Présenté à la Mostra de Venise, Playing God ne nous a pas laissé de marbre. Dans ce court-métrage fantastique de Matteo Burani, l’artiste italien nous plonge dans un univers lugubre, un atelier d’où une créature pétrie dans l’argile vient à la vie. Neuf minutes intenses et un véritable tour de force pour tout amateur de stop-motion.

Tu es poussière…

Ces dernières années, les œuvres en stop-motion ne cessent de nous surprendre en repoussant les limites techniques jusqu’à créer l’illusion de mondes tantôt oniriques, tantôt cauchemardesques. Des autodidactes comme Takahide Hori (Junkhead), des pionniers comme Phil Tippett (Mad God) ou des artistes torturés à l’instar de Robert Morgan à qui l’on doit sans doute les courts les plus glauques jamais réalisés (Bobby Yeah, Tomorrow I Will Be Dirt, etc.). Même Guillermo Del Toro s’est pris au jeu du stop-motion en proposant sa propre lecture de Pinocchio. Nul doute qu’avec Playing God, le marionnettiste Matteo Burani cherche à s’inscrire dans la cour des grands. Playing God est une coproduction du studio Chroma et de la maison de production Autour de Minuit à qui l’on doit déjà nombre de courts insolites et l’excellent Unicorn Wars (voir notre critique et interview ici).

« We slowly move big things » comme l’annonce la première page du site de Chroma et difficile de prétendre le contraire tant cette technique requière une minutie qui confine à l’ascèse. Quelle épatante démonstration lorsqu’on assiste comme par magie (noire) à la naissance de ce petit homme, façonné dans l’argile et la douleur sous nos yeux. Absolument saisissante, cette séquence est appuyée par un sound design dérangeant, une photographie habile et un imaginaire dérangé que ne renierait pas Goya. L’illusion est parfaite. Pris de terreur face à l’émergence de sa conscience évanescente, le visage déchiré par les émotions, la créature semble naturellement vivante.

… Et tu retourneras à la poussière

Donner la vie à partir de l’argile est un thème bien connu de la mythologie comme de la littérature. On pense tout de suite à la peinture de de Constantin Hansen, Prométhée créant l’homme à partir de l’argile, représentation de la création dont on trouve échos dans le célèbre poème des Métamorphoses d’Ovide. « Ainsi la matière, auparavant informe et stérile, prit la figure de l’homme, jusqu’alors inconnue à l’univers » raconte le poète latin avant de prophétiser l’âge d’or.

On relève autant de déclinaisons dans la mythologie égyptienne avec le dieu Khnoum qui crée des enfants humains à partir de glaise avant de les placer dans le ventre de leur mère ; chez les Hindous avec Parvati, qui conçoit Ganesh en transformant l’argile en chair et en os ; dans la Genèse encore lorsque « L’Eternel Dieu forma l’homme de la poussière de la terre ». Et on pourrait poursuivre cette liste éternellement.

Thème vieux comme le monde, à l’ère de la modernité et des rêves brisés, le mythe de la création originelle bascule très vite vers celui de Frankenstein. C’est le cas lorsque notre créature aperçoit la lumière pour la première fois. Au milieu des ses congénères aux gueules cassées, le nouveau-né tranche par sa perfection. A moins que celle-ci ne soit qu’éphémère ? Espérons maintenant que le film saura circuler dans les festivals pour rencontrer son public. Il aurait toute sa place à l’Etrange ou au FEFFS en septembre. 

Bande-annonce de Playing God

Amis du stop-motion, quelques conseils lecture !

Critique JV et ciné toujours prêt à mener des interviews lors de festivals ! Amateur de films de genre et de tout ce qui tend vers l'Etrange. N'hésitez pas à me contacter en consultant mon profil.

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