Shadowz propose dans son marathon Halloween un classique underground, oxymore particulièrement adaptée au dérangé Cat Sick Blues. Après les non moins tordus Laid to rest, c’est donc désormais une étrange histoire de chat que nous propose la plateforme… Plongeons-nous donc dans ce long-métrage australien, si malsain qu’il est bonnement et simplement interdit en Nouvelle-Zélande. Attention, ça va ronronner sévère…
L'homme-chat
La mort de son chat plonge Ted, un jeune homme (Matthew C. Vaughan) plutôt solitaire, dans une profonde dépression. Pourtant, une idée tordue va lui redonner espoir : pourquoi ne pas sacrifier 9 personnes pour redonner vie à son précieux animal de compagnie… S’en suit alors une quête vengeresse, où Ted se dérobe derrière un étrange masque de chat, des griffes bien affûtées et… un gode-ceinture-version-félin. On vous avait prévenus, Cat Sick Blues c’est tordu !
Animaux anthropomorphes
Si la sitcom Rabbits de David Lynch, émanant tout droit des enfers, vous mettait mal à l’aise, vous n’êtes sûrement pas prêts pour Cat Sick Blues. Pourtant, le créateur de Mulholland Drive mettait déjà le paquet avec son image granuleuse, son sound design terrifiant et ses créatures cauchemardesques à souhait.

« In a nameless city deluged by continuous rain, three rabbits live with a fearful mystery.»
Ouverture de "Rabbits"
Il est d’ailleurs intéressant de voir à quel point les animaux anthropomorphes sont prompts à créer une sensation de malaise viscéral. Peut-être parce qu’ils nous rappellent notre part d’animalité, peut-être parce que l’hybridité nous questionne quant à cette parenté qu’on a effacée alors qu’elle affleure constamment en nous. Evidemment (et tout récemment), la question est traitée dans le joli Le Règne animal, un long-métrage où une partie de l’humanité retourne – peu à peu – à une apparence purement animale. Ici point d’horreur, mais un fantastique paré d’un questionnement philosophique : pourquoi nous sommes-nous autant abstrait de la nature ?

En manga, c’est le japonais Takahiro Kato (qu’on sent ici bien inspiré par son collègue Junji Itō) qui explore la question dans son œuvre Humanimals. Retournant dans le zoo de son enfance après une dizaine d’année sans l’avoir visité, un jeune homme retrouve des animaux drôlement changés… Dessins en noir et blanc infusés d’horreur, le malaise suinte des pages.

Moins loin de chez nous, les (plus apaisées) BDs Blacksad et L’Orfèvre proposent leur dose d’animaux anthropomorphes. Ici, le cauchemar est ailleurs et l’anthropomorphisme permet aux auteurs de rapidement caractériser leurs personnages aux traits d’humeurs qu’on appose habituellement aux animaux représentés (perfide serpent, malin renard, doux agneau…). Deux tours de force visuels, qui s’enrobent de métaphores historiques et politiques absolument passionnantes.

Pour revenir au cinéma, la créature anthropomorphe peut se former à l’image en un simple masque, bien plus simple que les créatures du Règne animal. C’est d’autant plus troublant, et assez dérangeant dans le récent Good Boy. Présenté au NIFFF en 2022, on y suit un couple en devenir passé par une application de rencontre. Mais lorsque la jeune femme se rend chez son prétendant, elle reste bloquée sur son étrange chien, Frank. Un dalmatien pas comme les autres…

Si Good Boy était déjà bien noir, encore rien à voir avec l’absurde cruauté de Cat Sick Blues. Pour se faire une idée, on serait plus dans un film bâtard entre Terrifier (dont le 3e volet s’apprête à débouler dans les salles françaises) et Halloween. Et visiblement, quant un clown s’accouple avec Michael Myers, ça donne un vilain chat noir…
Film punk
Qu’est-ce qu’être punk ? Subversion ? Détournement des codes ? Contestation ? Mise en place de structures alternatives ? Féroce critique du capitalisme ? Probablement tout ça, et sûrement plein d’autres choses. Qu’est-ce donc qu’un film punk ? Probablement tout ça également, et sûrement plein d’autres choses aussi. Mais à coup sûr, on peut vous l’affirmer : Cat Sick Blues est un film résolument punk !

Déjà, le film n’est pas là pour nous brosser dans le sens du poil, bien au contraire. Fait avec quatre francs six sous, parfois éclairé de manière douteuse, ne s’épargnant pas quelques longueurs, y a pas à dire, le film d’horreur australien ne chercher pas la perfection. Pire encore, il déglutit volontiers quelques jets de vomi à la gueule de son spectateur. Un peu comme le punk rock : agressif, sauvage, minimal, politique et nasillard. Power cords et guitares saturées deviennent ici un montage souvent simple d’apparence, regorgeant pourtant de plans ultra-impactants, dont la violence vous saute à la gorge.

À la manière d’un Terrifier ou d’un Nekromantik, Cat Sick Blues s’inscrit dans une économie parallèle. Le film est fauché – ça se voit parfois – mais parfaitement libre, jusqu’à l’outrance la plus totale. Salement sexuel, ultra-violent, détourné de toute logique de l’ordre scénaristique, le long-métrage ne s’interdira jamais rien. Et de cette audace du trop-plein, de ce reflux sincère et odorant, nait un étonnant spleen qui irrigue le long-métrage de plusieurs forts coups de poings politiques (entre quelques giclures d’hémoglobine).

Nous offrant un regard acide – mais si jubilatoire – sur plusieurs tendances d’Internet encore d’actualité aujourd’hui, le film critique de manière acerbe notre rapport aux images de la manière la plus dérangeante qui soit. Le long-métrage bêta devient peu à peu un pamphlet sournois, caustique et (nous l’avons déjà dit) résolument punk. No Future, disent-ils. C’est un peu la même conclusion que Cat Sick Blues dont le tourbillon dépressif final détonne dans l’offre des films de ce genre-là.

Troisième film du marathon Shadowz pour Halloween, et déjà un sacré morceau. Souvenez-vous-en pour vos soirées films d’horreur et surtout, prenez garde au chat priapique !

Buvant les Stephen King comme la sirupeuse abricotine de mon pays natal, j’ai d’abord découvert le cinéma via ses (souvent mauvaises) adaptations. Épris de Mrs. Wilkes autant que d’un syndrome de Stockholm persistant, je m’ouvre peu à peu aux films de vidéoclub et aux poisseuses séries B. Aujourd’hui, j’erre entre mes cinémas préférés, les festivals de films et les bordures de lacs helvétiques bien moins calmes qu’ils en ont l’air.
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J’avoue que ce film est particulièrement barré, fauché mais tourné dans de nombreux lieux, offrant même des scènes avec pas mal de personnages. La scène de l’ouverture est particulièrement intéressante, simple et efficace, ça m’a rappelé l’intro de Funny Games, banalité du cadre et violence de la musique. Le reste est souvent étrange, pas toujours joué juste et on ne sait pas à quel point le réal est sérieux dans son propos, jusqu’au-boutiste ou pas. C’est la fin qui m’a laissé dans une pensée perplexe, relevant le propos et le film à un autre niveau. Très belle découverte, merci Shadowz, le meilleur site de stream pour moi, mon meilleur investissement culture depuis deux ans.
Clairement la meilleure plateforme, et leur marathon Halloween et cette année encore gargantuesque ! Merci pour ton commentaire 😉