• Testé sur PS4 Pro mais aussi sur Nintendo Switch.

  • Jeu acheté en physique (pour les deux versions).

  • Rien à signaler sur le plan technique, les deux versions tournent comme des charmes (même si le titre est évidemment plus fin et fluide sur PS4).

  • Bouclé (pour l’occasion) en une quinzaine d’heures, le temps de venir à bout de la campagne et récupérer environ 80% des bonus et easter eggs.

  •  Screenshots éditeur.

On aurait aisément pu croire qu’après l’extraordinaire, que dis-je, l’immanquable DOOM Eternal, les équipes de id Software avaient épuisé leurs réserves de bonnes idées. Pourtant, en juin dernier, Bethesda et Microsoft annonçaient en pleine conférence un certain The Dark Age, préquel du reboot de 2016. Comme si cela ne suffisait pas, le titre est prévu pour l’année prochaine, prouvant (au cas où c’était encore nécessaire) l’efficacité de ce studio légendaire. En attendant, pris d’une impatience chronique, j’ai décidé de revenir sur le DOOM de 2016, la meilleure porte d’entrée dans la version 2.0 de cette licence culte.

Les guerres du monde

S’il ne semble pas évident de déterminer les raisons de la réussite extraordinaire du DOOM de 93, un titre extrêmement brutal paru à une époque où je leu vidéo s’extirpait rarement de son carcan coloré et joyeux, c’est néanmoins beaucoup plus simple d’expliquer comment le troisième volet s’est planté en beauté, en s’éloignant de ses aînés. DOOM 3, c’est une suite sans logique, partant d’un Fast-FPS plein de peps pour le convertir à demi en Survival Horror, le tout dans des environnements très sombres, avec un Level Design peu inspiré et une bande son souvent absente. Difficile d’en vouloir aux fans de la première heure d’avoir boudé ce jeu de shoot étrange, malgré des qualités évidentes, notamment une plastique irréprochable. Après cela, et en dépit d’un succès commercial tout relatif, il fallait bien que id Software se réinvente. Ce qui ne fut, là encore, pas évident, et nous ne sommes pas passés bien loin d’un DOOM 4 aux antipodes de ce que l’on était en droit d’attendre. Qu’importe le nom de l’ange passé par là, toujours est-il que le sobrement intitulé DOOM, reboot d’une franchise mythique, paraissait le 16 mai 2016, onze ans après le précédent volet.

Mine de rien, c’est déjà la cinquième (ou sixième, tout dépend comment vous comptez) fois que la franchise de id Software nous propulse à plusieurs dizaines de millions de kilomètres dans notre système solaire, sur une planète Mars toujours aussi peu hospitalière. Passons sur les considérations astrophysiques, même si dès que l’on parle d’espace j’ai tendance à m’égarer (n’hésitez pas à me couper la parole surtout), pour nous arrêter sur un constat évident : jamais notre plus proche voisine n’a été aussi belle dans un jeu vidéo. Alors évidemment, nous n’échappons pas à la sempiternelle teinte monocorde de notre bien aimée planète rouge, n’en déplaise à ceux qui espéraient un titre plus bigarré après le triste et terne DOOM 3. Mais il faut dire ce qui est, visuellement le jeu est une bouffée d’air frais, et tourne par ailleurs très bien, même en plein cœur d’une action qui, nous le verrons, n’a rien à envier à celle de ses plus vieux frères. L’enfer est aussi très bien retranscrit, et n’a par ailleurs plus grand chose à voir avec celui que l’on a connu en 2004.

On constate aussi que id Software a visiblement appris de ses erreurs, puisque le scénario est d’emblée relégué au second plan, grâce à un « subtil » effet de mise en scène à base de « balance moi cet écran que je ne saurai voir ». Et s’il ne s’empêchera pas de nous conter quelque sommaire récit par la suite, mettant parfois en pause son action, DOOM se déguste néanmoins à merveille sans cette sauce scénaristique qui, de toute façon, semble assez lucide quant à son intérêt immédiat proche du néant. Ce qu’il faut savoir, c’est que l’on incarne, pour ne rien changer, ce bon vieux DOOM Guy, qui perd son visage avec ce reboot. Ce qui ne l’empêche pas de conserver une certaine identité. La jaquette est assez éloquente sur le sujet, notre protagoniste est un monstre qui pourrait trouver sa place dans le bestiaire du jeu, et les brutalités à venir le confirmeront.

Puisque tout l’intérêt (et le but) d’un reboot réside dans le fait de réinventer une franchise, on était en droit de s’attendre à quelque chose de très différent de ce que l’on a pu connaître précédemment. Et d’une certaine manière, c’est effectivement ce que l’on a eu, bien que DOOM conserve un pied solidement ancré dans son passé. Mais, pour son bien, rassurez-vous. Le titre de id Software demeure beaucoup plus proche de son homonyme de 93 que de tout First Person Shooter paru en 2016. Ce qui est assurément à voir comme une qualité. S’il fallait s’attarder sur les nouveautés de cet épisode, en faisant comme si DOOM 3 n’avait jamais existé, alors on commencerait par parler de la visée libre, de la touche de saut et la possibilité de se hisser sur certains rebords, ou bien sûr de ces exécutions sanglantes à réaliser sur des adversaires à bout de souffle.

En dehors de cela, finalement, DOOM reste DOOM. Oubliez votre Shift pour spinter, et imaginez que vous avez activé la course automatique, puisque cette version de 2016 se départit de toute fioriture inutile, pour son plus grand bien. Ainsi, contrairement à un Call of Duty, ou au très chouette Wolfenstein : The New Order pour rester chez Bethesda, pas question de recharger vos armes ici, excepté bien sûr le Super Shootgun, pour un effet de style toujours aussi grisant. Si vous avez des munitions en stock, vous pouvez tirer, sinon, passez au flingue suivant. En dernier recours, il vous reste les attaques au corps à corps, qui ne sont vraiment utiles que lorsque vos adversaires clignotent, indiquant qu’ils sont bons pour une exécution ; ou bien la tronçonneuse, nécessitant de l’essence pour fonctionner, mais permettant de réduire à néant à peu près toutes les engeances à venir, qui exploseront dans un déluge de munitions à ramasser. Effet jubilatoire garanti.

Récits d'une vie fugitive

Brutal, c’est assurément le mot qui convient le mieux à ce nouveau DOOM, bien que celui-ci ne se contente absolument pas de cela. On aurait pu s’attendre à une expérience très pure, très brute, mais ce reboot se révèle bien plus riche, garni et complet qu’il ne le laisse à penser au premier abord. Entendons nous, on reste bien devant un First Person Shooter violent, sanglant, et parfaitement décomplexé, qui se prend par ailleurs en main le plus simplement du monde si tant est que l’on connaisse un minimum le genre. Ce qui permettrait presque à tout le monde de s’y essayer finalement, si le challenge, et surtout la nervosité, n’étaient pas aussi centraux dans sa proposition qui, bien qu’assez courte, nécessite quelques pauses pour reprendre son souffle. Ce dont le jeu, enfin plus précisément son développeur, a parfaitement conscience, puisque chaque séquence épuisante sera suivie par une autre plus relaxante, souvent tournée vers l’exploration d’une zone au Level Design assez inspiré.

L’aventure est donc morcelée, ce qui est à voir d’un bon œil puisque, comme dit, il sera souvent nécessaire de reprendre son souffle après un affrontement trop demandant. Chose qu’on peine à se figurer dans un premier temps, mais qui devient assez évidente passée la moitié de la campagne, le challenge grimpant en flèche, et la charge cognitive intrinsèque avec. Charge cognitive qui ne sera pas perçue de la même façon chez tous les joueurs, c’est évident. En ce qui me concerne, après deux ou trois heures de jeu j’ai les neurones qui surchauffent, ce qui a tendance à me faire perdre bêtement pour des erreurs d’inattention. DOOM enchaîne les moments forts en émotions à une vitesse régulière, et le fait la plupart du temps sur un Heavy Metal qui ajoute à la violence de chaque scène. Qu’on aime ou non, il faut reconnaître que le style musical choisi colle autant à ce qu’il se passe à l’écran qu’à l’ADN de la franchise. À noter aussi que le Sound Design est une franche réussite.

La plus grande force de DOOM, au delà de son arsenal bien choisi et efficace, c’est son bestiaire, véritable pièce maîtresse de son gameplay. Parce que chaque type d’ennemi a un pattern d’attaques et de déplacements définis, nous poussant à adopter une attitude précise. Or, il va sans dire que placer dans la même arène des adversaires nous alignant à distance, et d’autres nous poursuivant sans relâche, a de quoi déstabiliser, mais surtout pousser à une course en avant continuelle. Ce qui sera le cas pendant pratiquement tout le jeu, à fortiori dans la mesure où notre DOOM Guy, aussi musclé soit-il, n’est pas bien solide. On est donc constamment en mouvement, constamment en train de surveiller ce qui arrive devant et sur les côtés, mais aussi nos munitions, notre jauge de vie et celle d’armure. Comme si cela ne suffisait pas, le titre nous pousse sans cesse au contact, en permettant de récupérer des points de vie lors d’une exécution réussie. Une gymnastique qui n’est pas évidente, demande un temps d’adaptation, et surtout qui fatigue psychologiquement sur la durée. Le Fast FPS à son meilleur, en somme.

Je parlais de richesse, plus tôt, et celle-ci se matérialise de plusieurs façons. DOOM peut très bien être bouclé en une dizaine d’heures, en fonçant dans le tas sans faire attention à ce qu’il propose en dehors de ses gunfights puissants. Mais ceux qui désireraient fouiller un peu seraient rapidement récompensés, que ce soit par de petits easter eggs ; des bonus permanents, tels que des augmentations de la jauge de vie, d’armure ou du nombre de munitions à transporter de notre DOOM Guy ; ou bien des points d’amélioration destinés à rendre notre arsenal plus efficace. Points qui s’obtiennent aussi en performant pendant les combats, et sont attribués à la fin de chaque niveau. Niveaux qui n’ont plus grand chose à voir avec ceux des premiers volets, puisque celui de 2016 est assurément plus dirigiste dans son Level Design, et de manière générale dans son approche. Bonne ou mauvaise chose, je pencherai plutôt du côté de la bonne, bien que les passages secrets par milliers des originaux manquent un peu dans ce reboot, qui préfère garder un bon rythme.

Après un tel article, on serait bien tenté de croire que DOOM est parfait. Mais il n’échappe pas à quelques maladresses, notamment de petits problèmes de Pathfinding pendant ses séquences d’exploration, ou un Level Design des arènes parfois moins inspiré. L’action est aussi tellement énergique, ce qui se traduit en partie par des effusions et explosions dans tous les sens à l’écran, que celui-ci manque par moments de visibilité. Ce qui peut évidemment mener à une mort assez frustrante. Idem lors des rares phases de plateforme, qui manquent cruellement de précision. Heureusement, le titre dispose de réguliers checkpoints, mais il est néanmoins regrettable de constater que les temps de chargement sont sacrément longuets. DOOM propose aussi un mode multijoueur, à son lancement, qui n’a absolument aucun intérêt malgré des maps (en partie reprises de la campagne) qui fonctionnent assez bien. Enfin, difficile de ne pas noter que, malgré sa durée assez modeste, la campagne est un peu trop longue par rapport à ce qu’elle a à proposer, ses deux à trois dernières heures se révélant beaucoup moins inspirées. Le titre se rattrape néanmoins avec son mode Arcade qui, s’il n’est pas parfait, a néanmoins son intérêt.

Tous les joueurs ne sont pas concernés par la fonction d’éditeur de maps, mais celle-ci a le mérite d’exister, et a permis à de nombreux passionnés de réaliser des choses absolument folles. DOOM permettant de modifier de nombreux paramètres dans ses niveaux amateurs, mais aussi d’enclencher des scripts et d’insérer du texte, les possibilités sont virtuellement infinies, et la communauté s’en est donné à cœur joie. Un bon moyen de prolonger le plaisir, avec des créations inégales, évidemment, mais relevant parfois du génie, quand elles ne sont pas tout simplement barrées. Certains n’ont pas hésité à mettre les mains dans le cambouis pour réaliser des expériences singulièrement différentes du jeu de base, comme du Harvest Moon-Like, ou encore du Tower Defense, ce qui fonctionne étrangement bien. Dommage que huit ans plus tard, il ne reste plus grand monde pour faire vivre ce mode à part.

Enfin, un petit mot sur les différentes versions du jeu. Initialement paru en 2016 sur PS4, Xbox One et PC, DOOM s’est rapidement offert une parution sur Nintendo Switch, débarquant fin 2017. Si pour les besoins de cet article, j’ai relancé la version PlayStation sur une PS4 Pro, j’ai aussi pu boucler le jeu sur la dernière née de la gamme Nintendo (ne me demandez pas pourquoi). Ce qui m’a permis de constater la qualité de ce portage, que je recommanderai sans hésiter, tant il tourne bien, autant sur TV qu’en portable. Alors évidemment, on perd en lisibilité en configuration nomade, mais il faut dire ce qui est, faire tourner un monstre pareil sur une console aussi peu puissante, le tout sans chute de framerate, ça sonne comme une prouesse. A fortiori dans la mesure où, contrairement à beaucoup d’autres, DOOM n’est pas ridicule sur le modèle Lite de la Switch. Quant à la version PS4, elle tourne elle aussi sans accroc, et avec une fluidité qui l’honore.

DOOM fait revivre une licence que tout le monde croyait morte et enterrée, et il le fait avec une maîtrise impressionnante. Si Bethesda a plutôt mis l'accent sur l’anecdotique multijoueur pendant sa déplorable campagne de pub, le titre de id Software a heureusement bien d'autres choses dans le ventre, à commencer par un gameplay extrêmement nerveux et des mécaniques brutales, menant à une exécution jubilatoire. Peu de jeux parviennent à cristalliser aussi clairement ce que le l'état de flow peut représenter. DOOM est autant un hommage émouvant au Fast-FPS d'une autre époque, qu'une lettre d'amour adressée aux fans de id Software et son œuvre. Ce qui mène à un jeu aussi intemporel que le mythique premier volet de la franchise.

Pour
  • Une belle manière de réinventer un classique
  • Gameplay facile d'accès...
  • … mais s'offrant aussi une certaine profondeur
  • Visuellement et musicalement réussi
  • Brutal et jubilatoire
  • Challenge justement dosé
  • Contenu de base convaincant
  • Création de maps aux possibilités impressionnantes...
  • … et créations en ligne absolument folles
  • Une version Switch qui tourne comme un charme
Contre
  • Campagne tirant un peu en longueur...
  • … malgré une durée somme toute modeste
  • Mode multijoueur absolument inutile
  • On n'aurait pas été contre du couch coop
  • La version Switch est amputée des créations en ligne

Hermite en devenir, depuis longtemps l'esprit égaré dans de vieux livres, j'ai échoué dans ces colonnes dans l'espoir de partager autour de mon monstrueux Backlog, ou à l'occasion de mes grands amours que sont Biohazard et le J-RPG.

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Ummagumma
8 jours

Comment vont les joycons de ta Switch après ta partie de Doom? :-p

le loup celeste
Administrateur
8 jours
Répondr à  Ummagumma
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[…] recharger ses armes, et se préparer psychologiquement pour ce qui arrive ensuite. Un petit air de DOOM (2016) avant l’heure, avec une surcharge mentale rapidement atteinte dans les modes de difficulté […]

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