• Testé sur PC au moyen d’un code fourni par l’éditeur.
  • Configuration de test : RTX 4090 + i9-9900K = 60 FPS en dehors de quelques saccades, aujourd’hui patchées (avec toutes les options graphiques en ULTRA + Ray Tracing + DLAA).
  • Campagne terminée en 18 h en niveau de difficulté Difficile pour des combats légèrement plus punitifs et des énigmes suprenamment sympathiques, souvent sous forme de devinettes ou de puzzles.
  • Le jeu propose 8 fins différentes, dont certaines facultatives et complètement loufoques.
  • J’attends désormais le remake de Silent Hill, de Silent Hill 3 ou de Silent Hill 4: The Room de pied ferme!
  • Ce test ne spoile absolument rien sur l’histoire hormis le postulat de départ, qu’on découvre dans les deux premières minutes du jeu.

« Si tu plonges longtemps ton regard dans l’abîme, l’abîme te regarde aussi », a un jour écrit Nietzsche, alors qu’il broyait probablement du noir. Une réflexion qui a toujours collé parfaitement au caractère si introspectif de la série des Silent Hill et qui m’incite aujourd’hui à faire ma psychanalyse et vider mon sac : une fois passée l’excitation du trailer d’annonce, je n’ai jamais vraiment cru au projet de remake de Silent Hill 2. Eh oui, que voulez-vous, je suis un homme au tempérament plutôt pessimiste. Les verres d’eau ? Je les perçois souvent à moitié vide. Quand on m’annonce une bonne nouvelle ? J’attends superstitieusement un retour cosmique de bâton.  Autant dire que j’étais fébrile au moment de lancer cette relecture d’un de mes jeux préférés de tous les temps. Avec une telle responsabilité entre les mains, la Bloober Team DEVAIT se planter, ce n’était pas possible autrement. Laissez-moi à présent vous expliquer à quel point je me suis fourvoyé, malgré quelques petites réserves.

Quand t'es dans le brouillard depuis trop longtemps

Il ne s’agira pas ici de rédiger la critique du chef d’œuvre de 2001, développé par la Team Silent sous la houlette financière de Konami, mais bien de tâcher de souligner ce qui distingue l’original japonais de cette relecture polonaise, le tout à travers mon prisme personnel. De cette façon, les personnes qui seraient passées à côté de Silent Hill 2 à l’époque de la PS2 pourront décider de quel côté leur cœur penche le plus et opter pour l’une ou l’autre des deux visions.

« Ah shit, here we go again »

On constate dès les premières minutes que la Bloober Team a choisi de jouer la carte de la sécurité, avec une introduction très similaire à l’original, un constat qui prévaut d’ailleurs pour l’intégralité du jeu. Aucun écart notable n’a été opéré au niveau du scénario. On retrouve ainsi le malheureux James Sunderland, en proie à la confusion dans les toilettes glauques d’une station de repos située à l’entrée de la bourgade de Silent Hill. Notre héros se demande comment son épouse, décédée quelques années plus tôt, a pu lui écrire une lettre l’implorant de la rejoindre dans leur « lieu à eux », à Silent Hill.

C’est sur ce postulat de départ ô combien intrigant que prend racine le cauchemar et je n’en dirai pas plus sur le récit, hormis qu’il traite avec toujours autant de subtilité et de finesse de thèmes graves comme le deuil, le viol, l’inceste, le déni et autres états d’âme ou traumatismes. Si sur le plan narratif, hormis quelques menues différences, le jeu reste le même, chapeau à la Bloober Team pour ne s’être à aucun moment auto-censurée à ces sujets, tant dans les représentations graphiques de certains ennemis que dans les lignes de dialogues.

Comme en 2001, le propos fait mouche et je ne pense pas me tromper en affirmant que les nouveaux venus seront secoués par l’histoire de James, qui encore à ce jour constitue à mes yeux la plus profonde, ambiguë et la moins manichéenne jamais contée dans un survival horror. Les récits des âmes errantes de Silent Hill ne sont pas en reste. Jouez-y dans le noir à la tombée de la nuit, de préférence seul pour vous laisser aller à vos songes pendant que James se les pèle dans le brouillard.

Évelyne avait pourtant dit soleil.

Ville fantôme

Sur le plan graphique, le jeu est tout bonnement sublime et l’Unreal Engine 5 fait des merveilles, particulièrement pour ses effets de lumière et une fois le sacro-saint ray tracing activé. Les toits des bâtiments, les ennemis et les cimes des arbres se reflètent alors magistralement dans les flaques de boue et les vitres des véhicules abandonnés, flirtant parfois avec le photoréalisme, pour dire des gros mots. La mise en scène, désormais en vue caméra à l’épaule (on y reviendra), est la première à tirer parti de ces avancées technologiques et le joueur est aujourd’hui au cœur de l’action. Les murs suintent, le sang épais et la bile jaunasse giclent, le papier peint est décrépit, bref on s’y croirait.

Si, moindre budget oblige, les modèles de personnages sont loins du souci du réalisme maniaque apporté à un Joel dans The Last of Us: Part 2, ils n’ont néanmoins pas à rougir et s’avèrent convaincants et capables d’exprimer toute une palette d’émotions, dont parfois des expressions subtilement contraires aux propos tenus, ce qui contribue à la sensation, volontaire, de malaise général, un peu comme quand on réalise qu’on perd les rênes de notre rêve au détour d’une sieste, et que celui-ci se mue en cauchemar.

Un des meilleurs héros de jeu vidéo de tous les temps.

Cette petite claque technique, certes en deçà de celle procurée par Alan Wake 2 l’an dernier (lire notre critique), n’est toutefois pas exempte de défauts. On déplore ainsi des ralentissements assez fréquents mais pas au point de gâcher l’aventure. J’aurais sinon d’ailleurs interrompu ma partie et mis le test en attente. Il faut dire que j’ai une bonne configuration, quoique vieillotte niveau processeur, donc je ne sais pas si cela aurait été pire avec des PC plus modestes et Digital Foundry saura mieux vous informer que quiconque à ce sujet.

Non, ce qui m’a le plus attristé, c’est un bug ballot qui interrompt les vibrations des DualSense au bout de quelques minutes. La seule solution consiste à secouer bêtement sa souris, ce qui a pour effet de relancer le retour haptique. C’est extrêmement frustrant, surtout que les vibrations sont très réussies au point qu’on se demande si Konami n’a pas collaboré avec Sony dans ce domaine, le jeu étant offert en exclusivité console temporaire sur leur plateforme pendant un an. À l’heure d’écrire ces lignes, les développeurs n’ont encore déployé aucun patch pour remédier à ce problème. Les ralentissements, eux, devraient avoir été éliminés en date du correctif du 21 octobre. Affaire à suivre.

« Il faut mettre du Calgon Madame Denise »

La localisation du son – j’ai joué avec un système 7.1 – est par ailleurs l’une des meilleures qu’il m’ait été donné d’apprécier, particulièrement lors des phases d’exploration confinées. Entendre un rire ou des pleurs voyager dans son dos d’une enceinte à l’autre au détour d’un couloir sombre fait toujours son petit effet, les râles des créatures immondes sur notre chemin sont glaçants et la voix cassée de James lorsqu’il piétine un cadavre façon Dead Space nous fait nous sentir mal pour lui (pour James, pas pour le cadavre). On apprécie également la pléthore d’options de confort offertes dans les menus et j’en profite pour vous conseiller de limiter le plus possible le HUD. J’ai trouvé le paramétrage par défaut grossier, avec son compteur de munitions disgracieux casé en bas à droite pour ne citer que lui. J’ai préféré tout désactiver hormis le réticule du viseur des armes et les icônes d’interaction, dont j’ai fixé la taille au minimum.

Un prochain candidat au Tribunal des bureaux ?

Lost in Translation

Qui dit relecture dit réajustements et modifications. Tout ce qui va suivre est éminemment subjectif et ne vous gênera peut-être pas selon votre rapport au Silent Hill 2 original. Peut-être même que vous penserez l’inverse de ce qui va suivre, qui sait.

Commençons par les combats. Eh oui, avec quelques jours de recul depuis que j’ai déroulé les crédits, je regrette  qu’ils soient désormais quasiment inévitables et que la poudre d’escampette ne soit plus une option en intérieur. Là où dans l’original j’ignorais tous les ennemis sauf les boss, la version 2024 nous laisse rarement d’autre choix que celui d’aller à l’affrontement. Certes, les combats sont dix fois plus viscéraux et extrêmement bien mis en scène, mais cela donne un côté un peu trop martial à James à mon goût. Les combats de l’original n’avaient aucune utilité et leur réalisation est à des années-lumière dans ce remake, mais j’aurais tout simplement préféré qu’il y ait moins d’affrontements. Ces derniers participent d’ailleurs beaucoup au rallongement de la durée de vie du titre.

« Un grain d'beauté et une tâche de vin, des p'tites dentelles et une salle de bain »

De plus, et bien que cet écrin 4K moderne soit un régal pour les yeux, ce qu’on gagne en pixels, on le perd d’une certaine façon en pudeur. Il y avait quelque chose de « ouaté » dans l’original, et qu’on retrouve moins avec cette formule plus terre à terre et moins fantasmagorique, comme si une partie du mystère contenu dans le grain d’image PS2 s’était évaporé avec cette haute résolution qui ne laisse plus aucun doute sur les ressentis des personnages, dont les émotions sont scrutées à la loupe de la technologie.

Si la version 2024 sait toujours laisser la belle place aux silences et qu’elle offre une OST revisitée du feu de Dieu reprenant la majorité des thèmes originaux, les musiques perdent de leur caractère répétitif et lancinant. Elles ont ainsi tendance à être plus variées, ce qui modifie l’atmosphère générale et la rend moins décalée. La série Twin Peaks fait très bien cela, avec des thèmes récurrents pour tel personnage ou telle ambiance, et le Silent Hill 2 original cultivait bien cette manie hypnotisante.

Enfin, bien que la vue en mode caméra à l’épaule soit devenue incontournable depuis Resident Evil 4 et Dead Space, j’aurais préféré que la Bloober Team opte pour une vue à la troisième personne plus classique de style « 3D précalculée », qui à mes yeux sied à Silent Hill et met mieux en valeur le rôle que joue la ville elle-même dans ce cauchemar. Cela permettait aussi de nourrir plus de tension en jouant sur le hors-champ et ce qu’on y distingue, ou non, dans la pénombre.

Verdict

La Bloober Team a-t-elle accouché d’un excellent remake ? Clairement et sans hésitation aucune, oui. C’est probablement la meilleure relecture jamais offerte derrière celle de Resident Evil GameCube et avant celle de Dead Space Remake. Devriez-vous cependant favoriser ce remake plutôt que l’original ? C’est une question épineuse… J’aurais tendance à conseiller de jouer à l’original en premier, puis d’enchaîner sur le remake. Si l’original, beaucoup plus aride, mais aussi plus « pur » et direct dans son approche vous tombe des mains, passez au remake sans regrets et sans vous retourner. Au moins vous aurez essayé et peut-être n'y perdrez-vous même rien au change. Sublime graphiquement, très respectueux du matériau de base et toujours aussi bouleversant qu'en 2001, Silent Hill 2 Remake n’a pas à rougir face à son illustre prédécesseur. Il s’agit d’une relecture pertinente qui modernise des aspects de l’original aujourd’hui considérés comme désuets (vue old school, contrôles tank, combats mollassons) pour placer le joueur au cœur de l’horreur. Cette relecture transcende-t-elle l’original pour autant ? Peut-être suis-je trop biaisé pour répondre... Levez-vous et remplissez un verre : selon que vous le percevez à moitié vide ou à moitié plein, vous aurez votre réponse.
Pour
  • Un remake extrêmement fidèle qui fait honneur à l'original
  • MAIS QUELLE AMBIANCE MAZETTE !
  • OST et sound design du feu de Dieu
  • Superbe mise en scène
  • Graphismes sublimes
  • Un jeu qui n'a pas peur du silence
  • Nombreuses options de confort
  • Huit fins différentes dont la fin Chien
  • Des énigmes bien pensées
Contre
  • Quelques accrocs techniques au lancement (désormais en partie corrigés)
  • Des combats souvent inévitables en intérieur
  • Plus de pixels mais moins de pudeur
  • Les musiques moins répétitives et moins troublantes

Résident permanent dans la petite bourgade de Raccoon City et prosélyte du génial Rain World depuis 2017, on l'entend parfois jurer à pleins poumons lorsqu'il perd lamentablement face au singe de Sekiro à un poil de lemming près. En quête d'une 3080 depuis bientôt un an, le malheureux espère une réception de sa commande en 2022 : l'important c'est d'y croire ! Son TOC préféré ? Recenser dans un PDF tous les jeux auxquels il a joué dans sa vie.

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le loup celeste
Administrateur

Comment j’ai trop hâte d’y jouer… Vivement que je reçoive ma PS5 Pro ! 😀

le loup celeste
Administrateur
Répondr à  Ummagumma

Je n’en doute pas. 😉

le loup celeste
Administrateur
Répondr à  Ummagumma

C’est noté ! 🙏

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[…] pour confidence, c’est le mois des repentances sur MaG ; après Silent Hill 2 (lire notre critique) dont on craignait qu’il n’égale pas son modèle, Zelda vient corriger notre outrecuidance et […]

itokiry
2 mois

Très content de voir qu’on a un avis assez similaire sur cette expérience ! C’était vraiment pas évident à réaliser comme remake, mais visiblement tous les fans (dont je fais partie) s’accordent à dire que le pari est réussi. Et à choisir, je pense qu’un remake de SH4 serait la meilleure suite possible, histoire de donner enfin ses lettres de noblesse au vilain petit canard !

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[…] je vous le dis, et en dépit du fait que j’ai énormément apprécié Silent Hill 2 Remake (lire notre critique), je crois bien que Neon White est le meilleur jeu auquel j’ai pu jouer depuis longtemps. Au […]

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[…] ou Dragon Quest, de Beat Them All comme Nioh ou de titres horrifiques comme Project Zero et même Silent Hill. Vous l’aurez compris, on pourrait filer cette liste indéfiniment tant le shintoïsme irrigue […]

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