Après qu’une pandémie mondiale a quasiment anéanti l’espèce humaine, des primates rendus intelligents sont devenus l’espèce dominante. Mais alors que l’ogre Disney a racheté le légendaire studio 20th Century Fox en 2019, ce Nouveau Royaume, dixième film de la saga mythique, s’est-il payé en monnaie de singe ?
Genèse simiesque
S’il y a des œuvres dont nous Français nous pouvons être fiers, La Planète des singes fait indéniablement partie de celles-ci. Roman de science-fiction rédigé de main de maître par l’écrivain Pierre Boule, publié en 1963, l’œuvre est traduite dans le monde entier suite à un succès commercial retentissant. Adapté au cinéma en 1968 par le réalisateur Franklin J. Schaffner, avec au casting l’immense star Charlton Heston, le film est auréolé de critiques dithyrambiques et devient instantanément culte. Il en sera tout autre pour le remake de 2001 réalisé par Tim Burton, dont l’accueil critique sera proportionnel à l’échec commercial du film, et qui sonnera le glas des impressionnants travaux de maquillages et prosthétiques de la saga.
Une décennie et un virage à 180 degrés plus tard, la 20th Century Fox relance la franchise en prenant le parti du tout numérique façon Avatar. Deux suites aussi impressionnantes qu’émouvantes suivront, et cette nouvelle trilogie rencontrera un véritable succès d’estime. Il faudra cependant attendre sept longues années avant que naisse une quatrième itération de cette saga simiesque.
Post Apo-calypto !
Tout commence par une séquence inattendue, les funérailles de César, héros des trois derniers films. Hommage et souvenir indélébile d’un personnage adoré du public, sa mémoire imprègnera le récit tout du long. Après une ellipse de plusieurs siècles, le spectateur fait la connaissance de trois nouveaux primates lors d’une spectaculaire chasse aux œufs. L’occasion de découvrir une nature luxuriante qui a définitivement camouflé les derniers vestiges de la civilisation humaine. De retour dans leur tribu, on y découvre le clan des Aigles et en particulier la famille de Noa, le protagoniste principal de cette histoire. Après l’attaque du village par de menaçants singes masqués, Noa, laissé pour mort, se lance à la poursuite des agresseurs et fera tout pour libérer les siens.
Si l’on s’attend peu ou proue à la même trame scénaristique que l’épisode précédent, retrouver et libérer les siens, l’histoire intègre intelligemment une quête au MacGuffin quelque peu inattendue. Mieux, le scénario n’est pas avare en rebondissements et réserve de belles surprises, en particulier pour les fans de la première heure de l’œuvre originelle. En effet, de nombreux Easter Eggs sont semés tout au long des 145 minutes, pour une potentielle suite qui raccrocherait les wagons avec le film de 68. À ce titre, le plan final convoque à lui seul toute la mythologie de la saga. Brillant !
L’arc de Noa
Croisant sur sa route le sage Orang-outan Raka et l’ambiguë personnage humain porté par la fascinante Freya Allan, le trio mené par l’ingénu chimpanzé Noa fait preuve d’une excellente alchimie. Sous leur costume de pixels, le jeu des acteurs se devine aisément et participe à l’illusion de voir de vrais singes faire des grimaces ! Les protagonistes secondaires ne sont pas en reste dans le récit, et les motivations du grand méchant restent louables. Le conflit interroge sur les dérives autoritaires, sur la falsification de textes ancestraux, et les conflits inter-espèces.
Cette fable théologique prend tout son sens lors d’un troisième acte spectaculaire, et un final doux-amer, qui laisse en suspend les motivations de chacun. Entre Dune, deuxième partie et le second volet d’Avatar, cet épisode de la Planète des Singes s’inscrit parfaitement dans les thématiques de ses prédécesseurs, surement dues à la présence du trio de scénaristes Rick Jaffa, Amanda Silver et Josh Friedman, déjà à l’œuvre sur le scénario de La Voie de l’eau.
Nouveau testament
Si le film souffre quelque peu d’un faux rythme, entre brèves séquences d’action et scènes de pure contemplation, certaines portions auraient mérité qu’on s’y attarde plus longtemps quand d’autres auraient pu être raccourcies. Mais ne vous méprenez pas, l’ensemble reste très généreux en plus d’être techniquement très solide.
Visuellement très beau, même si certains plans larges trahissent un léger manque de définition (qui donne parfois l’impression de voir des acteurs évoluer devant des fonds verts, quand bien même ils ne sont eux-mêmes pas réels). Un détail pour les puristes des VFX, car en général c’est très impressionnant, en particulier les gros plans et les expressions faciales, comme les regards des créatures confondants de réalisme. La réalisation de Wes Ball est plutôt efficace pendant les phases d’action mais n’a rien de transcendante sur les moments plus intimistes. À ce niveau là, c’est inférieur aux deux volets précédents, dirigés par le brillant Matt Reeves, qui a depuis confirmé son talent avec The Batman.
Passée depuis le rachat de la Fox dans le giron de Disney Studios, l’on pouvait craindre un certain lissage politique de l’œuvre, mais heureusement il n’en est rien. Au contraire, les équipes australiennes de la firme aux grandes oreilles ont pris soin de respecter l’essence des films précédents. Il en résulte une ambiance sombre, un propos sérieux, et d’infimes touches d’humour qui font souvent mouche et servent la narration.
La musique de John Paesano est par contre en retrait, manquant de souffle épique et d’ampleur sur des séquences clés. Heureusement, le design sonore est lui beaucoup plus convainquant et participe à l’immersion de ce qui se joue à l’écran. Pour ces raisons, nous vous encourageons à découvrir ce film sur le plus grand écran et avec le meilleur système son possible.
Critique au sang froid et féru de nouvelles technologies (VR/HFR/3D), j’adore me camoufler dans les coulisses du 7e art.
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Déjà que j’avais hâte de le découvrir… Merci pour la critique Keviguane ! 🙏
[…] licences phares sont tombées dans le giron de Disney comme Star Wars, Predator, Dead Pool, X-Men, La Planète des Singes, Indiana Jones, Avatar, Les Simpsons, etc.) Pour le meilleur ou pour le […]
J’ai trouvé ce film très bon . Visionné en BD, l’image est époustouflante et certains plans sont même proche du relief ! La VF en simple DD par contre manque un peut de pêche mais reste néanmoins correct. Content de retrouver le loup ici, je pense qu’il ce souvienne de ma participation à son ancien site.
[…] La Planète des singes: Le Nouveau Royaume, la Bible de la jungle ? par Keviguane […]