à néant une population ouvrière déjà laminée.

Le documentaire est court et, tout en remontrant les images de l’évènement qui n’aura fait aucune victime si ce n’est son protagoniste principal, s’acharne à remonter la parole des habitants de ces quartiers désormais mal famés. Filmé en 1995, Cul de Sac est pourtant d’une actualité brûlante dans l’ère post-Trump et parvient à décrire sans surplomb la sociologie des différentes forces à l’œuvre dans ces banlieues de laissés pour compte.

Un tout petit documentaire, qu’on ne voit pas pour la qualité de ses images filmées à l’ère du DV mais pour la puissance de sa tragédie familière, hors-du-commun et pourtant parfaitement banale. Un film à rapprocher de Rat Film, décrivant comment une politique insensible et méprisante peut se faire rattraper par les « sans dents » qu’elle s’amuse tant à moquer. Un acte de rage isolé en porte-parole d’une communauté prolétaire en souffrance…

Buvant les Stephen King comme la sirupeuse abricotine de mon pays natal, j’ai d’abord découvert le cinéma via ses (souvent mauvaises) adaptations. Épris de Mrs. Wilkes autant que d’un syndrome de Stockholm persistant, je m’ouvre peu à peu aux films de vidéoclub et aux poisseuses séries B. Aujourd’hui, j’erre entre mes cinémas préférés, les festivals de films et les bordures de lacs helvétiques bien moins calmes qu’ils en ont l’air.

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