• Code fourni par l’éditeur
  • Testé sur PS5 en mode fluidité sans aucun HUD pour une immersion maximale
  • Aventure principale finie en 25 h sans les quêtes annexes
  • Mode de difficulté L’équilibre avant tout plus facile que dans le premier opus

Si les cimes enneigées de God of War vous manquent et que le lancer de hache sur dinde aux marrons est votre plaisir coupable à chaque Thanksgiving, peut être que Ragnarok a toute sa place sous le sapin cet hiver. En plus de notre traditionnelle critique, on revient avec BennJ sur cette ambitieuse production AAA, fraîchement multimédaillée aux Game Awards. On passe au crible fin les qualités et les défauts du titre de Santa Monica, quatre ans après le mémorable premier opus. Qui aime bien châtie bien… et si la quête d’humanité du colosse révélait aussi des pieds d’argile ?

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En 2018 Corry Barlog avait renversé la table. Metoo était passé par là et le personnage de Kratos ne pouvait plus se contenter d’arracher les têtes et représenter la Femme comme un bout de viande parmi d’autres. Après l’excellence de The Last Of Us, devenu le nouveau modèle à suivre pour la décennie à venir, à l’instar de Gears of War ou Resident Evil 4 avant lui, plus rien ne serait jamais vraiment comme avant pour les productions de gros calibre comme celles des indés. Même A Plague Tale, double A ambitieux, caresse l’espoir d’égaler le maître.

C’est avec cette trace indélébile dans le paysage vidéoludique que God of War a lui aussi dû composer en lorgnant du côté de chez Naughty Dog. Avec une caméra au plus proche du spartiate et qui sait s’effacer lors des cinématiques par un léger mouvement de va-et-vient entre les personnages, exit les lointaines caméras de la trilogie PlayStation. La mise en scène imposait le respect en mettant sur le carreau la quasi-intégralité des productions de l’époque. Le second volet des aventures d’Ellie et Joël est tellement fondateur qu’il sert là encore de point de départ pour Ragnarok qui tente de nous faire passer chez l’ennemi avec Atreus, sans jamais réussir à atteindre la justesse et l’élégance de la mise en scène de Part Two.

God of War (2018)

Intimiste, le premier volet laissait la part belle à la promiscuité entre Kratos et son fils Atreus, qu’on retrouve ragaillardi, en pleine crise d’adolescence, prêt à en découdre avec son père qui ne connaît pas de trêve pour entraîner son fils. Étonnamment la plus grande réussite du jeu est sans doute de traiter de thèmes éducatifs rarement vus dans le média, d’autant plus d’un point de vue d’un paternel, plus coutumier du stoïcisme que des effusions sentimentales étrangères aux troyens.

Ragnarok poursuit ce qu’il avait commencé en installant petit à petit une rivalité entre le père et le fils, alors que le second s’émancipe progressivement des injonctions systématiques de Kratos. Une prophétie annonce la fin des haricots et va diviser la fine équipe, entre fugues, engueulades et construction d’une nouvelle confiance. Qui du destin ou du libre arbitre l’emportera ?

Malheureusement le jeu promet plus qu’il n’est capable de donner. Sans spoiler, l’épilogue laisse un goût amer dans la bouche, comme une occasion manquée de finir en beauté ce qui commençait pourtant comme une tragédie. Tout ça pour ça ! souffle le joueur au générique. On vous laissera apprécier notre point de vue à ce sujet dans le podcast pour ceux qui ont déjà fini le jeu.

La vie de famille

Il faut dire que God of War souffle le chaud et le froid entre des cinématiques franchement réussies la plupart du temps et des Sidekicks insupportables qui détruisent ingame ce que les séquences au moteur du jeu avaient réussi à poser en termes d’ambiance. C’est comme si le jeu refusait les propres enjeux que le scénario s’était pourtant écharpé à poser pierre par pierre. C’est à se demander si le ciel va vraiment tomber sur la tête de nos héros, tellement le stress est inexistant. Entre Mimir et les nombreux personnages qui accompagneront Kratos ou son fils, chacun y va de sa petite contribution pour déblatérer tout ce qu’il peut comme pour occuper le vide.

Cette manière de ne jamais laisser le joueur se faire sa propre interprétation est fatigante en plus de complexifier artificiellement les liens entre les personnages secondaires. Ce n’est pas pour rien que les plus belles scènes sont celles où Kratos est en proie au doute, seul dans sa tente, sans Mimir ou le quidam du coin qui ramène sa fraise. C’est symboliquement le moment de déposer les armes qui fait échos aux rares scènes où Kratos est « en civil » pour ainsi dire.

La relation entre Angrboda et Atreus est imposée avec la finesse d'un tractopelle

Là où le premier opus se focalisait sur la relation père-fils, Ragnarok prend des airs de vie de famille. En humanisant ses personnages à grand renfort de stéréotypes et en cumulant les fratries et autres intrigues familiales, l’ensemble confine parfois à l’indigestion. Le personnage de Thunder, pire celui d’Agbabora donnent de l’urticaire tant ils tranchent avec la qualité d’écriture de Kratos. Si vous aussi vous rêviez de faire des ricochets avec Atreus et monter un buffle, alors votre fantasme le plus intime sera réalisé avec Ragnarok.

Mama Mia que c’est plat comme idylle adolescente comparée au DLC Left Behind, qui en la même poignée d’heures, parvenait, lui, à tisser une relation d’amour autrement plus sensible. C’est dommage de ne pas avoir saisi cette occasion pour raconter quelque chose de vrai, histoire de nous donner envie d’aimer Atreus pour une fois. Quant à la bande de bras cassés de Freya et son frangin, moins charismatique que son épée (Bennj©), on s’en serait largement passé.

Kratos prépare sa retraite avec Stania

Heureusement que le doublage de Kratos est encore une fois d’une justesse à toute épreuve. Voir évoluer sa gestuelle pour enfin jouir de la paternité et plus seulement poursuivre sa soif de vengeance est la grande réussite du jeu. Je pense qu’on peut affirmer sans gêne qu’aucun personnage de jeu vidéo n’a été modélisé avec autant de finesse et de vie, au même titre qu’Ellie et Joël. Chaque geste trahit une émotion retenue avec pudeur, comme si le dieu de la guerre couvait un torrent d’émotions qui ne demanderait qu’à jaillir des profondeurs de ses tripes. Kratos est éreinté par la guerre, désabusé et une nouvelle variation d’un Rambo sur la route de la préretraite. Mais qu’est-ce qu’il regorge de vie pour un tas de pixels.

Les scènes des repas et les moments de repos renforcent aussi l’attachement au personnage et au dilemme qui le ronge. Mention spéciale aux transitions entre sommeil et rêve éveillé qui sont parmi les plus belles qu’il m’ait été donné à voir dans un jeu vidéo. Par contraste, les scènes avec la femme de Kratos manquent le coche, sans jamais parvenir à nous faire croire à cette histoire d’amour bien trop fade et carabinée. Il y avait sans doute matière à travailler ces flash-backs finalement parfaitement dispensables. Il faut dire aussi que les motivations des personnages sont parfois surprenantes pour ne pas dire improbables.

En quatre ans le jeu n’a pas pris une ride, certes, mais il n’a pas pour autant choisi la cure de jouvence au Botox. Les effets de particules m’ont semblé moins nombreux que dans la version PC cependant, à moins qu’il ne s’agisse d’un choix de lisibilité comme les sceaux de magie inondent désormais le gameplay. Globalement c’est magnifique même si on sent que la PS5 a été largement bridée par sa grande sœur. Il y a cette fois-ci encore plus de temps de chargement dissimulés en soulevant des menhirs ou en passant dans une crevasse. C’est un peu ballot pour une console équipée d’un si performant SSD.

Cela peut paraître anecdotique, mais cet aspect conduit à rendre l’univers de God of War artificiel. Le retour du hub avec le portail qui mène aux différents royaumes est une fausse bonne idée et avant tout une parade technique pour voyager entre les mondes. C’est d’autant plus dommage que le level design qui n’était déjà clairement pas la qualité première de son prédécesseur sent la naphtaline.

Les quelques tentatives pour draguer l’Open World sont là aussi un échec. On ne sent jamais vraiment l’immensité du monde qui semble cousu de toute pièce, relié par les fils rouges d’une marionnette. Même les scènes en traîneau ne parviennent pas à maquiller ces zones et l’idée trotte dans notre tête que ce bon vieux Kratos se sent lui aussi étriqué sur consoles. Coucou le dernier Gears et son traîneau tout aussi raté, si ce n’est pire. À force d’ignorer les vertus d’un bon game design, le voyage se prive d’une certaine sincérité, à défaut d’implication émotionnelle.

T'aurais Thor de t'en priver

Seconde occasion manquée, le personnage de Thor est tristement sous-exploité. Après une introduction en fanfare qui ferait passer Kratos pour un Lilliputien, on ne le verra plus vraiment jusqu’au dernier tiers du jeu lors d’une mémorable baston de bar avec des soldats du Valhalla qui renvoient directement aux sbires de Mad Max, le désert en moins. Il y avait clairement matière à faire avec ce personnage charismatique réduit au rôle de quasi-figurant. Heureusement, il reste Sidir et son frère Brok qui auront droit à un traitement autrement plus personnel, là encore avec un doublage au diapason.

Tellement mignon que cela a fait pleurer la Peta dans les chaumières

Ragnarok, c’est aussi le parti pris Disney fleur bleue qui m’agace. À la force herculéenne les développeurs ont ajouté de très nombreuses scènes de magie. C’est simple, il y en a partout. Du bifrost par ci, du bifrost par là. Même Atreus fait du yoyo avec ses mains façon Dr Strange. C’est un peu dommage, car la magie est souvent la solution de facilité pour résoudre des blocages narratifs et le dénominateur commun le plus pauvre pour faire avancer l’histoire. On sent aussi qu’il fallait répondre aux critiques des fans sur le peu d’animaux qui peuplaient le premier opus. Vous vouliez des bêtes ? Vous en aurez partout ! C’est tellement choupi que ça m’a rappelé Avatar et les mièvreries qu’affectionne tant Disney pour quelques peluches de plus au prochain bilan comptable.

J’ai globalement trouvé les combats moins spectaculaires, la faute à une surenchère d’effets visuels qui nuisent à la lisibilité comme au crédit des combats. Si un dragon qui génère des portails et la confrontation contre le loup restent sympathiques, cela manque d’ambition. C’est aussi très personnel, mais je trouve que la force brute se marie nettement mieux avec la caméra rapprochée que le recours à outrance aux sorts de soutien. Si le gameplay ne subit pas de révolution, le bestiaire évolue tardivement et le jeu déçoit en recyclant certains environnements et royaumes du premier opus.

De manière générale, on est rarement dépaysé et je n’ai pas souvenir d’autant de scènes mémorables comme celle de la maison tortue Groa ou du serpent monde. On fleure parfois même le fan service quitte à enchaîner les deux premiers tiers du jeu en cochant une par une les cases d’un cahier des charges qui manque cruellement d’audace. Heureusement que le titre se réveille sur le tard… pour retomber ensuite comme un soufflé au soufre lors de son épilogue bâclé.

Certes le jeu introduit une lance en troisième arme (et c’est fichtrement cool), certes il fait varier nos compagnons de route, pourtant on ressent une impression persistante de déjà-vu. Il est dommage que le jeu n’ait pas permis de poursuivre avec toutes les compétences acquises dans le premier, ce qui rend le gameplay un peu terne. Ce n’est qu’à la fin que les différentes aptitudes débloquées rendent le jeu un peu plus funky en termes de mise en scène, quoique contrairement à un DMC la maîtrise des specs les plus pointues reste parfaitement dispensable dans l’avant-dernier mode de difficulté. Dommage que les passages avec Atreus, en plus d’être cucul la praloche, soient complètement pétés en termes d’équilibre. Le minet explose quiconque traverse son chemin muni de son arc et autrement plus rapide que son padre, ce qui saute aux yeux quand on passe de l’un à l’autre. Et ce n’est pas l’apparente dimension RPG qui est à prendre à défaut.

Hooked on a feeling

Quant aux énigmes, ne cherchez pas un semblant de variété, c’est aussi du remplissage à l’instar du premier. Pire en nous bloquant par un simple buisson ou mur invisible, Ragnarok révèle tout l’artifice de son game design. Le grappin enfin est la fausse bonne idée du jeu. L’accessoire est utilisé constamment sans jamais réussir à nous procurer quelconque sensation de vertige ni de verticalité dans le gameplay. Il est sur ce point vraiment dommage de ne pas en avoir profité pour proposer des scènes d’escalade autres qu’un enchaînement de QTE téléguidées. Cela aurait donné une bouffée d’air frais et un semblant d’accomplissement au joueur.

Alors dans tout ça, ce bon vieux Geoff Keighley et les votants des Game Awards avaient-ils la berlue en laissant rafler Ragnarok autant de titres ? La réponse est sans doute intermédiaire. Ce second volet a tout d'une suite 1.5 et son principal défaut est de ne pas s'être donné l'audace de frapper là où personne ne l'attendait. Ragnarok n'est ni un mauvais jeu ni un jeu culte. Pourtant difficile de retenir une scène vraiment mémorable après 25 heures au compteur. Moins personnel sans doute, nettement plus grand public, le titre aurait gagné à resserrer l'objectif autour du duo père-fils plutôt que de s'égarer en chemin avec des personnages secondaires oubliables et écrits avec les pieds. Pourtant la direction artistique sait cultiver ses petits moments de gloire de mise en scène quand Santa Monica laisse enfin respirer le joueur. Un jeu spectacle qui fait le job, mais qui se repose peut être trop sur ses lauriers pour que Kratos soit enfin vénéré par les siens. Un pari qui interroge un troisième volet, à moins que la retraite soit de bon aloi pour éviter le syndrome Gears of War. Cory Barlog a-t-il déjà la tête dans sa prochaine nouvelle licence ?

Pour
  • La direction artistique générale
  • Le personnage de Kratos au diapason
  • Le thème de la paternité face à l'adolescence
  • Sidri et Brok qui rehaussent le niveau
  • Doublage de très bonne facture
  • Un gameplay popcorn
  • La scène du bar avec Thor
  • La troisième arme spartiate
  • Les options de HUD et d'ergonomie hyper complètes
Contre
  • Recyclage des environnements et des ennemis
  • Narration sans enjeux
  • Une fin en carton
  • Manque d'audace général
  • Sentiment de répétition
  • Un gameplay popcorn
  • Gamedesign et énigmes très limitées
  • Dimension RPG inutile
  • Les scènes de remplissage des PNJ
  • Gnangnan dès que Kratos n'est pas là
  • Cucul et kawaii par moment

Critique JV et ciné toujours prêt à mener des interviews lors de festivals ! Amateur de films de genre et de tout ce qui tend vers l'Etrange. N'hésitez pas à me contacter en consultant mon profil.

Tout a commencé à 10 ans avec l'achat d'une NES et sa cartouche contenant Duck Hunt / Super Mario Bros. Quelques années plus tard mes goûts ont bien sûr évolué, mon Mario a maintenant un M16 et s'éclate en pilotant un char d’assaut dans Battlefield. Comment ça le Bowser d'en face m'a mis une balle entre les deux yeux ? C’est forcément un « cheater » !!

 

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Nindo64
1 année

Bon test ! Je vois que t’es beaucoup plus critique que moi dans la globalité même si je rejoins ton avis surtout concernant Atreus.

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