• Testé sur PC avec une RTX 4070 sur un écran 1440p ultrawide
  • Code transmis par Capcom
  •  Fini en 25 heures en hard (sans new game plus)
  • Captures de gameplay et screenshots maison

Les lecteurs avertis savent combien l’équipe de MaG affectionne les survival horror (voir notre podcast dédié) et plus précisément la saga Resident Evil. Si les puristes portent haut dans leur cœur – et à raison – la sainte trilogie PlayStation qui planta les jalons du genre avec panache, en 2005 ce quatrième opus marquait le retour tant attendu de Shinji Mikami en tant que directeur. Un changement d’optique majeur alors qu’il était moins impliqué en tant que producteur des suites du mètre étalon sublimé par sa version Rebirth. Il est aujourd’hui capitaine de son propre studio Tango Games (The Evil Within, Ghostwire: Tokyo, Hi-Fi Rush) et c’est donc l’équipe interne de Capcom qui a dû reprendre les rênes après un début de développement houleux chez M-Two (responsable du dispensable RE3 remake). 18 ans après sa sortie fracassante sur Gamecube et autant d’innombrables portages, que vaut cette nouvelle refonte de Resident Evil 4 ?

I'm sure you Boys didn't just tag along so we can sing Kumbaya...

Premier constat attendu des fans et non des moindres, les équipes de Capcom n’ont pas négligé la carte des graphismes. Le Resident Evil Engine reste particulièrement agréable à l’œil et le jeu sait flatter la rétine, d’autant plus sur PC où les options de customisation sont généreuses. Le titre supporte le Ray Tracing et tournait sans broncher sur une configuration certes bien musclée. Les modèles comme les animations sont convaincants. On retrouvera d’ailleurs un Léon porté par un gameplay lourd au premier abord mais particulièrement réussi. On conseillera vivement de jouer à la manette sous peine de perdre la balistique branlante du jeu. Viser sans crosse est instable et participe à la réussite des gunfights où enchaîner les headshots demandera un certain doigté.

Aussi il faudra améliorer les armes avec sagesse chez ce bon vieux vendeur imperturbable pour riposter à la hauteur de l’arsenal de nos adversaires. On vendra comme d’habitude toutes nos breloques au marchand qui se fera un plaisir de lancer ses meilleures punchlines de son répertoire, même si le changement de doubleur détone. Par ailleurs, plus de QTE, cette mode qui aura contaminé tout un pan de l’industrie  jusqu’à l’indigestion suite au succès fracassant de Resident Evil en 2005.

Le jeu conserve bien entendu la structure originelle de son illustre modèle, même s’il se permet certaines licences plus ou moins bienvenues selon les circonstances comme nous l’évoquerons plus tard. Les trois parties du village, du château et de l’île ont donc été confiées à des équipes différentes, ce qui se ressent clairement in-game. C’est sans doute le village qui reste le plus fidèle à nos souvenirs et qui souffre peut-être d’un level design plus étriqué et un peu plus fâché par les années. Les escarmouches avec Bitores Mendez et le monstre Del Lago m’ont semblé moins bien amenées et autrement moins crado.

Resident Evil 4
L'Espagne : un pays connu pour son accueil chaleureux !!

Là où chaque tir de harpon donnait lieu à une gerbe de sang effusive sur la bête du lac, le remake est plus contrasté ici sur ces deux boss précisément. La rencontre avec le premier villageois supprime aussi une part de l’étrange propre au fait que celui-ci se retournait de matière très peu naturelle dans la version Gamecube. Dommage d’y avoir renoncé. Idem pour Mendez qui apparaissait par surprise alors qu’on inspectait un tableau à son image. De manière générale, le côté The Thing de la chair en perpétuelle mutation et en proie au pourrissement est plus sobre dans cette version 2023. Mendez arrivera par exemple directement dans sa phase de scorpion sans voir son corps déchirer chair et os sous les vociférations du monstre en devenir. Idem pour Saddler qui transperçait le torse du malheureux Luis, lequel souffrira en 2023 d’une mort moins trash signée Krauser.

Délivrance

Si l’irruption dans le village est un vrai capharnaüm, elle m’a semblé un peu moins dramatique dans l’approche que dans l’original. Leatherface (alias Dr. Salvador pour les intimes) est bien présent au casting et heureusement, mais il représente une menace négligeable dans ce nouvel opus. Si l’option du contre au couteau est un ajout réussi dans cet épisode, il rend la tronçonneuse du bougre moins intimidante, puisqu’on pourra lui opposer notre joli cure-dent. Quant à la première rencontre avec les chiens, cette dernière avait lieu de nuit et sous l’orage dans l’original. Ici la scène en plein jour à quelque peu perdu de sa superbe. Au rang des détails, l’arche de Noé a également pris ses aises dans le village avec des vaches et des porcs venus en renfort de nos amies les poules, même si cela reste anecdotique.

Le château rappelle le manoir Spencer par sa démesure

A mon sens, c’est la première partie la moins réussie. Si elle est (trop ?) fidèle à l’original, elle n’est pas aussi renversante que le monde du château, d’une richesse sans pareille.  C’est ici qu’on sent combien les développeurs se sont fait plaisir pour renouveler nos souvenirs tout en se libérant du carcan de Mikami. Dans le château, le rythme s’accélère en emportant avec lui son lot de surprises. Chaque pièce est l’occasion d’une situation nouvelle, avec un bestiaire qui étonne et ravit le fan de la série. Les rencontres avec les ennemis en armures sont géniales tout comme l’épisode plus horrifique où l’on contrôle Ashley. Les énigmes les plus marquantes comme celle du dîner ont leur place dans le château qui fait écho au manoir Spencer.

Outre les classiques sœurs jumelles à la tronçonneuse, le village apporte de nouveaux ennemis équipés de gatling et couverts d’un joli masque de cochon ou de sanglier que ne renierait pas Hotline Miami. Mais c’est vraiment le château qui transforme l’essai.  Les développeurs ont su transcender chaque rencontre tout en apportant des situations rafraichissantes. Si j’ai toujours préféré les moines Zealot aux Ganados du premier tiers, c’est grâce à la variété des armes moyenâgeuses qu’ils utilisent. Plus organisés dans leurs assauts synchronisés, certains d’entre eux sont équipés de boucliers, d’arbalètes, de masses d’armes ou de faux. Les voir se transformer en aberrations sous l’effet d’un prêtre rouge est tout aussi saisissant. Il vous faudra leur opposer une puissance de feu digne de ce nom !

Sur ce point, les armes ont du punch et offrent une belle capacité de pénétration. Si la répartition des dégâts est moins poussée que dans Resident Evil 2 (2019), les nombreuses animations de démembrement font mouche et le titre sait fait preuve d’une précision remarquable. Plus fluide, cette monture 2023 permet de switcher entre 8 armes au lieu de 4, de quoi faire preuve de souplesse en toutes circonstances. On se fait ainsi plaisir à alterner entre des armes lourdes et des fusils de précision. Au menu 18 armes dont des nouvelles qui rejoignent l’indémodable Striker ou le fidèle Killer 7 !

Le labo reste un des lieux les plus glauques du jeu avec le cachot du château...

Le rythme dans la peau

Le second monde donnera ainsi lieu aux plus belles scènes de gameplay du jeu, dont le paroxysme sera atteint par le combat contre les deux garradors, ces berserkers aveugles munis de lames acérées à l’instar d’un Wolverine en furie et sous 3-MMC ! C’est à ce moment que la gestion de foule sera poussée au maximum, alors que les monstres n’hésiteront pas à tailler en pièces tout obstacle sur leur passage qu’il soit ami ou ennemi. Et là, autant dire que votre couteau vous sera d’une piètre utilité pour parer les chassés de ces forcenés. Un coup bien placé et vous finirez en deux biftecks désossés. C’est d’ailleurs l’un des signes flagrants du découpage du développement du jeu entre plusieurs équipes : les écrans de morts sont nettement plus violents et réussis dans la seconde partie que dans la première.

C’est l’un des défauts du jeu : certaines mises à mort manquent de pêche et tranchent radicalement avec la bestialité à l’œuvre dans l’excellent remake de Resident Evil 2. Au rang des échecs patents, on retiendra Léon qui se fait crever les yeux en criant sans ouvrir la bouche… Un effet Muppet Show désincarné dont on peine à comprendre comment il a pu être validé en postprod. C’est regrettable car le remake précité avait mis la barre très très haut en termes d’horreur brute. Léon se faisait arracher la jugulaire toute en lenteur sous une lumière vacillante. Ecrasé sous le poids du mort-vivant, l’angle de caméra choisi étouffait le joueur en reprenant la grammaire du viol, avant que la scène ne s’achève par un cri d’agonie qui traverse encore mes cauchemars.  C’est peut-être un détail pour vous mais la majeure partie de l’effroi vient de la sentence que redoute le joueur, à savoir le débordement de violence crue sur une situation qu’on pensait pourtant canaliser.

Resident Evil 4
L'une des rares animations de mort complètement foirées...

En ce sens et au rang des rares écueils du titre, on regrettera l’avalanche de checkpoints de ce remake qui rend parfaitement inutiles les traditionnelles machines à écrire. C’était déjà l’une des tares de la version 2023 de Dead Space (lire notre critique) et on retrouve ce travers chez Capcom. Le premier run perdra ainsi largement en intensité et en stress, alors qu’un faux pas nous reconduira quelques poignées de minutes plus tôt. Le jeu est tellement permissif sur cet aspect, même en hard, qu’on retrouve parfois deux points de sauvegardes automatiques dans une même arène, ce qui n’incite pas vraiment à la prudence ! 

Ce défaut sera heureusement complétement balayé dans le new game plus qui propose une expérience à l’ancienne concernant les sauvegardes par rubans limités. Mais n’y avait-il pas un intermédiaire à trouver pour maintenir la tension et le sentiment d’accomplissement lors du premier run ? Resident Evil 2 (2019) laissait l’option à loisir d’entrée de jeu par exemple. On ne comprend pas davantage le choix de gamedesign qui empêche de mettre certains soins ou des munitions dans le coffre pour décharger sa mallette. En revanche, le système de « chasse » tiré de Metal Gear 3, sorti un an avant Resident Evil 4 (2005), a été intégré de manière plus adroite dans ce nouveau volet.

Un dîner presque parfait...

Ashley cœur à vif

En termes d’écriture, Resident Evil 4 (2023) conserve le ton série B de 2005 tout en se mettant au goût du jour. Si les blagues potaches avec Hunnigan comme Ashley sont beaucoup moins nombreuses, force est de constater que les scénaristes ont réécrit avec intelligence une large partie des dialogues. La relation avec Ashley est mieux amorcée, moins carabinée et elle n’hésitera pas à prendre beaucoup plus d’initiatives. A ce sujet, la fonction qui permettait de cacher la fille du président dans une benne ou un placard est initiée avec un certain humour post me too. De manière générale d’ailleurs, il est beaucoup plus rare d’utiliser cette option dans le remake. Si Ashley nous appelle pour qu’on la rattrape lorsqu’elle saute d’une fenêtre, elle n’hésitera pas à se débrouiller toute seule si vous êtes trop long à la détente. Exit l’iconique « You Pervert » adressé à Léon qui (par inadvertance) aurait jeté un œil sous sa jupe ! Si Ashley a encore quelques comportement suicidaires, son IA a été largement améliorée.

Saddler
Venez à Izmir pour une greffe de cheveux réussie !

Sans pour autant virer au drame shakespearien, la mise en scène et les dialogues sont donc mieux sentis. On regrettera peut-être l’arrivée tardive de Saddler même si son personnage est particulièrement charismatique grâce à un doublage marquant. Cet avorton de Salazar semble quant à lui avoir pris trop de cortisone. Gonflé comme un ballon de baudruche et avec sa coiffure de Melrose Place, on ne reconnaît plus vraiment la tête à claque de 2005. Salazar est plus en retrait lui aussi mais les cinématiques où il se fait cribler de balles restent toujours aussi funky. Il donnera lieu à un combat de boss qui constitue l’un des moments forts du jeu. Son univers a cependant été quelque peu amputé du côté guignolesque qui lui collait à la peau. Où est donc passé son chapeau de Jack Sparrow et sa queue de cheval ? Son sadisme enfantin, son petit ricanement malicieux, ses colères juvéniles tout comme certaines cinématiques manquent un peu au tableau, même si l’idée reste présente.

Dans ce bestiaire généreux, on retiendra aussi les Regeneradores dont il faudra détruire les tumeurs Plagas à la lunette pour s’en débarrasser dans les labos de l’île. C’est sans doute l’ennemi le plus dérangeant du jeu avec les garradors. Les entendre respirer au détour d’un couloir suffira à vous glacer le sang ! Les escadrons d’insectes volants et invisibles sont encore de la partie et donneront eux aussi lieu à de belles scènes de gameplay endiablé ! Au rang des abonnés absents, on regrettera le retrait du boss U3 à la langue bien pendue. Il avait pourtant un certain cachet dans l’original. La scène débile des lasers a elle-aussi été supprimée même si on comprend un peu mieux pourquoi. Resident Evil 4 reste quoi qu’il en soit généreux et donne la part belle aux récompenses et costumes en tous genres. Ces derniers ont déjà donné lieu à d’improbables variations par une communauté « inspirée » bien décidée à s’approprier le jeu sous toutes les coutures du bon goût pour le meilleur et pour le pire

Vous l’aurez compris au terme de cette critique, Resident Evil 4 coche à peu près toutes les cases d’un remake ingénieux. Capcom a su faire renaître de vieux souvenirs sous un nouvel angle et sans s’enchaîner dans la vision originelle de Mikami. Résolument plus moderne, cette refonte cultive l’art de la nostalgie avec intelligence. D’un rythme à toute épreuve, le jeu ne nous laisse aucun temps mort où s’ennuyer et on redécouvre les scènes qui nous ont tant marqué plus jeune, en plus de nouvelles situations inédites. Avec son gameplay au poil, Resident Evil 4 peut se targuer de détrôner bien des TPS modernes qui ne lui arrivent pas à la cheville. On lui reprochera uniquement une certaine permissivité dans la difficulté pour un premier run à causes des checkpoints en cascades et quelques choix de designs et coupes discutables. L’ensemble reste un exemple de remake à l’instar de Resident Evil 2. Reste à savoir si Capcom nous fera désormais l’affront de ressortir le médiocre Resident Evil 5 qui reprenait sans panache la recette de Mikami…

Pour
  • Graphismes et animations splendides
  • Globalement fidèle à l'original
  • Gameplay revisité avec intelligence
  • Certaines nouvelles scènes marquantes
  • Le boss de Salazar
  • Les regeneradores et les garradors
  • Rythme sans faute
  • Réécriture mieux sentie
  • Ashley n'est plus un boulet !
  • Le château au top !
  • Le new game plus
  • Les items et costumes à débloquer
Contre
  • Animations faciales perfectibles
  • Quelques scènes fortes supprimées
  • Le village moins marquant
  • Checkpoints beaucoup trop nombreux
  • Cinématiques pas prévues pour les écran ultrawide
  • Quelques choix de design et de mise en scène discutables

Critique JV et ciné toujours prêt à mener des interviews lors de festivals ! Amateur de films de genre et de tout ce qui tend vers l'Etrange. N'hésitez pas à me contacter en consultant mon profil.

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Ummagumma
11 mois

Ouvrons les paris ici. Prochain remake, Code Veronica ou RE5 ? Je mise sur Code Veronica.

Dernière édition le 11 mois par Ummagumma
le loup celeste
Administrateur
11 mois
Répondr à  Ummagumma

J’en doute malheureusement car les droits sont partagés avec SEGA pour ce titre (même problème pour Dino Crisis) ! 🙁

Ummagumma
11 mois
Répondr à  le loup celeste

Oh non je ne savais pas ! Code Veronica avait vraiment son ambiance à part, avec ses références à Psychose. Ça pourrait être incroyable d’en voir une version moderne. Je verrais bien un remake de Dino Crisis, surtout qu’on est en pleine mode des dinosaures. Je peux rêver mais qui sait…

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