- Accueil
- Coup d'oeil
- Jeu vidéo
- Silent Hill 2, culte n’e ...
Série débutée sur PlayStation première du nom, en 1999, avec un opus ayant fait l’unanimité, Silent Hill se sera rapidement imposée comme l’une des pièces maîtresses de l’horreur sur consoles. Aux côtés de Forbidden Siren et Project Zero, elle formera même l’un des côtés de la trinité du Survival Horror à la japonaise sur PlayStation 2. Et c’est bien sûr avec Silent Hill 2, véritable monument du jeu vidéo, que la franchise va s’asseoir définitivement à la table des géants. Un titre imparfait, certes, mais qui, en 2001, met l’intégralité de la presse occidentale d’accord : il s’agit ni plus ni moins d’un chef d’œuvre. Cela étant dit, après être coup sur coup revenu sur ce classique de la PS2 et avoir terminé son remake, j’arrive à un constat peu flatteur.
Livre de Sang
Nous ne sommes pas passés loin de ne jamais revoir de Silent Hill, après l’annulation d’un opus chapeauté par Kojima particulièrement ambitieux et attendu, mais aussi une tonne de déconvenues passée la sortie de Homecoming, un épisode plutôt médiocre. Et ce n’est pas évident de se figurer comment nous en sommes arrivés là puisque, de 2001 à 2007, la série de Konami ne connaît aucun véritable rival. Oui, Forbidden Siren et Project Zero sont à placer dans la même catégorie, et méritent eux aussi leur statut culte. Mais, non, personne, pas même ces deux excellentes séries, n’était en mesure de faire de l’ombre à Silent Hill, et ce en dépit d’un quatrième épisode plutôt moyen. Même en s’exportant sur console portable, la franchise parvient à un résultat mémorable, avec le très bon Origins qui demeure l’un des jeux les plus beaux et immersifs de la PSP, réussissant par ailleurs l’exploit de faire peur sur ce support ne s’y prêtant guère à première vue. Pourtant, Silent Hill 2 n’est pas ce que l’on peut appeler un succès retentissant en termes mercantiles, et son propos singulier, couplé à une mise en jeu pas forcément évidente à appréhender, ne lui permettent finalement pas de briller auprès de la sphère grand public, malgré les critiques extrêmement positives.
Ainsi, s’il est parvenu à devenir une véritable œuvre culte avec le temps, Silent Hill 2 n’est toutefois pas de ces jeux qu’il est aisé de relancer aujourd’hui. À titre personnel, j’aurai même tendance à croire qu’il faut l’avoir vécu à l’époque pour pouvoir supporter ses écueils et les rides s’étant ajoutées par dessus, a fortiori depuis qu’un remake est disponible, améliorant tout ce qui pouvait l’être. Parce que s’il ne manque pas de bonnes idées, d’intentions louables, Silent Hill 2 connaît toutefois des ratés. Comme avec sa caméra par exemple, qui demeure assez proche de ce que le premier volet essayait de faire au niveau des angles fixes, mais s’en écarte néanmoins en matière de liberté. L’ennui c’est que, bien qu’il soit effectivement possible de manœuvrer pour replacer notre vision dans le sens qui nous convient le mieux, du moins la plupart du temps, cela se fait malheureusement d’une manière particulièrement lourde et molle. Ce qui ajoute à la tension que le jeu sait faire ressentir naturellement, certes, mais représente néanmoins une véritable frustration par moments, notamment lorsque des ennemis sont à portée mais qu’on ne peut tout bonnement pas les voir.
À ceci s’ajoutent des combats imbuvables, d’abord au corps-à-corps avec un ciblage approximatif des ennemis et un gameplay très lourd, permettant certes de se mouvoir sur le côté via les gâchettes R1 et L1, mais pas quand le héros est prêt à attaquer ; puis à l’arme à feu, puisque les angles de caméra nous forçant parfois à faire feu sur ce que l’on entend arriver ne nous permettent pas toujours de voir précisément ce que l’on met en joue. Problème d’autant plus visible face aux boss, autre point noir du titre, qui sont le plus souvent placés dans des pièces beaucoup trop exiguës pour leur bien. Petite pensée pour le premier combat contre Pyramide Head, qui est abominable. Alors bien sûr, à l’époque c’est moins gênant, notamment parce que l’on sort de quatre ans de Resident Evil sur PlayStation première du nom, série qui souffrait des mêmes problèmes, le tout sans caméra mobile. Mais ce point de détail participe à rendre plus temporel, par opposition à intemporel, ce jeu pourtant demeuré culte. Plus que le remake du premier opus de la franchise de Capcom sur Gamecube, paraissant la même année. Oui, on lui pardonnait à l’époque ; mais non, le découvrir aujourd’hui ne se fait pas sans heurt. J’aimerai qu’il en soit autrement, et une part de moi souffre sincèrement en écrivant ces lignes qui ne rendent guère hommage à ce jeu que j’aime du plus profond de mon âme. Que Dieu me pardonne de fustiger une œuvre qui n’a rien demandé.
Quand les ténèbres viendront
Cela étant dit, je pense aussi que ce point de vue est nécessaire à la compréhension des bienfaits apportés par le remake, et met encore plus en lumière le génie ressortant de l’aspect narratif du jeu d’origine. Puisque son gameplay n’est pas ce qui rend Silent Hill 2 mémorable, alors d’où vient son aura si singulière ? Eh bien de tout le reste. À commencer par son ambiance, qui passe d’abord par deux aspects distincts, mais se rejoignant de par leur manière d’être mis en image : la brume et l’ombre. Les premières minutes passées dans un Silent Hill délabré et vidé de toute vie sont assez marquantes à ce niveau, puisque l’on est rapidement assailli par une épaisse purée de poids, à travers laquelle on distingue difficilement ce qui nous entoure, décors comme ennemis. Si cet aspect précis était appréciable dans le premier volet, bien qu’il ait aussi été pensé comme un cache misère devant les capacités techniques limitées de la PlayStation, c’est bien le second qui va définitivement cocher la brume au tableau des chromosomes inhérents à l’ADN de la série. Quand celle-ci disparaît, c’est pour faire place à une ombre tout aussi opaque, semblant tout aussi organique. Autant dans ses environnements intérieurs jouissant de jeux de lumière mémorables, grâce à une lampe torche joliment utilisée, qu’en extérieur, à l’occasion d’une séquence plutôt oppressante.
D’ailleurs, le jeu est très beau à sa sortie, en partie grâce à ses effets de lumières, d’ombres et de brume. Il jouit aussi de textures plutôt propres, d’une gestion de l’eau qui l’honore, d’animations à la pointe pour son temps grâce à de la Motion Capture, et ses cinématiques sont très réussies. Mais c’est évidemment sur le plan esthétique que Silent Hill 2 marque le plus les esprits à ce niveau. Le bestiaire est mémorable, merci Masahiro Ito, et s’écarte juste assez de celui du premier volet pour s’offrir une identité propre. Et dites adieu à ces saloperies de ptérodactyles qui gangrenaient son aventure aussi. Excellent point, puisque cela permet à l’action de demeurer proche du sol, avec parfois même des ennemis qui y rampent (pour un effet horrifique encore plus appuyé), et de gagner en facilité ce qu’elle perd en confusion. Mais c’est surtout la ville de Silent Hill en elle-même que l’on retient le plus. Entièrement repensée depuis le premier volet, elle ne se départit pas de cet aspect « petite bourgade américaine », mais est néanmoins plus crédible. Malgré la présence récurrente d’ennemis, on apprécie s’enfoncer dans sa brume opaque et découvrir ses moindres recoins, même si l’expérience demeure très quadrillée et ne permet jamais longtemps de s’écarter du chemin prévu.
Enfin c’est évidemment tout son aspect scénaristique qui a le plus marqué les esprits, et il ne faut pas longtemps pour comprendre pourquoi. On incarne James Sunderland, un homme entre deux âges qui semble, sur le papier, tout ce qu’il y a de plus banal. Son Character Design ne se permet aucune fantaisie, son doublage est sobre, et pendant toute l’aventure le monsieur en dira le moins possible sur lui, ce qui le rend assez énigmatique. On apprend dès les premiers instants qu’il est ici parce qu’il a reçu une lettre, signée du nom de son épouse pourtant emportée trois ans plus tôt par une maladie incurable, mais jamais clairement citée. Premier thème fort, pas évident à traiter, qui nous accompagnera tout du long de l’histoire, avec un climax qui prend aux tripes, et auquel on ne s’attend pas forcément à l’occasion de notre première partie. Silent Hill 2 parle de maladie, de mort, de couple déchiré, de culpabilité ; mais aussi d’inceste, d’acceptation, de harcèlement, de suicide et de pulsions meurtrières. Autant de sujets qui, encore aujourd’hui, ne sont pas évidents à placer dans une œuvre vidéoludique, a fortiori dans la mesure où le média se départit difficilement de son étiquette de divertissement. Alors imaginez à l’époque, quand l’histoire est la plupart du temps reléguée au second plan…
Et c’est là tout le génie de ce jeu d’horreur qui, à première vue, n’est qu’une baffe esthétique. Il ose, et en osant il nous questionne sur nos propres agissements, sur ceux de notre entourage, ou bien sûr nous renvoie à nos expériences passées. La mort et la maladie font partie intégrante de nos vies, et Silent Hill 2 les traite avec une certaine justesse, avec une mélancolie contagieuse. Lorsqu’on aimerait détourner le regard, il nous rappelle que ces sujets font partie de nos vies, tout en évitant de bêtement les banaliser. Qui, à l’époque, peut s’asseoir en face de la Team Silent, équipe en charge du développement chez Konami, et se mesurer à ses ambitions scénaristiques ? Personne. Parce que comme dit plus tôt, le scénario ne revêt pas encore l’importance qu’on lui connaît aujourd’hui dans nos œuvres vidéoludiques, et que rares sont les studios à y accorder une vraie attention. La seule franchise à laquelle on pense, finalement, est aussi proche de Silent Hill qu’il est possible de l’être, puisqu’il s’agit de Metal Gear Solid, aussi détenue par Konami. Dans un genre extrêmement différent, cela dit.
L'avenir commence demain
Silent Hill 2 est imparfait. Ses combats sont relativement imbuvables, et son mélange de caméras fixes et dynamiques connaît de nombreux ratés. Son gameplay est lourd, et quelques petits manquements dans sa conception ne facilitent pas la tache, malgré une difficulté somme toute abordable. Autant de points qui le rendent difficile à découvrir aujourd’hui. Cela étant, en 2001 il frappe très fort avec son aspect visuel hors du commun, mais surtout avec ses ambitions scénaristiques d’un autre genre, d’un autre temps, que trop peu de jeux ont visé depuis, et qu’encore moins sont parvenus à égaler.
Tout cela pour dire quoi, finalement ? Parce que j’ai jeté des arguments dans le vent, tout le long de cet article, sans jamais vraiment prendre le temps d’expliquer où je voulais en venir. C’est simple, plutôt que d’essayer de convaincre l’auditoire de s’essayer au titre sur PlayStation 2, au risque de passer un si mauvais moment qu’il éclipsera complètement les qualités de cette expérience pourtant mémorable, j’aimerai vous enjoindre à donner une chance à son remake. Puisque Silent Hill 2 Remake reprend trait pour trait le propos du jeu original, qu’il n’oublie rien à une époque où l’on s’attendait presque à y voir quelques coupes pour éviter de faire jaser, alors il s’agit du meilleur moyen de découvrir ce chef d’œuvre du jeu vidéo.
Bien sûr, certains d’entre vous pourraient encore lancer l’opus original et y passer un excellent moment, peut-être même prendre une claque aussi mémorable que ceux qui ont eu la chance de le découvrir à l’époque (notamment grâce au divin et intemporel travail d’Akira Yamaoka à la bande son). Mais il faut pour cela un degré de tolérance à la douleur assez élevé. Ou tout simplement être passionné de Survival Horror à l’ancienne. Mais, même à ceux-là, et malgré tout l’amour que je porte au produit original, je ne peux que conseiller la version de la Bloober Team, quitte à revenir ultérieurement sur celle de la Team Silent pour comparer les deux expériences.
Hermite en devenir, depuis longtemps l'esprit égaré dans de vieux livres, j'ai échoué dans ces colonnes dans l'espoir de partager autour de mon monstrueux Backlog, ou à l'occasion de mes grands amours que sont Biohazard et le J-RPG.
Infos divers
: Konami
: 23 novembre 2001
Catégories
Posts récents
Late Night with the Devil, The show
- 1 novembre 2024
- 7min. de lecture
Black Flies, dans le chaos des urgences
- 1 novembre 2024
- 4min. de lecture
Les courts qui dérangent 2 – Horror
- 31 octobre 2024
- 18min. de lecture
Sans un bruit: Jour 1, le roi
- 30 octobre 2024
- 5min. de lecture
Bad Boys: Ride or Die, à la
- 29 octobre 2024
- 6min. de lecture
Je commence le remake ce soir. L’original constitue un jeu tellement important pour moi… Je suis curieux et fébrile à l’idée de plonger tête la première dans cette relecture, mais je ressens également de l’appréhension. On verra!
Critique à venir 🙂 Je n’ai rien lu ni regardé sur ce remake pour me garder la surprise et ne pas être influencé.
Oh et j’ai trouvé ton angle d’approche vraiment original pour ce coup d’oeil (”Culte n’est pas synonyme d’intemporel”). J’en tiendrai compte dans ma critique, car il est vrai que dans le jeu vidéo on a parfois tendance à magnifier nos souvenirs.
Bon après pour Silent Hill 2 je l’ai refait l’an dernier et je le trouve toujours aussi sublime 😀 Après il faut dire que je n’ai pas de difficultés à me replonger dans des mécaniques de gameplay désuètes. Et je comprends que ça puisse déstabiliiser les joueurs plus modernes, de la même façon que je trouve la plupart des jeux NES trop arides!
Je ne peux que plussoyer… Sauf que si j’ai (déjà) le jeu, je n’ai toujours pas la PS5 pour y jouer ! Vivement le 07 novembre prochain. 😀
Courage pour l’attente! Au moins le jeu aura d’ici-là été patché ça et là et tu profiteras d’une expérience de jeu encore meilleure 🙂
[…] à travers mon prisme personnel. De cette façon, les personnes qui seraient passées à côté de Silent Hill 2 à l’époque de la PS2 pourront décider de quel côté leur cœur penche le plus et opter pour l’une ou l’autre des […]
[…] de l’éditeur. Confidence pour confidence, c’est le mois des repentances sur MaG ; après Silent Hill 2 (lire notre critique) dont on craignait qu’il n’égale pas son modèle, Zelda vient corriger […]