Un film d’animation bluffant formellement, aussi divertissant qu’intelligent et s’adressant à toute la famille ça vous intéresse ? C’est en tous cas tout ce que l’on retrouve dans le brillant Linda veut du poulet !, qui ne démérite pas sa moisson de récompenses. Après son passage dans la sélection « ACID » de Cannes, ses prix à Annecy et maintenant son César du meilleur film d’animation, le long-métrage de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach débarque en format physique…

Du poulet pour Linda !

Linda (la voix de Mélinée Leclerc) est injustement punie pour une bague qu’elle aurait volée à sa mère, Paulette (Clotilde Hesme)… Lorsque cette dernière se rend compte de sa méprise, elle demande à sa fille ce qu’elle pourrait faire pour se racheter. Et Linda veut du poulet… Mais pas n’importe lequel ! Elle réclame le fameux poulet aux poivrons, seul souvenir qui lui reste de son papa. Problème : comment cuisiner un poulet un jour de grève générale ?

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Une promesse qui va mener ce truculent duo mère-fille au-delà de la cité qu’elles habitent, à la recherche d’une poule sacrément difficile à débusquer…

MacGuffin : poulet !

Si les MacGuffins du cinéma sont généralement d’étranges clés USB cryptées, des armes innommables ou des pierres précieuses si chères qu’elles feraient pâlir la reine d’Angleterre, celui de ce film d’animation est un simple poulet ! Exit les univers abracadabrantesques, les mondes fantastiques débordant de créatures étranges, Linda veut du poulet ! colle à une réalité tangible, et ça fait un bien fou. Et puisque nous évoquons une certaine forme de simplicité (qui ne vire jamais au simplisme !), évoquons d’emblée le style visuel déroutant et rafraichissant de ce long-métrage pas comme les autres…

En effet, sur fond de magnifiques décors dessinés par la plasticienne Margaux Duseigneur (qui a travaillé sur La Traversée de Florence Miailhe notamment), les personnages sont représentés par un simple trait noir rempli d’une unique couleur attitrée. Une manière novatrice de représenter ses personnages, leur diversité, leurs traits de caractères, permettant également des trouées virant à l’abstraction qui gardent pourtant tout leur sens grâce au code couleur ludique et immédiatement assimilé.

Film hyperactif

Si nous évoquions la quête des personnages principaux (une quête pleine de sens, une remontée autant dans les souvenirs que dans la poursuite d’une réminiscence proustienne inatteignable), il faut dire qu’elle va les mener bien plus loin que les murs de leur cité. Entre un camion de pastèques, un flic décidément zélé, une grand-mère submergée, cet introuvable poulet balade Linda et sa maman dans une course haletante faisant passer l’heure et quart du film en un claquement de doigt.

Et pourtant, malgré la simplicité que nous louions plus haut et cette durée très resserrée pour un long-métrage, Linda veut du poulet ! parvient en si peu de temps à développer autant sa question du deuil (jamais lacrymal, le film est pour autant assez poignant par instant), une galerie pléthorique de gags visuels et un discours social (sur le lien, l’intelligence collective et le partage) absolument passionnant. L’un des derniers segments, résonnant évidemment avec la question d’un État disproportionnément répressif, parvient à multiplier les couches de lectures et à ne jamais appesantir le film par un usage habile de la métaphore.  Les parents finiront par autant trouver leur compte que les enfants, chacun à leur manière…

Après un Petit Nicolas : qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? (2022) et l’utilisation de la 2D de plus en plus régulière dans les mastodontes de l’animation actuelle (Spider-Man: Across the Spider-Verse, Le Chat Potté 2 et d’autres), le haut du panier de l’animation semble encore et toujours résister face à l’afflux massif de la 3D et des effets numériques. Tout cela en retournant parfois à un aspect fait-main mettant en avant la matérialité même des techniques utilisées qui se trouve être assez réjouissant !

Reste que Linda veut du poulet ! est un indispensable de l’année écoulée et qu’il mérite largement les différentes récompenses qui lui sont tombées dessus. Un film qu’il est par ailleurs désormais possible de (re)voir sur support physique.

Pour continuer la lecture sur Linda veut du poulet ! :

Fiche technique

DVD Zone B (France)
Éditeur : Blaq Out
Durée : 73 min
Date de sortie : 05 mars 2024

Format vidéo : 576p/25 – 2.39
Bande-son : Français Dolby Digital 5.1 (et 2.0)
Sous-titres : Français

Linda veut du poulet !

Buvant les Stephen King comme la sirupeuse abricotine de mon pays natal, j’ai d’abord découvert le cinéma via ses (souvent mauvaises) adaptations. Épris de Mrs. Wilkes autant que d’un syndrome de Stockholm persistant, je m’ouvre peu à peu aux films de vidéoclub et aux poisseuses séries B. Aujourd’hui, j’erre entre mes cinémas préférés, les festivals de films et les bordures de lacs helvétiques bien moins calmes qu’ils en ont l’air.

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