C’est à Annecy que les équipes de Dreamworks sont venues présenter les trente premières minutes de la suite du Chat Potté, treize ans après le spin-off et vingt ans après le premier Shrek, de quoi donner le tournis après une si longue absence. Evidemment les outils d’animation ont largement évolué ces dernières décennies et le film revendique un style impressionniste original. Après avoir un peu trop profité des largesses de la vie et consommé la quasi-totalité de ces neuf vies qu’on prête aux chat légendaire du conte de Perrault, Le chat Potté peut-il encore se permettre une dernière aventure au péril de sa vie ?

La mort vous va si bien

La première séquence diffusée nous présentait le chat qu’on connaît : frimeur, coureur de jupons arrogant et qui faisait le show au milieu d’une foule en liesse. Un « moment Disney » particulièrement bien rythmé jusqu’au réveil d’un géant et sa mise au tapis par le Chat suite à un florilège d’acrobaties réalisées en toute modestie. Un premier extrait chantant classique mais, par contraste, autrement plus intéressant eu égard à la suite… En plein excès de confiance et alors qu’il avait vaincu ce colosse tout droit tiré de Shadow of the colossus, une cloche s’écrase sur le héros à la dernière strophe de sa chanson. Un gag grotesque qui porte en lui toute l’intrigue du film. Au réveil, le Chat est ausculté par un médecin qui lui annonce alors qu’il n’a plus une vie dans sa besace et que la prochaine fois sera la dernière. Le Chat Potté est invité à prendre sa retraite chez Mama Luna, une vieille aux chats, traquée par la SPA ou son équivalent local.

Le Chat Potté

« How many times you said you died already ? »

« Relax ! I’m puss in booth ! I love death » s’écrie le héros en pleine crise narcissique avant qu’on ne lui énonce ces huit dernières morts. En plein déni, le Chat Potté préfère aller se réfugier au bistrot où l’ambiance va radicalement changer. Un loup encapuché s’assied au comptoir avant de le menacer directement. On vire ici carrément à l’épouvante avec ce chasseur de primes particulièrement incisif. Magistrale entrée en scène en sifflotant un air lugubre, comme une reprise des films de farwest lors d’une entrée fracassante au saloon. 

Cette première scène est un feu d'artifices avec une animation particulièrement bien rythmée

« Est-ce que je peux avoir votre autographe ? Je suis fan de vous depuis longtemps. Signez-ici ! » alors qu’il tape avec insistante sur le mot mort de l’avis de recherche du Chat. C’est la figure de la Mort incarnée qui viendrait chercher son dû. Un chasseur de primes doublé par Wagner Moura, l’acteur de Pablo Escobar dans la série Narcos. Un choix de casting payant avec une interprétation qui collait parfaitement à ce loup aussi sanguinaire que charismatique. Le Chat est presque immédiatement défait !

The Good, The Bad and The Ugly

Ses poils se hérissent. Ridiculisé, et même blessé, le Chat – autrefois invincible – est contraint à la fuite. Cette séquence introductive était particulièrement réussie, en empruntant tantôt au film The Good, The Bad and The Ugly qu’à l’esthétique de Dracula. « Pour ces moments sombres de l’histoire, on s’est inspiré de certains contes des frères Grimm… qui ne sont pas si féériques » confie le réalisateur lors d’une interview à Annecy. Cela se sent immédiatement, autant dans l’écriture des personnages que dans l’approche graphique de ce nouveau film.

Le Chat Potté
Certaines certaines fortes savent saisir l'instant par une effusion de couleurs diablement efficace

Les équipes se félicitaient aussi d’avoir pu intégrer beaucoup plus facilement les peintures et artworks originels. Et c’est vrai que ce style moins réaliste mais plus sensible convient parfaitement au ton général de la dernière quête. A l’image du cel-shading en vogue dans le jeu vidéo, les décors laissent apparaître des coups de pinceaux et les textures appliquées sur les personnages rendent hommage au travail des artistes. On sent également l’influence du dernier Spiderman Across The Spiderverse (lire notre aperçu d’Annecy) sur l’animation qui n’hésite pas à ralentir la cadence par moments pour donner plus d’impacts aux séquences.

En rouge et noir

Alors que le Loup parvient à effleurer le chat avec ses deux faucilles, l’image se pétrifie l’espace d’un instant où le fond se remplit d’un rouge écarlate ; un rappel direct aux yeux du loup, bouillonnant et sans âme. Le contraste est ici presque expressionniste pour le coup avec un évocation évidente de la Mort par l’intensité des contrastes de ce moment suspendu. On lit également l’influence des comics ici, à l’instar d’un unique dessin qui occuperait toute la planche d’une BD en venant clotûrer une séquence à suspense. Une technique prisée pour mieux surprendre le spectateur qui tournait naïvement la page. Effet garanti en BD comme au cinéma ! Dreamworks puise ici largement dans le registre de l’épouvante. Et cela fonctionne à merveille !

« On a rendu l’histoire de ce personnage plus sombre car c'était nécessaire pour mieux le connaître. Il lui fallait un électrochoc. Mais, même s’il aborde la question de la mort, ce film reste une célébration de la vie et se révèle plein d’émotions. »

Le Chat Potté
Le Grand Méchant Loup devrait apporter une autre coloration au film

This is the End

Une autre séquence détonait par rapport à l’imagerie qu’on croyait connaître du monde de Shrek. En plein désarroi, ridiculisé, le Chat en larmes enterre son attirail et renonce à son titre. Dernière option, se faire passer pour un simple matou chez Mama Luna qui offre un refuge à tout un troupeau de félins. Au départ réfractaire à l’idée de se comporter comme un gros minet, le Chat cède et finit même par emprunter la litière en lâchant un « Ici commence la fin de la dignité ».

Le Chat Potté
Boucle d'Or et le gang des trois ours...

La barbe longue et avec un petit air de Fat Thor pour le côté héros déchu, l’intemporel hymne des Doors, This is The End, renforce la chute de l’hybris. Une dépression larvée qui sera de courte durée. Boucle d’or et le gang des trois ours sont à la recherche d’une étoile qui permettrait d’obtenir un vœu… l’occasion idéale pour le Chat de nouer une alliance originale et de renfiler ses bottes pour une toute dernière quête. Un premier aperçu d’une demi-heure qui est passé comme une lettre à la poste. Drôle, particulièrement bien doublé et surprenant dans son approche plus sombre, ce second volet sera-t-il conserver ce côté osé tout au long du film ? Réponse le 7 décembre prochain.

Critique JV et ciné toujours prêt à mener des interviews lors de festivals ! Amateur de films de genre et de tout ce qui tend vers l'Etrange. N'hésitez pas à me contacter en consultant mon profil.

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[…] d’autant plus quand on ressort des présentations de Spiderman Across the Spider-verse et du Chat Potté 2, toutes les deux autrement plus audacieuses que le dernier Pixar. Manque d’ambition ou film de […]

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[…] Petit Nicolas – Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux et l’époustouflant visuellement Le Chat Potté 2 dans l’excellente cuvée d’animation 2022. À (re)voir grâce à sortie en format […]

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[…] qu’on attend pour être heureux ? l’été dernier. Puis répété après l’étonnant Chat Potté 2. Et finalement, même rengaine après l’ébouriffant Spider-Man: Across the Spider-Verse… […]

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