Hopeless était présenté dans la sélection Un Certain Regard. Premier long-métrage du réalisateur coréen Kim Chang-Hoon, ce long-métrage cruel révèle un thriller d’une rare noirceur. Alors que le jeune Yeaon-gyu (Hong Xa-Bin) cherche à fuir le calvaire que lui fait subir son beau-père violent, une rencontre avec l’un des barons de la pègre locale va signer son échappatoire. Mais à quel prix ?

Cannes signature 2

Impitoyable

Le cinéma coréen est connu mondialement pour son caractère jusqu’au-boutiste qui tranche avec ce curieux pays fan de K-pop où l’on dit qu’il fait bon vivre. Paradoxalement, l’irruption de la violence y occupe toujours une place centrale, fil rouge d’un monde ravagé par le cynisme. Futilité de la vie, domination intégrée et choix cornéliens sont dans la pure tradition coréenne les clés de voute d’Hopeless. Dans cette petite ville où l’individualisme règne, Yeon-gyu cherche à trouver une porte de sortie pris en étau entre un travail de serveur, un foyer étouffant et d’incessantes pressions à l’école.

Il rêve de la Hollande où l’égalité serait l’une des caractéristiques structurelles de ce pays lointain qu’il fantasme tant. La première scène du film ne laisse aucun doute quant à la couleur du film. Dans la cour de son lycée, Yeon-gyu, 17 ans, prend une pierre qu’il fracasse aussitôt sur le crâne de l’un de ses camarades de classe. En une fraction de secondes, la messe est dite et l’on sait déjà que l’espoir ne sera qu’une lueur dans la nuit noire.

Si le réalisateur confie avoir toujours voulu réaliser un film policier, lui qui fut fasciné petit (et dans un tout autre registre) par Jurassic Park, ce sont les conséquences du crime plutôt que « le crime en lui-même qui [le] captivait » depuis toujours. S’il reconnaît son inexpérience pour un premier long-métrage, celle-ci a donné lieu à un tournage aux formes spontanées, où les acteurs donnaient libre cours à leur interprétation personnelle. Le jeune réalisateur reconnaît l’influence de ses souvenirs lors d’une interview accordée à France Info :

« Enfant, j'avais observé pas mal de formes de violence dans la société, ce qui m'a influencé dans mon développement personnel même si je ne les ai pas vécues directement »

Pour que ce film ambitieux ait pu exister, l’acteur Song Joong-ki reconnaît même avoir renoncé à son cachet, ce projet lui tenant particulièrement à cœur. Dans ce rôle de leader de gang, balafré par les années (dans tous les sens du terme), l’acteur jouit d’un charisme à toute épreuve avec un regard de plomb qui rend son âme impénétrable. Pourtant il se lie d’une forme d’amitié singulière lorsqu’il décide de prendre sous son aile le jeune Yeaon-gyu. Ce dernier vit l’enfer alors que la violence de son beau-père alcoolique gagne chaque jour en intensité.

A l’instar de romans comme Sang-Chaud d’Un-su Kim où la mafia tire ses profits d’activités du quotidien comme le commerce des parasols, Hopeless cultive un même esprit de la traite de la population par l’emprise de la mafia sur de petits commerces auxquels ils promettent des prêts. Loin des jeux d’argent de films comme Casino, dans cette petite ville coréenne, c’est le trafic de motos volées qui fait florès pour mieux les revendre ensuite. Porté par un code d’honneur et une violence érigés en système de règlements des conflits comme le signe d’un gage de loyauté, la pègre ne laisse aucun répit à ses victimes. Ses caïds et petites frappes supportent eux-mêmes une structure pyramidale et ils n’ont d’autres choix que de souffrir en silence.

Dans la nuit noire, tôt ou tard va briller un espoir...

Réalisé avec élégance, Hopeless signe un quasi sans faute jusqu’à son dénouement parfois poussif, typiquement coréen dans sa démesure mais qui interroge sur les motivations légitimes de ses personnages. Si la violence porte en elle un potentiel infini, certains axes narratifs se soldent de manière brutale avec d’apparentes incohérences. Pour autant la relation qu’entretient Yeaon-gyu donne un cachet original au film.

Entre la solidarité et une forme d’amour qui dépasse les liens du sang, l’ensemble est filmé avec pudeur. Kim Chang-Hoon tisse ainsi leur union progressive avec une grande sensibilité. Malgré quelques erreurs de jeunesse, Hopeless est un thriller noir qui mérite l’attention. Cannes serait-elle le berceau d’un futur grand nom du cinéma coréen ?

Critique JV et ciné toujours prêt à mener des interviews lors de festivals ! Amateur de films de genre et de tout ce qui tend vers l'Etrange. N'hésitez pas à me contacter en consultant mon profil.

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le loup celeste
Administrateur
10 mois

Émaillé de scènes mémorables et fasciné par la mafia, ce crime drama d’une noirceur absolue connaît ses classiques. Et malgré des thématiques loin d’être nouvelles, c’est à un premier film bien exécuté et bien interprété (le casting est habité) où la violence est à fleur d’écran que nous avons affaire. Un grand cinéaste coréen vient-il d’émerger ?

Ummagumma
9 mois
Répondr à  le loup celeste

Hâte de le voir celui-ci.

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