• Jeu fourni par l’éditeur
  • RGJG a été testé sur un PC composé d’une RTX 3080, indispensable pour jouer en 4K à un jeu en pixel art.
  • Les options graphiques utilisées sont les suivantes : « TOUT A FOND » en 4K.
  • Votre humble testeur n’a pas fini le jeu à 100%

Mardi soir, un jour ordinaire si ce n’est que la canicule bat son plein, emportant avec elle son tribut  journalier de grabataires assoiffés. Sous les combles de ce charmant duplex alsacien, la température côtoie celle de mon grille-pain et l’on pourrait sans mal cuire une omelette sur mon velux, si mes oeufs n’avaient pas déjà rancis sous la chaleur. Plus que quelques degrés et le mercure dégoulinera bientôt du thermomètre sur le point d’imploser. Dire qu’il suffirait d’un clic sur mon bureau pour frôler l’apoplexie… Flûte alors ! Et si on se faisait une dernière partie de RunGunJumpGun histoire de suer une toute dernière fois ?

Lucy in the sky with diamonds

Derrière ce curieux titre se cache sans doute l’un des jeux les plus corsés de ces dernières années depuis la déferlante indo-masochiste initiée par Super Meat boy et ses apôtres, VVVVVV ou encore Cloudberry kingdom. Si vous pensiez que le créneau était désormais archi comblé, détrompez-vous, la dernière production de l’éditeur hollandais Gambitious compte bien prendre sa part du spacecake. Au carrefour du platformer, du shoot them up acidulé, du runner frénétique et du casse-tête torturé, il s’agit là d’une véritable chimère ludique, où vos nerfs seront mis à rude épreuve. Un cocktail psychédélique agrémenté d’une pointe de pixel art aussi baveux que bariolé, comme si Samus s’était acoquinée avec Jetpack Joyride lors d’une soirée sous acide. Une chose est sûre, Thirty Three games sait achalander les vieux brisquards de l’arcade.

RunGunJumpGun
RunGunJumpGun
RunGunJumpGun
RunGunJumpGun

Cours Forest, cours !

Les environnements scintillent de teintes fluo, tantôt violacées, tantôt rouges ou ocres, oscillant subitement vers le vert. Ajoutez à cela une couche sonore d’électro histoire de mettre d’emblée dans l’ambiance et vous voilà sur les starting blocks. Question scénario, on reste là encore dans la grande tradition du die and retry avec un synopsis qui tient généralement sur un sous-bock et c’est tant mieux. Rungunjumpgun – RGJG, pour les intimes – ne déroge pas à la règle. Ainsi l’avidité des seigneurs de la guerre aurait précipité la galaxie dans le chaos, réveillant la colère du Dieu soleil qui ravagea la Terre, aussitôt réduite en cendres en guise de représailles. Des capsules de lumière, les atomiks, ont été dispersées dans l’univers et il vous revient de les récupérer pour venger vos aïeux et gagner le coeur de l’étoile. Ces enjeux dramatiques de haute voltige sont d’ailleurs exposés plus généreusement sur le site internet dédié que dans le jeu, l’occasion d’admirer quelques gifs sous forme de bande dessinée. Chaque fin de niveau est ponctuée de quelques phrases absurdes distillées tout au long du jeu, l’occasion de s’immerger un peu plus dans cet univers déluré, à l’instar de Wario Ware et ses écrans ubuesques. « Tu reprendras bien un peu de crème spatiale ? » nous lance une flaque gesticulante en langage yaourt. Allons-y gaiement !

RunGunJumpGun

Allô Maman bobo

Le concept est on ne peut plus simple, sur le papier tout du moins : deux boutons, l’un pour tirer vers le bas, ce qui propulse notre héros téméraire dans les airs en faisant office de jetpack lowcost, l’autre pour tirer de face, afin de détruire les nombreuses embûches, qui parsèment les stages et pour les plus coriaces, dans l’optique de venir à bout des vaisseaux, peu avares en distributions de boulettes gratuites. Jusque-là tout va bien comme dirait un homme en chute libre, précipité du haut d’un gratte-ciel. Ce serait pourtant faire fi du scrolling horizontal à la cadence infernale, lequel nous emmène très vite au casse-pipe. Ici pas le temps de monter quelconque stratégie pour appréhender les niveaux d’une poignée de secondes endiablées. Point de tactique non plus, il faudra réagir vite et trouver le chemin optimal sous peine de se ratatiner contre une hélice et au risque de se faire rattraper par le scrolling.

Toute la subtilité réside dans un gameplay alternatif, où presser les deux boutons en même temps annule l’effet combiné recherché. Aussi il est strictement impossible de nourrir un tir de soutien en avant tout en se propulsant vers le bas. Logique me rétorquerez-vous, puisque notre personnage ne dispose que d’une coquette gatling pour se déplacer et se défendre. Choisir c’est renoncer comme on dit dans le jargon et le dilemme constant entre les deux feux sera une grande part de l’expérience. Là où cela devient intéressant, c’est qu’on a rarement l’occasion d’avoir les pieds sur terre entre le sol et les plafonds jonchés de traverses.

RunGunJumpGun

Try, do or do not

La mort est toujours au bout du tunnel, alors qu’on aperçoit parfois la lumière, si proche et pourtant si lointaine. Jusqu’au dernier instant, les développeurs s’en sont donnés à coeur joie pour mettre un terme à notre progression avec un obstacle savamment placé ici, un tir croisé de lance flamme par là ou une simple rafale de boulettes bien nourrie au détour d’un couloir. Souvent, l’on oscille entre la peste et le choléra : mieux vaut-il se faire hacher menu ou s’encastrer sur un mur de pics ? Car chaque embuscade mène à une autre, si bien qu’il vous faudra comprendre par l’échec pour venir à bout des pièges retors conçus par les trois vicelards de Thirty Three games. Le jeu est composé de trois mondes, eux-mêmes subdivisés en une quarantaine de niveaux, chacun à la difficulté progressive. Les plus chevronnés auront tout le loisir de se casser les chicots pour récupérer les 1224 atomiks du jeu. Un challenge à toute épreuve pour masochistes aguerris bien entendu. Gare aux poltrons, RGJG propose également un mode speedrun avec classement mondial à la clé ou l’occasion de s’illustrer sur la planète entière entre doloristes avertis.

RunGunJumpGun

Push it to the limit

Pour couper l’herbe sous le pied des objecteurs éventuels qui argueraient de la propension aléatoire des victoires, il faut jouer pour comprendre combien toute l’expérience s’appuie sur le skill le plus primaire. La chance n’a en réalité que très peu de place ici. Si au premier abord, l’on serait souvent tenté de croire l’entreprise impossible, d’autant plus dans les derniers niveaux, la marge de progression est pourtant exponentielle. Une autre approche nous sort quelquefois de l’impasse en une fraction de seconde. Et un stage, aussi compliqué soit-il, sera – presque – un « jeu d’enfant » une fois le niveau franchi. Il faut dire que le débit est constant et RGJG manie particulièrement bien le flow des pièges et ennemis. Chaque erreur nous sanctionne par un retour à la case départ sans temps mort, ni rupture d’OST, si bien qu’une frénésie s’empare progressivement du joueur, happé par ce nouveau monde psychotropique qui s’ouvre à lui. Le timing est maître tout comme la gestion de la chute libre essentielle pour venir à bout des derniers niveaux. C’est souvent in extremis qu’on s’en sort indemne, pour peu que l’on fasse abstraction des 347 morts qui précèdent. Le total est d’ailleurs soigneusement comptabilisé sur le menu principal, de quoi narguer les fanfarons qui ont coutume de plastronner sur youtube.

RunGunJumpGun

I must break you

Ce n’est donc pas qu’une question de réflexe mais bien d’apprentissage par l’erreur, où la persévérance finit par triompher. Une fois rodé, on joue une véritable partition de maître. L’écume aux lèvres, la barbe à bave, on finit jobardement par se convaincre que ce n’était pas si compliqué après tout. L’impossible devient soudain possible d’un simple déclic, alors qu’on arrache la victoire au dernier instant, ce fameux moment d’extase sans pareil, où le joueur parvient à détrôner la machine et ses pernicieux algorithmes. Mention spéciale aux niveaux aquatiques, où l’ingéniosité est de mise. La tête à l’envers, le gameplay prend une toute autre envergure. RGJG n’est cependant jamais injuste et l’assimilation des patterns, la compréhension de ses mécanismes les plus intimes finit par porter ses fruits.

Les grognards du die and retry peuvent se réjouir, RGJG tient ses promesses. Ces trois jeunes développeurs canadiens peuvent s’enorgueillir d’avoir su intégrer l’essence de bien des ténors de l’arcade, sans tomber dans l’écueil du pastiche. Si le troisième monde est volontiers présenté comme leur itération du « temple de l’eau » par Thirty Three games, que les portails de téléportation et la gravité aquatique inversée ne sont pas sans rappeler VVVVVV, le titre parvient à chaque fois à livrer sa propre vision, son univers imprenable, où chaque stage sait se renouveler dans une surenchère constante, une invitation à l’excès qu’on ne saurait décliner.

VERDICT

RGJG emprunte beaucoup aux classiques du jeu vidéo mais parvient à en dépasser les codes élémentaires par un bon vieux melting pot des genres. Les niveaux ont beau être particulièrement succincts, aucun menu superflu ni aucune cinématique intempestive ne viennent ternir cette course folle, si bien qu’on peine à lâcher la manette, alors qu’on pensait seulement jouer un modeste quart d’heures. RGJG est une belle leçon de gameplay non assisté, qui sait aller crescendo pour ne perdre personne en route, sans jamais susciter un sentiment d’injustice. On lui reprochera peut être de ne pas proposer de combats de boss ou son OST un peu trop convenue comparée à celles de titres comme Hot Line Miami ou plus récemment l’excellent Furi. L’absence de générateur de gifs comme le permet notamment Towerfall est également regrettable. Le cas échéant, c’eut été l’occasion d’immortaliser de prestigieux moments de bravoure. Mais ce ne sont que de menus défauts remédiables avec un peu d’Aphex Twin en seconde tâche par ici et un logiciel de capture vidéo de l’autre. RGJG reste quoiqu’il advienne une ode au gameplay aussi névrotique qu’addictif, un plaidoyer en faveur de la douleur, véritable hymne à l’adresse, qui réveillera votre ludobido la plus pure. L’été sera chaud, très chaud ! Alors n’ayons pas peur de nous brûler les ailes.

Pour
  • Diablement addictif
  • OST entraînante...
Contre
  • Pas de boss
  • ...mais répétitive

Critique JV et ciné toujours prêt à mener des interviews lors de festivals ! Amateur de films de genre et de tout ce qui tend vers l'Etrange. N'hésitez pas à me contacter en consultant mon profil.

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BennJ
Administrateur
2 années

Super ton test !!!

chkops
chkops
2 années

GG !

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