• Testé sur Xbox Series
  • Environ 30h de jeu au compteur
  •  Environ 80% des collectables récupérés
  • Pas de divulgâchis à attendre de cet article

Troisième jeu développé par Tango Gameworks, le fameux studio de Shinji Mikami à qui l’on doit aussi les mémorables The Evil Within et Hi-Fi Rush, Ghostwire Tokyo n’a pas manqué d’intriguer à son annonce, avant de totalement tomber dans l’oubli quelques semaines après sa sortie. Proposition originale empruntant les codes de l’Open World et du First Person Shooter, tout en usant et abusant du folklore nippon, le titre possède pourtant une quantité assez remarquable de qualités, et une volonté de bien faire qui saute aux yeux. Alors que s’est-il passé ? Mais, surtout, faut-il donner sa chance à Ghostwire Tokyo ?

Du temps qu'on existait

On ne présente plus Shinji Mikami. Enfant prodige dont la carrière chez Capcom aura laissé des traces indélébiles sur l’industrie vidéoludique, encore bien visibles aujourd’hui, par le biais de licences telles que Resident Evil, Dino Crisis, Viewtiful Joe, Phoenix Wright ou encore Killer 7. Un palmarès assez fabuleux, pour qui a connu ces œuvres à l’époque de leurs sorties, ou sait observer leurs répercussions sur les parutions plus récentes. Sans Shinji Mikami, pas de Onimusha, par exemple, et probablement pas de caméra à l’épaule pour Dead Space et ses suites, si tant est que la franchise disparue de Electronic Arts ait vu le jour, d’ailleurs. Très à cheval sur le modèle nippon, fonctionnant sur une passation de connaissances et, à terme, de bâton, Mikami poursuit toutefois sa carrière relativement dans l’ombre depuis la sortie de The Evil Within, premier titre réalisé chez Tango Gameworks. Comme pour Resident Evil, il confie les rennes à une étoile montante pour la suite, restant dans les parages sous la forme d’un producteur exécutif.

C’est aussi la place qu’il occupe sur Ghostwire Tokyo, d’ailleurs, contrairement à ce qu’une communication un brin maladroite laissait à penser. On aurait aimé croire que l’on devait ce monde ouvert prenant place dans un Tokyo contemporain à une tête pensante aussi remarquable que Mikami, mais c’est finalement Keiji Kimura, déjà crédité sur God Hand, qui dirige les opérations. Au programme, un brin d’épouvante, avec un bestiaire surprenant piochant dans une partie relativement méconnue du folklore japonais ; de l’Open World empruntant à des recettes dont on commence à avoir l’habitude, notamment celle d’Assassin’s Creed (lire notre critique de AC Origins) ; et une vision un brin originale des gunfights, usant des mains du protagoniste pour envoyer divers projectiles. Une recette qui rappelle finalement, sur le papier tout du moins, tout ce que l’on a pu voir ces dernières années en matière de mondes ouverts, autant chez Ubisoft que chez Sony

Heureusement, le titre de Tango Gameworks tire son épingle du jeu en s’entourant de pas mal de petites choses qui brisent ou émoussent les défauts bien connus de ces recettes éculées. On retrouve bien un système de tours comme chez Far Cry ou Assassin’s Creed, prenant ici la forme de Toriis (ces portes de bois très typiques que vous avez déjà pu voir dans nombre d’œuvres nippones). Mais celles-ci sont nécessaires à la progression dans l’aventure (jusqu’à un certain point), puisque permettent de littéralement débloquer l’accès à de nouvelles zones. La carte est en effet englobée par une brume mortelle, à travers laquelle il est impossible de naviguer sans prendre des dégâts. On ne débloque plus seulement une myriade de petits points d’intérêt inutiles. D’ailleurs, lesdits points d’intérêt sont moins nombreux, plus subtiles, quand bien même la carte propose pas mal de choses à découvrir. L’une des forces du titre, c’est de nous laisser le choix dans notre approche du contenu annexe, tout en nous imposant une certaine linéarité dans la progression de l’histoire et l’exploration de son Tokyo dépeuplé.

Or, puisque l’on déverrouille une zone après l’autre dans Ghostwire Tokyo, et avec le contenu qui lui est associé, alors on est plus tenté de s’occuper des quêtes et autres items à récupérer avant de passer à la suite de l’histoire. Façon de faire qui impose un rythme plus lent, c’est indéniable, mais permet en contrepartie de profiter d’un environnement qui, bien qu’urbain et contemporain, se révèle bien plus dépaysant que nombre de ceux que l’on trouve chez la concurrence. Oubliez Assassin’s Creed Shadows et son Japon féodal, puisque le jeu de Tango Gameworks vous donnera dix fois plus l’impression de voyager avec son environnement très actuel. Ce qu’il doit autant à un aspect très réel, finalement, très réaliste aussi, dans une certaine mesure, qu’à un Level Design très vertical, nous laissant autant déambuler dans des rues désertes que sur les toits de buildings variés. Une approche qui rappelle, d’une certaine façon, et en beaucoup plus étendu, ce que propose le studio Arkane avec ses Dishonored (ou Prey, dont voici notre test).

Voyage au bout de la nuit

Ghostwire Tokyo, c’est l’histoire très bateau de Akito Izuki, pris au piège dans le cœur de Tokyo pendant qu’un mystérieux groupement d’individus masqués répand une brume faisant tout bonnement disparaître tout homme et femme entrant en contact avec elle. Il va devoir se lier avec l’âme d’un détective du paranormal, KK, qui lui confère quelques pouvoirs magiques, mais surtout qui est bien au courant de ce qu’il se passe et de comment l’arrêter. La suite, c’est une trame prévisible, avec un grand méchant très méchant, et un gentil très gentil, aidés respectivement par des acolytes parfaitement oubliables. S’il fallait nommer le défaut le plus marquant de ce Ghostwire Tokyo, alors ce serait sans nul doute son scénario, qui n’aide pas vraiment le joueur à s’engager durablement dans son aventure, et ce jusqu’à une fin que j’ai personnellement déjà oublié. Heureusement, le titre bénéficie d’un univers plutôt accrocheur, qui rattrape ce sérieux manquement.

Ghostwire Tokyo

Parce que, comme dit plus tôt, Ghostwire Tokyo n’hésite pas à user et abuser du folklore nippon, en orientant ses quêtes annexes autour de légendes urbaines bien connues, mais surtout en convoquant un joli casting de Yokai. Le tout en n’oubliant pas un bestiaire qui surprend, dans le bon sens du terme, avec des aspects souvent assez glaçants. Pour qui a baigné dans la culture japonaise, que ce soit via l’animation, le jeu vidéo ou encore le film d’horreur, Ghostwire Tokyo est un véritable bonbon. Ajoutez à cela son Tokyo contemporain, certainement pas reproduit avec exactitude mais tout à fait crédible, et vous obtenez un dépaysement total. Certainement plus valable pour ceux qui, comme moi, n’ont jamais mis un pied sur l’archipel. Un aspect qui, dans une certaine mesure, rappelle beaucoup la franchise Yakuza, ou Like a Dragon, qui n’est pas la dernière pour ce qui est de nous faire voyager au Japon sans quitter notre canapé ; ou encore les Spider-Man de Insomniac Games, qui nous plongeaient avec brio dans un Manhattan plausible.

L’exploration dans Ghostwire Tokyo est ainsi plus organique que chez nombre de mondes ouverts contemporains, qui garantissent une liberté d’action et de découverte sur des maps gigantesques, sans s’interroger sur la façon dont orienter le joueur pour faire perdurer son intérêt. Ici on progresse en fonction de l’histoire, ce qui nous permet de découvrir de nouveaux quartiers, composant avec de belles idées visuelles et un jeu d’ombres et de lumières très efficace. Le titre ne délaissera jamais la nuit, d’ailleurs, au cœur de laquelle ses monstres revêtent un aspect d’autant plus menaçant. Impression que le sound design, teinté de bruitages reconnaissables mais néanmoins subtils, vient corroborer. Se perdre dans les ruelles sombres, puis entendre un cri distinctif non loin, bien que ce soit le genre de petites choses qu’on retrouve souvent dans les jeux horrifiques, ça fonctionne parfaitement bien.

Mais ce que j’ai personnellement le plus apprécié dans ce monde ouvert, c’est sa manière de gérer ses collectables. Bien sûr, on trouve quelques saloperies à récupérer pour cocher une case inutile dans un classeur immense. Mais aussi des esprits et autres dossiers qui confèrent de l’expérience et des points de compétence. Ainsi, là où la recherche de collectables est, dans la plupart des Open Worlds, un simple moyen de faire grossir artificiellement une durée de vie qui, le plus souvent, n’a pas besoin de ça, chez Ghostwire Tokyo elle permet en parallèle de devenir plus puissant. De ce fait, on tombe vite dans le piège de l’addiction, à fouiller dans tous les recoins pour s’assurer de ne rien laisser au hasard, et dans l’espoir de pouvoir acquérir de nouveaux et puissants pouvoirs venant renverser la vapeur lors de prochains affrontements (un peu comme chez Breath of the Wild quelques années plus tôt, en somme). Addiction qui peut vite virer à l’obsession lorsque, passé un certain stade de l’aventure, on obtient des items permettant de deviner plus facilement l’emplacement des esprits et dossiers qui nous intéressent. Par ailleurs, si le jeu abuse d’une vision façon Batman Arkham permettant de tout voir en surbrillance dans une zone donnée (ennemis, items, collectables), celle-ci trouve son sens ici, et ne fait jamais tache.

Sanctuaire du cœur

Reste une quantité assez phénoménale de combats, certains évitables, certains impossibles à sauter, qui auraient bien gagnés à se montrer moins envahissants. Ces affrontements ne manquent pas de qualités, il est vrai, et se révèlent d’ailleurs jouissifs pendant un temps. Mais il faut reconnaître que, en dépit d’une véritable volonté de variété, entre les pouvoirs divers et les talismans permettant de modeler son approche (furtive, à distance, ou au contact), on acquiert vite la sensation tenace de faire toujours la même chose. Par ailleurs, si l’on apprécie le challenge parfois relevé, notamment dû à un choix avisé d’ennemis placés dans le même endroit nous contraignant à réfléchir notre approche ou à rester en mouvement, il faut bien reconnaître que cet étrange choix de faire de nombre d’adversaires de véritables sacs à PV surprend et déçoit. Sur la fin, d’ailleurs, même si vous avez bien fouillé les zones à la recherche d’expérience et de points de compétence, vous ne manquerez pas de buter sur certains combats, mettant parfois un peu trop de temps à se résoudre. Ce qu’on ne retrouve finalement que trop peu chez les boss qui, pour leur part, manquent peut-être un brin de challenge, et ne se graveront pas durablement dans votre mémoire.

Ghostwire Tokyo

Les sensations sont bonnes, et il faut dire aussi que l’utilisation des mains de notre protagoniste pour lancer différents pouvoirs (ce qui s’apparente finalement à un arsenal façon Call of Duty mais déguisé) apporte un petit quelque chose en plus. Il est possible de faire ressortir le « cœur » des adversaires à force de projectiles ou de coups bien placés (et plus tard d’un talisman), et de le détruire à la force du poing ou en effectuant une petite manipulation de loin, ce qui se révèle particulièrement jouissif. Toutefois, la prise en mains de Ghostwire Tokyo souffre de quelques petites choses déplorables, à commencer par une impression de flottement dans les déplacements. Impression à laquelle on se fait à l’usage, bien sûr, mais qui déroute tout de même. Mais pas autant que la caméra, étrangement saccadée, moins fluide que chez la majeure partie des First Person Shooter du marché. Un parti pris qu’on comprend assez mal, manette en mains, puisqu’il n’aide pas à viser, notamment, et peut alors être source de frustration.

D’autant que le jeu n’est pas avare en imprécisions. Certains coups ne portent pas, sans que l’on puisse vraiment comprendre pourquoi, et on gâchera parfois quelques précieuses « munitions » (chaque pouvoir fonctionnant sur un système de chargeur) en tirant sur des adversaires souvent particulièrement vivaces. Dans le même genre, un bug (du moins c’est à supposer) empêche parfois de soulever le couvercle d’une poubelle (dans laquelle récupérer de la monnaie) alors que le logo de l’action contextuelle s’affichait peu avant que l’on s’approche. Point de détail, certes, mais qui ne manque pas d’irriter passé un certain stade. Il faut dire qu’avec sa quantité massive d’ennemis sur la map, ou intervenant simplement dans les missions scénarisées, toute ressource est bonne à prendre, même quelques piécettes qui permettront de racheter talismans ou items de soin. Bien sûr on développe un sentiment de puissance à mesure que l’on acquiert de nouvelles compétences, facilitant les affrontements, mais on est loin de la courbe à pic d’un jeu Bethesda, par exemple. Même sur la fin de l’aventure, on approche les combats avec une certaine méfiance.

Reste un aspect technique en demi-teinte. Ce serait faire preuve de mauvaise foi que de dire que Ghostwire Tokyo est laid, bien sûr, et les images que vous trouverez dans cet article sont là pour vous faire acquiescer. Néanmoins, force est de reconnaître que le jeu est très loin de pouvoir être qualifié d’étalon. Il s’encombre par exemple d’effets de flou disgracieux, avec lesquels on est obligé de composer, et dans l’exécution le titre pêche par certains manquements. On appréciera les effets de particules intervenant lorsqu’un adversaire est mis au tapis, mais les explosions, la pluie, ou encore certaines textures font peine à voir. Quelques ralentissements s’invitent aussi à la fête par moments. Rien de dramatique, bien sûr, mais Ghostwire Tokyo demeure assez faible comparativement aux autres triple A en Open World de sa génération. À bien des égards, le titre semble avoir été pensé pour PlayStation 4. Quant à sa bande son, elle fait tout bonnement un sans faute, et ses doublages japonais sont irréprochables.

Imparfait, notamment via ses combats qui prennent une trop grande place dans l'aventure et ont tendance à s'éterniser un brin, ou son scénario anecdotique, Ghostwire Tokyo est toutefois une expérience mémorable. Ce qu'il doit à une adaptation plutôt efficace du folklore nippon, mais surtout à son environnement urbain étrangement dépaysant, couplé à une approche du level design conférant un vrai sentiment de liberté. À tout ceci, il faut aussi ajouter une vision du collectable rafraîchissante. Autant d'arguments qui pourraient bien rabibocher les blasés avec le genre très codifié de l'Open World.

Pour
  • Très dépaysant
  • Le flolklore nippon à l'honneur
  • Bestiaire qui fait froid dans le dos
  • Vaste map qu'on se plaît à explorer
  • Visuellement fort agréable
  • Des collectables utiles, pour une fois
  • Bande son irréprochable
Contre
  • Technique en demi-teinte
  • Scénario anecdotique
  • Combats un peu trop nombreux...
  • … et un peu trop longs sur la fin
  • Quelques imprécisions de gameplay

Hermite en devenir, depuis longtemps l'esprit égaré dans de vieux livres, j'ai échoué dans ces colonnes dans l'espoir de partager autour de mon monstrueux Backlog, ou à l'occasion de mes grands amours que sont Biohazard et le J-RPG.

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