Presque dix ans après le fracassant Fury Road, George Miller revient sur l’asphalte avec un préquel dédié au personnage de Furiosa, mis en lumière en 2015 dans le come-back inespéré de la franchise Mad Max. Réalisateur maudit n’ayant jamais vraiment fait décoller le box-office malgré sa trace indélébile laissée dans l’imaginaire post-nuke, George Miller a pris un nouveau virage avec Furiosa. Comment s’inscrit cette nouvelle variation du mythe au cœur d’une saga qui a traversé les générations sur presque cinquante ans ? Loin de faire doublon avec ses prédécesseurs, le dernier né du Wasteland tient-il la route ?
Sommaire
Le Cinquième Cavalier de l’Apocalypse
Nouveau film, nouvelle ère ? Exit Charlize Theron pour le rôle de Furiosa, c’est Anya Taylor-Joy qui a été choisie pour incarner la jeunesse de la prétorienne d’Immortan Joe. Plutôt qu’une simple suite à l’inégalable Fury Road, le réalisateur australien a préféré opter pour la forme du préquel, exercice périlleux qui vient combler les angles morts de l’histoire de l’héroïne à l’origine de la révolution de la citadelle. En revenant quinze ans en arrière, George Miller démarre son histoire juste avant l’effondrement de l’âge d’or. Pour les premières images de cette origin story, on découvre la jeune Furiosa en train de tendre le bras vers une pomme rougeoyante perchée en haut d’un arbre. C’est le fruit défendu qui condamnera les Hommes du paradis perdu comme l’exige la genèse d’Adam et Eve. Rien n’aurait eu lieu sans ce geste désinvolte.
Cette Terre Verte, oasis d’espoir au milieu du désert, Fury Road en faisait déjà le deuil au terme d’une course-poursuite conçue comme une révolution complète au sens littéral du terme (lire l’article de lundimatin sur la logique de réparation). Un aller-retour à la conclusion tragique : ce territoire d’abondance a depuis longtemps été consumé par le désert, métaphore de l’échec de l’humanité. Comme tous ces personnages brisés et présentés comme des « déjà-morts » par Dementus, nouvel avatar démiurge du Wasteland, Furiosa va mener une lutte acharnée pour assouvir sa soif de vengeance.
Coutumier des références historiques de Ben-Hur à la piraterie en faisant un détour par les fictions de notre époque comme Conan, Miller dessine une odyssée en cinq chapitres. Le dernier volet intitulé « Le Cinquième Cavalier de l’Apocalypse » constitue la jonction entre Furiosa et Fury Road, la clé de voute où s’achève la vengeance et débute la rédemption. C’est aussi une référence au livre de SF éponyme de Larry Collins et Dominique Lapierre, qui racontait l’histoire d’un chantage nucléaire.
Chantage qu’on retrouve avec le coup de poker de Dementus qui menace de faire sauter la citadelle s’il n’obtenait pas satisfaction. Plus « classique » dans sa structure que Fury Road, Furiosa reprend scrupuleusement les étapes clé du monomythe de Joseph Campbell, davantage encore que son prédécesseur qui nous balançait – sans préliminaires – son déluge d’action totalement décomplexée (mais jamais décérébrée).
Dans cette satire noire, Miller étend son univers de personnages tout droit sortis d’un storyboard de comics. Il intègre Dementus parmi ces seigneurs de guerre à la tête de proto-sociétés autoritaires. Ces dernières sont animées par un culte de la personnalité qui tend vers le religieux chez les War Boys, prêts à se sacrifier pour ce Saint-père qui leur promet le Valhalla. Chez Dementus, le maintien au pouvoir est construit en négatif avec une vision caricaturale et chaotique de l’anarchie. Dementus est un leader pathétique dépassé par sa propre démesure. C’est l’ordre qui manque à sa bande et, inversement, c’est la liberté qui fait défaut aux troupes d’Immortan Joe. Dementus est ici joué par Chris Hemsworth, méconnaissable grimé avec un nez saillant et qui heureusement nous fait oublier son rôle de Thor.
C’est un leader sado-maso ambigu, un chef en proie au doute et qui s’ennuie face à la barbarie comme le glisse l’une des séquences clés du film pour comprendre la psychologie de ce monstre malgré lui. Comme il s’est construit sur un traumatisme, il a façonné Furiosa à l’identique; il n’hésite pas à lui dire que c’est la raison pour laquelle il a tué sa mère sous les yeux de la fillette. Furiosa lui empruntera d’ailleurs sa cape blanche tachée de rouge avant de l’exécuter.
À la citadelle en revanche, le dévouement est total. « I’m going to die historic, on the fury road » revendique fièrement Nux, l’un des War Boys mis en échec par trois fois et ayant changé de camp dans Fury Road. Ce n’est même plus un adverbe (historically), c’est carrément un adjectif épithète (historic) qui est mobilisé ici. C’est l’action de mourir qui est associée à l’historicité du geste. Ces 763 soldats sont prêts à donner leur vie en un claquement de doigt pour leur chef spirituel Immortan Joe. « Je suis votre rédempteur » hurlait déjà le patriarche à la foule. Dans Fury Road, on découvrait le sort réservé à ses épouses enfermées sous un dôme derrière un coffre-fort. Les plus fertiles servaient de matrices à la descendance du grand leader tandis que celles « défaillantes », comprendre les malheureuses qui donnaient naissance à des enfant mort-nés ou handicapés, étaient condamnées à devenir des laitières.
Le capitalisme est mort, vive le capitalisme
Cette structure pyramidale du pouvoir rappelle la conclusion du roman de science-fiction Ravage. Après l’effondrement de la société moderne, Barjavel optait pour une conclusion aux relents réactionnaires : une société patriarcale dédiée au repeuplement de la Terre autour d’un seul et même homme. Dans son dernier acte intitulé Le Patriarche, chaque jour de la semaine, une femme différente donnait son corps à François. Le leader s’octroyait alors une sorte de droit de cuissage pour repeupler la Terre. « Parce que les hommes sont des hommes, c’est-à-dire des êtres chez qui le mal domine le bien » écrivait Barjavel. C’est la loi du Talion qui gouverne au Wasteland. C’est chez Miller une société du viol où les jeunes épouses n’ont d’autres choix que de satisfaire ce programme procréatif où la consanguinité et la radioactivité se livrent bataille pour assurer une descendance viable. Le désir n’a plus lieu d’être ici. En contrepartie des services de leur utérus, ces « privilégiées » bénéficient des fruits produits sur les hauteurs tandis que le reste de la population est condamné à la misère et au quasi-cannibalisme.
Chez Dementus aussi, pas de gaspi; les déchets organiques humains sont recyclés en boudins. Un met « raffiné » réservé au haut du panier, les plus bas de l’échelle se nourrissant avec ce qu’ils trouvent sous la main, à l’image de Max qui décapitait un lézard à deux têtes dans les premières secondes de Fury Road. Le Wasteland est un monde d’estropiés gouverné par des estropiés. Les codes ont été atomisés pour faire muter la société dans une forme de dystopie nihiliste. C’est aussi ce qu’il faut comprendre de la référence aux « demi-morts » à qui la guerre nucléaire a divisé l’espérance de vie par deux.
Là où Fury Road nous montrait le manque d’eau et la consécration paroxystique de l’or noir, ce second volet révèle un lumpenprolétariat en proie aux émeutes de la faim à Petroville. À la citadelle, certains cultivent même les vers nés de la chair en putréfaction. Sous la terre de l’imprenable forteresse du despote, c’est ce saloir infâme où les cadavres sont utilisés pour élever les vers. Miller va bien plus loin que Trocville de Mad Max 3, où les fientes de cochons servaient simplement à produire du carburant en exploitant la force de travail des esclaves et autres rebuts de la société précipités six pieds sous terre. Ce sont les petites mains du bas de l’échelle, ces « gens qui ne sont riens » qui permettent la vie à ciel ouvert en mettant les mains dans la merde. Ironiquement, le Wasteland est aussi l’occasion d’une deuxième chance. L’impératrice de Mad Max 3 jouée par Tina Turner confiait elle-même qu’elle n’était rien avant la grande guerre.
Dans l’univers de Miller, l’irruption de la guerre nucléaire conçue comme le Ground Zero du Wasteland n’a jamais éteint le capitalisme. Au contraire, l’hydre capitaliste n’est jamais complètement défait. Il n’y a pas de victoire possible contre la main invisible, seulement des accommodements. Depuis Mad Max 2, Miller donne à voir un capitalisme dans sa forme la plus débridée : le libertarisme. On retrouve cette liberté abâtardie, enfermant l’individu dans autant de styles vestimentaires délurés propres à l’apocalypse, comprise comme la fin des temps et donc la fin des injonctions morales. L’Etat n’est jamais une question en soi.
Même dans la mythologie du Valhalla née des cendres de l’ancien monde, on retrouve trace de notre société de consommation. À plusieurs reprises, les War Boys font référence au « Agua Cola » et à « la table du McFestin », combinaison à peine voilée de Coca Cola et McDonald’s. Ce désir d’un autre monde n’est rien d’autres que le souvenir du capitalisme d’avant l’apocalypse. Qu’on ne s’y méprenne, même au terme de Fury Road, l’utopie n’a pas lieu d’être dans le Wasteland. Cet « autre lieu » est par nature inaccessible comme l’est l’île du livre de Thomas Moore, protégée par une mer indomptable et des montagnes imprenables. Dans le Wasteland, l’utopie est strictement impossible matériellement et conceptuellement. Jamais, puisque tout espoir est aussitôt subverti par la haine et la reproduction des schémas de domination de l’ancien monde.
Le Carnaval des Freaks et ses fétiches
Dans Mad Max, on découvrait déjà cette horde de Freaks. Il y a un côté cirque ambulant dans le cinéma de Miller, qui rappelle La Parade des Monstres (1932) de Tod Browning (voir l’émission de BLAST qui lui était consacrée). Nombre de cascadeurs sont d’ailleurs habitués des foires. La saga Mad Max est toujours débordée par les marges. Les culs-de-jatte et mutilés sont les nouveaux standards de ce monde post-apo où la normalité est presque suspecte. Max lui-même nous prévenait lors du come-back de la franchise en 2015 : « Qui est le plus fou ? Moi… ou tous les autres ? »
Miller opère un grand écart du mythe de l’enfant sauvage (poussé à l’extrême dans le troisième opus) aux figures de bad boys aux airs queer du second opus. On pense naturellement à tous ces vagabonds, les tétons exhibés fièrement, avec leur coupe iroquoise et le corps couvert de cuir bien avant Matrix. On se rappelle aussi la mort au boomerang de l’éphèbe et probable amant de Toadie, puni pour avoir défié l’autorité du seigneur Hummungus et son gang de maraudeurs désœuvrés.
Le cuir et le déguisement font partie d’un carnaval punk propre à la fin du monde et très largement repris par les films de zombies où chaque despote cultive son propre fétiche. Il suffit de penser à Negan et sa batte cloutée pour s’en convaincre. Les films de feu Romero (1949-2017) singeaient eux aussi la société de consommation et la violence des hommes avant celle des morts-vivants selon une lecture chère à Hobbes plus qu’à Rousseau. On retrouve ces « morts-vivants » et leurs fétiches chez Max, Furiosa comme Dementus.
À chaque film son antagoniste. Dans le premier, c’était Toe Cutter ou le Chirurgien, le pervers, lointain cousin d’Orange Mécanique, qui finira les yeux exorbités (marque de fabrique de Miller), désintégré sous une semi-remorque. L’acteur reprendra d’ailleurs un autre rôle, celui d’Immortan Joe plus de trente-cinq ans plus tard ce qui renforce l’idée que tous ces personnages névrosés sont en quelque sortes substituables. C’est aujourd’hui, d’une part, Dementus, archétype de Barbe rousse à la cape changeante et au nounours harnaché dans le dos; d’autre part, Immortan et son plastron de plastique couplé à son appareil respiratoire qui rappelle Dark Vador. On pourrait encore citer l’Octoboss et ses cornes de diable. Plus généralement, c’est la revanche des marginaux et hors-la-loi contre Max, figure de l’ancien flic, donc de la violence légitime.
La révolution elle-même n’est jamais le fruit d’un collectif initialement formé mais plutôt de la somme d’individus aux trajectoires sécantes et alliances opportunistes. Dans Fury Road comme Furiosa, les courses-poursuites ne sont jamais que des lignes droites tracées au milieu du désert; les rencontres, le fruit du hasard; la révolution, une conjoncture favorable née du chaos. C’est dire combien la direction importe peu puisque les conducteurs sont le plus souvent affairés à défendre le porte-guerre qu’à conduire l’appareil, véritable frégate blindée et surarmée. On n’organise pas la révolution. Le Grand Soir est affaire de hasard au truchement de crises plurielles qu’il faut savoir saisir au bon moment.
La Terre, même désolée, est accaparée par les seigneurs de guerre de Petroville, Trocville, Bulletfarm ou la Citadelle. Un système de commerce axé sur le négoce rudimentaire et le troc s’installe, mais la concentration du pouvoir comme des richesses reste de mise. C’est un système féodal axé sur la force et la domination par l’échange de matières premières. Même les hommes sont une marchandise comme les autres. Dans Fury Road, l’exploitation des corps est totale : le sang des globulards, l’utérus des mères porteuses, le lait tiré des seins des laitières et la vie des War Boys prêts à se sacrifier. La reproduction elle-même devient contre-nature. Elle est privatisée au bénéfice d’une caste et amenée à tourner dans un unique circuit fermé. Dans Furiosa enfin, même les morts ont de la valeur avec l’élevage de vers comme évoqué précédemment.
Une fable congénitale ou la revanche des estropiés
Soucieux d’étendre l’univers du Wasteland, le dernier film de Miller nous en apprend davantage sur les frères Rictus et Scrotus, deux des fils d’Immortan dont le nom renvoie ironiquement au scrotum et au rectum, si bien qu’on ne sait plus vraiment si ses fils sont sortis d’un cloaque ou d’un utérus. Le premier est une masse de muscles inversement proportionnelle à son intelligence. Il est le plus jeune fils d’Immortan et la figure du violeur par excellence comme le montrait déjà Fury Road. Dans Furiosa, ponctué de nombreuses ellipses sur une quinzaine d’années, c’est son côté fétichiste et pédophile qui transparaît quand il met la main dans les cheveux de la jeune fillette et qu’il la kidnappe les nuits.
Scrotus, lui, est un brin plus vif mais déformé physiquement par autant de brassages congénitaux. Le troisième, Corpus Colossus, est l’œil d’Immortan Joe. C’est lui qui scrute l’horizon avec son télescope, objet indissociable de la saga Mad Max. Bien qu’il soit lourdement handicapé, c’est le cerveau et consul de l’Empereur. Il est également appelé Corpus Calossum, terme qui désigne explicitement la région du cerveau humain qui relie les hémisphères cérébraux gauche et droite. Il est donc étymologiquement l’équilibre entre Rictus et Scrotus.
Chez Miller, ces personnages sont le plus souvent réduits à une seule et même fonction ou essence. Ces protagonistes ne sont jamais entiers. Au contraire, ils sont systématiquement « amputés » de quelque chose ou carrément atteints d’une tare qu’ils cherchent à résorber : l’idiot Rictus par sa force, Colossus par sa capacité d’analyse, Max comme une âme errante après le meurtre sauvage de sa famille lâchement assassinée dans le premier volet. Il reste enfin Furiosa, animée par la vengeance à la suite de son enlèvement, petite, comme choisit de le montrer Miller en ouverture de son film. On est happé par le regard vengeur d’Anya Taylor-Joy dans le rôle de la prétorienne. Ses traits évoluent par surimpression d’effets numériques sur son visage, de l’enfance à l’âge adulte jusqu’à rappeler Charlize Theron… Bluffant !
Chez les antagonistes, on retrouvait déjà cette séparation essentialiste entre la force et l’intelligence. C’est le cas dans Mad Max 3 avec le colosse The Blaster et son maître joué par un acteur atteint de nanisme. Max renonçait à achever cette montagne de muscles lorsqu’il découvrit qu’il était handicapé. Trente ans plus tard, c’est dans Fury Road que Miller refusa de donner la mort à Corpus Calossum. L’infirme aurait dû être tué par l’une des mères laitières à la fin du long-métrage. Cette fin avait même été tournée avec une dizaine de prises jusqu’à ce que Miller se rétracte contre toute attente. C’est d’ailleurs le dernier survivant de la famille Joe, Miller faisant plutôt partie des réalisateurs qui ouvrent les portes plutôt qu’ils ne les ferment.
Furiosa, une égérie féministe ?
Si l’on n’est pas friand du biais contemporain parfois réducteur du « Femme forte égal féminisme » (grille de lecture désuète en 2024), il faut reconnaître que le choix d’un casting féminin comme moteur de l’action de Fury Road tranche radicalement dans un paysage essentiellement trusté par des Hommes dans les années 70-80. À cette époque, la femme était le plus souvent une victime sauvée par des gros bras huilés. C’était le schéma convenu dans la majeure partie des productions de films d’action jusqu’à l’irruption iconoclaste d’Ellen Ripley en 1979 avec Alien, le huitième passager. Dans le premier Mad Max, c’est le modèle de la femme aimante et dévouée qui est mise à mort; dans le second, l’une des premières femmes qui apparait à l’écran est aussitôt mise à nue et violée sous le regard complice du spectateur. Et il faudra seulement attendre le troisième opus, dédié à un public bien plus jeune avec sa trame entre Peter Pan et Le Petit Prince, pour voir un sort moins tragique donné à la gent féminine.
Pas d’angélisme pour autant, une fois au pouvoir, les femmes possédées par l’appât de la puissance, ne sont pas plus vertueuses que les hommes. Mad Max 3 l’a démontré de façon candide. Et nul doute que la fin de Fury Road qui menait Furiosa au sommet de la Citadelle n’annonce pas des lendemains qui chantent. D’une société patriarcale au matriarcat, l’ancienne prétorienne qui crie dans la foule qu’elle est Furiosa renoncera-t-elle au monopole de la violence exercé par ceux qu’elle a défaits ?
Prise de risque monumentale, Fury Road opte pour un modèle de révolte de forcenées face à une société patriarcale à son paroxysme. Ici les femmes se sauveront entre elles. Quand Furiosa s’exfiltre de la citadelle avec les promises d’Immortan, chacune d’elles est symboliquement habillée d’un drap blanc. Il y a clairement la volonté de détricoter un univers largement masculiniste de la trilogie originelle. Et c’est tant mieux tant le soin apporté aux personnages mouche les attentes du fan de la saga biberonné à la testostérone.
Il n’échappera à personne que le nom du personnage de Furiosa renvoie à la mythologie grecque et à ses trois furies reprises dans La Divine Comédie. Ces trois sœurs, filles des divinités primordiales Ouranos (le Ciel) et Gaïa (la Terre), habitaient dans les profondeurs de l’Enfer. Mégère (la Haine), Tisiphone (la Vengeance) et Alecto (l’Implacable) imprègnent le personnage de Furiosa. Chez les Grecs, elles étaient les gardiennes de l’ordre et poursuivaient sans répit ceux qui avaient transgressé les règles, que ce soit dans le monde des vivants comme celui des morts. Ovide les appelait « les sœurs nées de la nuit, divinités terribles et sans pardon ». C’est exactement la figure de Furiosa dont le seul et unique objectif est né du traumatisme de son rapt et du meurtre de sa mère. Ses dernières paroles seront l’unique leitmotiv de Furiosa pour les quinze années à venir : « Prends le temps qu’il faudra mais promets-moi de revenir à la maison ». Furiosa conservera religieusement les graines que lui confiait sa mère, axe là encore ouvert pour l’avenir de la saga. L’enfant devenue adulte appliquera méthodiquement les derniers souhaits de sa mère.
Notons au passage que si ce préquel élucide les origines de Furiosa, il n’est jamais question du père, sinon par son absence. C’est d’ailleurs le sens à donner aux paroles de ses kidnappeurs. L’un d’eux lui demande qui les pourchasse « Est-ce que c’est ton père qui nous traque ? » comme si une chasseuse était de l’ordre de l’impensable. Dans le dytique Fury Road comme Furiosa qu’il faudrait considérer comme une seule et même œuvre, l’homme est au départ synonyme de prédation, raison pour laquelle les premiers échanges avec son mentor torturé par Dementus comme ceux avec Max sont toujours marqués par la conflictualité. En outre, contrairement à Fury Road qui s’étalait sur quelques jours à peine, Furiosa tient sur une quinzaine d’années. Et si la nuit n’apparaissait symboliquement qu’à la fin de Fury Road, elle éclipse le soleil ardent du désert à plusieurs reprises dans l’introduction de Furiosa. Les hommes craignent les furies et tous ceux qui croiseront la route de Furiosa seront condamnés à une mort certaine.
Dans la mythologie grecque, les furies personnifient la malédiction et elles sont chargées de punir les crimes de leurs auteurs. C’est tout le sens à donner au calvaire que fait subir Furiosa à Dementus, même si Miller aurait pu faire preuve de moins de retenue graphique pour représenter ces sévices infligés à son tortionnaire (et « père » violeur ?) de jeunesse. Gageons que la délicate question des visas d’exploitations dont souffrirent ses premiers films ont pu jouer dans l’équation. Les contours de l’oppression de la jeune Furiosa resteront à la discrétion de l’imaginaire plus ou moins cruel du spectateur. Miller aurait là aussi renoncé à montrer la scène où Furiosa lui aurait arraché la langue, préférant se contenter des propos rapportés par l’History Man : « Elle lui ôta la voix ». Quant à la mort de Dementus, elle est annoncée de manière quasi prophétique par ce même compteur, alors que le groupe du roi destitué se disloque dans le désert. Signe de plus de la construction d’une mythologie moderne, Dementus interpelle Furiosa et lui demande si elle aura assez pour devenir un mythe.
Le purgatoire raconté par les History Men
Si la fin du monde est attendue par certains comme l’occasion d’un grand reset général, la vision de Miller est autrement plus cynique. « L’humanité dévoyée se terrorise elle-même. Alors que le monde se délite autour de nous. Comment affronter ses cruautés ? » C’est en ces termes que le narrateur et l’History Man nous interpellent dans les premières secondes de Furiosa. De quel côté le fléau de la balance pencherait en cas de big-bang nucléaire ? L’Homme libéré de son passé reconduirait-il les mêmes mécaniques de la violence ou serait-ce au contraire l’occasion de le sublimer ? Apocalypse ou apothéose ?
Dans la mythologie grecque (encore et toujours), l’apothéose d’un héros signifiait son admission parmi les dieux de l’Olympe comme ce fut le cas d’Hercules. Sous l’Empire Romain, ce sera une cérémonie officielle de déification de l’Empereur avant ou après sa mort. Par extension, chez les catholiques, l’apothéose sera synonyme d’ascension et de glorification posthume de ceux qu’on appellera des saints. On pourrait multiplier les parallèles avec la religion qui est intimement liée à la franchise. Si aujourd’hui, on a tendance à réduire l’apocalypse à la seule fin du monde, c’est omettre une partie substantielle de son étymologie.
Même préfixe apo- que pour l’apothéose, l’apocalypse renvoie à la « révélation de Dieu ». Il y a derrière ce mot la notion de dévoilement qu’on retrouve paradoxalement dans la catastrophe annoncée comme dans l’apothéose. Chez Miller, on retrouve toute cette ambiguïté sémantique avec ses héros brisés qui passeront de la vengeance à la rédemption, de l’errance propre au fugitif au sacre final de Fury Road. Pourtant, l’espoir reste une erreur comme le lâche cruellement Max à Furiosa dans Fury Road. La folie naît de la déception, elle-même née de rêves brisés :
« You know, hope is a mistake. If you can’t fix what’s broken, you’ll, uh... you’ll go insane. »
Adresse de Max à Furiosa dans « Fury Road » (2015)
Comprendre le Wasteland qui inspirera toutes les œuvres postapocalyptiques après le film de 1975, c’est appréhender sa dimension spirituelle et métaphorique. C’est un désert affectif sur le modèle du Purgatoire, au sens de lieu « qui purifie ». Le désert va en partie purger Max de sa folie et pour Furiosa de sa quête de vengeance. Ils sont unis par le deuil et c’est aussi le sens à donner au projet suicidaire de Max de retourner prendre d’assaut la Citadelle : « Au moins dans cette direction, on pourra peut-être… Ensemble… tomber sur une sorte de rédemption ». En faisant le chemin inverse, c’est un retour introspectif que réalisent nos héros déchirés sur les actes qu’ils ont commis. Déjà dans Mad Max 2, le narrateur sur la fin de vie nous racontait la déchéance de Max et sa renaissance à venir :
« Dans ce tourbillon de dégénérescence, l’homme ordinaire était pulvérisé. Comme Max, Max le guerrier. Il perdit tout dans un vrombissement. Il ne fut plus que l’ombre de lui-même. Un homme aride, anéanti. Un homme hanté par les démons du passé. Un homme qui sillonnait le désert. Et c’est là, en ce lieu dévasté, qu’il redécouvrit la vérité »
Ouverture de l'History Man dans « Mad Max 2 » (1981)
D’un mythe à un autre
Miller nous fascine par sa capacité prodigieuse à articuler des mythes sur près de cinquante ans comme si chacun de ses héros et antagonistes étaient des déclinaisons du Max traumatisé du premier volet. Pas seulement par ces nombreux clins d’œil (les sables mouvants, les véhicules, la lunette télescopique, les personnages menottés, le sifflet, etc.) mais parce qu’il réussit à faire se parler ces récits entre eux. Ce « Soyez témoins » qu’hurlent religieusement les War Boys n’est autre qu’une résurgence du tout premier monologue de Mad Max de 1975, lorsque l’aigle de la route, en plein delirium, s’écriait au volant de son bolide : « Do you see me, ToeCutter ? Do you see me man ? I am the Nightrider ». C’est l’illustration du besoin du sous-fifre d’être et de nous rendre témoin. Cette mécanique de témoignage des frasques d’hommes ordinaires aspirant à la postérité traverse toute la saga. On pourrait également faire référence aux corbeaux, oiseaux qui annonce la Mort et la vengeance : un détail cher à la franchise de Mad Max à Fury Road.
Cerise sur le gâteau, Miller parvient même à tisser des liens improbables avec d’autres films étrangers à l’univers de Mad Max. Le vieil homme tatoué, History Man de Fury Road comme Furiosa, est joué par George Shevtsov, qui interprétait déjà un rôle similaire de raconteur d’histoires dans le dernier film du cinéaste, 3000 ans à t’attendre. Avec le démarrage décevant de Furiosa qui a du mal à passer la cinquième au box-office, l’avenir de Mad Max est incertain. À 79 ans, le maître du Wasteland parviendra-t-il à poursuivre son œuvre ?
Narration chromatique et énergie cinétique
Fury Road et Furiosa sont deux œuvres portées par des narrations et mises en scène différentes. Moins crasseuse et plus portée sur la construction d’un mythe, Furiosa est complémentaire. Le débat qui a incendié les réseaux sociaux vis-à-vis de l’usage outrancier des CGI est un trompe-l’œil. À la direction de la photographie, il y a eu entre les deux films un passage de flambeau de John Seale à Simon Duggan. Outre les problèmes financiers d’un projet pharaonique comme Furiosa, ce changement explique en partie le côté moins « réaliste » des effets et animations appliquées sur les modèles des personnages. Simon Duggan avait d’ailleurs œuvré sur le préquel de 300 ce qui se sent dans le style affiché à l’écran, comme cet effet de motion blur qui rend les mouvements si fluides. Oui, certains effets spéciaux piquent les yeux, mais rien de quoi éroder le plaisir du film qui gagnera certainement ses lettres de noblesse plus tard, comme le furent les précédents Mad Max, eux aussi boudés par le public.
Si Fury Road avait une image sans doute plus « crado », on retrouve chez les deux directeurs de la photographie un amour des couleurs saturées. Le jardin d’Eden de Furiosa adopte une palette de couleurs où le vert irradie nos pupilles. Le sable du désert contraste avec le bleu du ciel qui annonce la tempête à venir avec des nuages au plus près du sol. Fury Road a sur ce point notre préférence tant les images réussissent à nous communiquer des émotions fortes tout au long du film. On pourrait carrément parler de narration chromatique avec une évolution flagrante de tons sable et orangés vers le bleu pétrole qui annonce la désillusion. La tempête invraisemblable de la moitié du film est, elle, l’évocation même de l’apocalypse et du déluge.
Autre signature de Miller depuis les premiers Mad Max : les séquences légèrement accélérées qui peuvent dérouter le jeune public aujourd’hui. Ce procédé vieux comme les Frères Lumière permet de donner une illusion de vitesse lors des courses-poursuites. Il s’agit d’un dispositif de mise en scène qui rappelle le cinéma muet. Dans Furiosa, Miller utilise cette technique pour représenter le temps qui passe lorsque Dementus assiste au supplice du mentor de la prétorienne, trainé à moto jusqu’au coucher du soleil. Une image mémoire chère au Far West où l’on aurait remplacé les chevaux par des cylindrées. Les mimiques de Dementus prennent alors un côté guignolesque inattendu, accentuant ses tics corporels et son agacement face à ce sinistre spectacle qui tourne en rond et finit par le rendre lasse. Dementus est comme rattrapé par sa propre cruauté. C’est littéralement le seul moment où nos héros n’avancent pas sur une trajectoire rectiligne. Ce qu’on perd en réalisme, on le gagne puissance mille en symbolique. À plusieurs reprises d’ailleurs, Miller a eu l’occasion de clamer son amour du cinéma muet :
« Je pense que tous les films devraient être muets. Toutes les informations devraient être visuelles. Le film a besoin de son, pas de parlotes. On raconte son histoire avec des images, un montage et du son. Le mot "action" ne me plaît pas, je préfère "mouvement" ou "énergie". »
Georges Miller lors d'une interview
Pour illustration, les scènes d’action comme celles de la prise de Bulletfarm démontrent cette maestria et combien le dytique Fury Road / Furiosa tranche avec les standards du genre. Par un habile jeu de regards croisés, la caméra fait la navette constante du prétorien Jack à son apprentie. Le découpage est ciselé et appuyé par de courts plans séquence à la caméra légèrement chancelante. On vit et ressent toute l’intensité de la fusillade sans une seule parole ni musique. C’est comme s’ils communiquaient par les silences. « On raconte son histoire avec des images » dixit Miller.
Dementus va ensuite s’imposer au cœur de ce dialogue silencieux; la caméra navigue alors d’un personnage à un autre avec pour dénominateur commun une roquette qui fuse à l’écran. Le premier projectile nous renvoie d’abord à Jack, puis le second à Furiosa. C’est la même logique à l’œuvre avec le plan du lance-flamme, « pivot » de Jack à Furiosa. Aucun temps mort ne doit peser à l’image. On retrouve l’essence d’un jeu vidéo comme GTA V où l’action basculait d’un sujet à un autre en une fraction de secondes ingame. Ou encore certaines cinématiques de Death Stranding d’Hideo Kojima, camarade affiché du réalisateur australien. L’allégorie porte les images.
C’est par ce « ping-pong » graphique que Miller réussit à tisser des liens entre ces héros plutôt que par des mots. Cette grammaire de l’image et du mouvement, on la retrouvait déjà dans Fury Road entre Charlize Theron et Tom Hardy. Ce sont les armes qui guident l’œil de la caméra. Le porte-guerre et les véhicules sont comme les personnages, blessés et systématiquement rafistolés pour garder le cap. Quoi qu’il en coûte. On retrouve cette logique de réparation évoquée plus haut pour les machines et les hommes dont le sort est lié par l’asphalte. On répare les corps et les objets en mouvement comme un navire à l’abordage dont les cales prendraient l’eau sous le feu des coups de canon.
Le cinéma de Miller est un éloge permanent du mouvement, une mise en scène qui ne laisse jamais le temps au spectateur de reprendre son souffle, sauf au dénouement de l’intrigue où les percussions se mettent en sourdine. Miller n’oublie jamais l’origine du mot cinéma qui vient du grec ancien kinēma soit le « mouvement ». Chaque détail aura son écho plus tard, comme un tableau en construction. La course-poursuite est le moteur d’une fuite en avant et d’une dé/reconstruction des personnages. Bref, on est à des années lumières du premier degré des séquences d’un Fast & Furious.
La Der des Der ?
Plus que jamais, George Miller cherche à enraciner son univers dans la genèse de l’Homme et des batailles qui traversèrent les siècles. Dans Furiosa, Miller évoque des guerres fictives comme réelles en démonstration de la finalité maléfique de l’Homme : les guerres mondiales, la guerre des sept jours, du pétrole, de l’eau, etc. Ne jamais oublier que le premier Mad Max est sorti au cinéma en 1979, soit six ans après le choc pétrolier qui ébranla la suprématie américaine et enclencha une crise mondiale après la déclaration d’embargo de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). On peut aussi faire entrer en résonnance ce dégoût de la guerre et la question du héros en réécoutant le discours burlesque de Fifi Macaffee, commandant fantasque de la brigade policière de Max dans le tout premier film : « Il paraît que les gens ne croient plus aux héros. On les emmerde. Toi et moi, on va les ressusciter les héros ! »
Torse nu, Fifi est filmé en contreplongée, un arrosoir à la main et un tissu d’avocat noué autour du cou, ce qui donne un cachet décalé à l’ensemble. Cette séquence sans doute la plus hallucinée de toute la saga est à prendre au second degré. Même Max ne croit pas à ce charabia. Nul doute que Miller brise le quatrième mur en s’adressant directement au spectateur, annonçant par la même le clou du spectacle : la folle course-poursuite finale encore sidérante aujourd’hui.
Pour comprendre cette obsession des héros déchus et de l’importance du sacrifice chez Miller, il faut peut-être resituer son premier film dans son contexte historique, soit quatre ans après la fin de la guerre du Vietnam. Ce fiasco militaire instigua le doute auprès de l’opinion publique américaine sous propagande impérialiste. Ce mythe du guerrier libérateur contre l’ennemi rouge est balayé par la débâcle américaine qui emporta près de 60 000 américains, même si le massacre des Vietnamiens avait pour sa part l’envergure d’un génocide, à l’instar de la guerre de Corée. Ho Chi Minh lui-même menaçait les américains :
« Vous pouvez tuer dix de mes hommes pour chacun des vôtres que nous tuerons. Mais même ainsi, vous perdrez et nous gagnerons. »
Adresse d'Ho Chi Minh aux envahisseurs américains lors de la guerre du Vietnam (1955-1975)
Ce présage se solda par 400 000 tonnes de napalm, 75 millions de litres d’agent orange, des centaines de milliers d’obus d’artillerie et l’une des guerres les plus meurtrières depuis la Seconde Guerre mondiale avec plus de deux millions de civils vietnamiens qui périrent en plus des pertes militaires monstrueuses. Pour quelle mémoire collective ? Cette logique totale de chefs de guerre qui se livrent un bras de fer sans répit, on la retrouve à l’œuvre dans Furiosa et la guerre des quarante jours où les morts sont suggérés en piles de cadavres par un montage accéléré. C’est aussi le sens à donner au discours du Mange-Personne, lorsque Dementus cherche à prendre la citadelle et qu’il découvre, stupéfait, que les War Boys sont des kamikazes prêts à donner leur vie pour Immortan Joe.
Plus qu’une œuvre grand spectacle qui redéfinit la course-poursuite à chaque épisode, la saga Mad Max dénonce la folie de la guerre et la bestialité des Hommes. « Pour des raisons désormais oubliées, deux tribus se firent la guerre et provoquèrent un feu qui les engloutit » déplore l’History Man de Mad Max 2 entre deux images d’archives en noir et blanc. Si l’espoir est une erreur dans un monde gouverné par la domination et le darwinisme, la fin parfaite de Fury Road nous narrait une époque lointaine. C’est la quête éternelle de l’Homme pour se purger de ses passions morbides et devenir meilleur comme le racontait déjà le premier History Man. Le mythe de l’humanité dans toute sa splendeur et sa décadence.
« Where must we go… we who wander this Wasteland on search of our better selves ? »
Conclusion de « Fury Road » (2015)
Bande-annonce de Furiosa
Tests techniques de la saga à (re)lire sur MaG
Podcast « MaG Max » sur la saga
Critique JV et ciné toujours prêt à mener des interviews lors de festivals ! Amateur de films de genre et de tout ce qui tend vers l'Etrange. N'hésitez pas à me contacter en consultant mon profil.
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: 15 mai 2024
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