• Jeu téléchargé via le Xbox Game Pass pour PC
  • Terminé en 42 heures
  • RTX 3060 = 4K / 60 FPS quasi-constants
  • L’univers du jeu va sacrément me manquer…

Pillars of Eternity a vu le jour en 2015, après plusieurs années d’un développement financé par environ 77 000 contributeurs via Kickstarter, pour une somme dépassant les 4 millions de dollars. Développé par Obsidian (Star Wars Knights of the Old Republic II: The Sith Lords, Neverwinter Nights 2, Fallout: New Vegas), ce jeu de rôle à l’ancienne cherchait à remettre le computer RPG sur le devant de la scène, histoire de redonner une raison de vivre aux nostalgiques de Baldur’s Gate.  Alors, mission réussie ? Oh que oui.

Les Piliers de la Terre

La mission est réussie, plus que réussie même, car Pillars ne m’a pas seulement enchanté, il m’a confirmé à quel point j’étais passé à côté de quelque chose durant toutes ces années, en appréhendant de me lancer dans le genre du computer RPG. Il ne s’agira donc pas ici de tester le titre en bonne et due forme, étant donné qu’il est sorti en 2015 et que vous savez tous déjà à quel point il a marqué son public de rôlistes velus, mais plutôt de donner mon ressenti personnel, à chaud.

Mon équipe dans Pillars aurait fait pâlir de jalousie les plus inclusifs d’entre vous : une naine archère animancienne, un prêtre pyromane schizophrène à tendance masochiste, une elfe magicienne qui afflige, un ténor invocateur, un druide animorphe au franc-parler, un nain barbare tank muet, un mage issu de la noblesse atteint d’un simili syndrome de Tourette et une clairvoyante lacératrice d’âmes.

Ces pauvres bougres, réunis par le Destin, devront apprendre à composer ensemble et à trouver un terrain d’entente pour parvenir chacun à leurs objectifs. Notre personnage principale -dont vous seul décidez des origines, de la race et des aptitudes- s’avère en effet être une Gardienne, comprendre une extralucide capable de lire les âmes des vivants ou de leurs collègues de l’au-delà, donnant lieu à des passages et des révélations sacrément glauques.

Foire à l'empoigne ou à la saucisse, appelez ça comme vous voulez mais vous conviendrez que c'est un sacré foutoir !

L’univers global de Pillars est extrêmement sombre, avec son lot de xénophobie, d’extrémisme religieux, de complots politiques, et autres génocides et crimes contre l’humanité, sur fond d’ignorance parfois et de perte de repères souvent. Certaines minorités sont ainsi considérées responsables de la vague de naissances de nourrissons sans-âmes, voués à périr dans leur berceau. Dans le titre d’Obsidian comme dans le nôtre, rejeter la faute sur un groupe bien désigné permet d’éviter la confrontation à nos propres faiblesses et à la vacuité de notre raisonnement. On se retrouve donc fréquemment à peser le pour et le contre de chacune de nos réponses lors des phases de dialogue.

Enfin, phases de dialogues ! On s’entend, le jeu étant intrinsèquement un gigantesque pavé de texte. On passe effectivement son temps à lire dans Pillars ! Que ce soit lorsqu’on parle dans le dos d’un de ses coéquipiers, quand on scrute l’âme noire d’un inconnu dans une auberge ou, tout bêtement, lorsqu’on farfouille dans une bibliothèque pour étoffer ses connaissances en biologie sur la bestiole à tentacules empoisonnés suceurs de sang qu’on a croisée plus tôt.

La perle d’Obsidian jouit d’un style littéraire à se damner et, malgré quelques coquilles ici et là, la traduction française s’avère d’excellente facture. La densité de son univers, la richesse de ses situations, la complexité des acteurs humains et divins de ce monde en perdition constituent la plus grande force du jeu, qui se paye le luxe d’offrir un final de haute volée.

Ich mach dich Krankenhaus

Pour le dernier ennemi debout, le combat se solde souvent par un lynchage en règle !

On ne fait toutefois pas QUE lire dans Pillars ! Le reste du temps, on fracasse des crânes et on ment aux crédules pour remplir notre bourse, quand on les dévalise pas dès qu’ils ont le dos tourné, pour peu qu’on ait suffisamment investi dans ses capacités de crochetage. Pas vu pas pris ! Vous pouvez aussi la jouer honnête cela dit, c’est comme vous voulez. Mes compagnons étaient d’ailleurs relativement appréciés dans le Drywood. À base de pause active et mariant intelligemment nos décisions propres avec des postures de comportement d’IA à définir au préalable et un bon vieux friendly fire des familles, les combats de Pillars sont à la fois éminemment stratégiques et un joyeux bordel.

Il faut dire qu’avec six personnages à l’écran et souvent le double d’ennemis en train de se taper dessus tous en même temps en proférant des jurons ou en récitant la dernière prophétie d’invocation à la mode, on a vite l’impression de se retrouver à une soirée raclette qui aurait mal tourné. Il faudra donc intelligemment exploiter les forces et les faiblesses de ses adversaires, dans la plus pure tradition du jeu de rôle à l’ancienne. Ainsi il existe une différence entre lacérer et perforer, entre endurance et santé, entre courage et déviation et j’en passe. Quant aux afflictions et altérations d’état, elles se comptent par dizaines. Dans ces conditions, il sera crucial de constituer une équipe variée à même de parer à toutes les éventualités, sous peine de se faire violemment laminer par une nuée de dragonnets avec les hormones en feu.

L'univers de Pillars of Eternity regorge de dangers...

À noter que Pillars prend le parti intéressant de ne pas récompenser les combats avec de l’expérience, contrairement à un Divinity Original Sin par exemple. Seule l’exploration du monde et la complétion des quêtes vous donneront du galon. Cela a pour effet vertueux d’inciter le joueur à user davantage de la ruse lors des interactions avec les PNJ, ce qui est bienvenu. Impossible enfin de ne pas évoquer les sublimes compositions de Justin Bell, qui filent toutes des frissons quand ce n’est pas carrément la chaire de poule. Rendez-vous ici pour comprendre de quoi je parle.

Épilogue

C’est pour toutes ces raisons que Pillars of Eternity m’a transcendé. Il ne s’agissait que de mon troisième computer RPG (après les excellents Divinity Original Sin 1 et 2) et c’était la première fois que j’y jouais en solitaire, la solitude favorisant la mélancolie de ce royaume imaginaire dans lequel je n’ai pourtant jamais vécu. Ce type de RPG compte maintenant parmi mes genres favoris et j’attends avec impatience Baldur’s Gate 3, que je ferai avec un ami.

Tout ça pour dire que cela faisait des années que j’hésitais à lancer Pillars, découragé à l’idée d’affronter la richesse de ses systèmes ou décontenancé à l’avance face à ses statistiques de personnages. Après m’être pris une telle baffe, je me demande maintenant combien d’autres genres j’ai ignoré par a priori, par crainte ou, disons-le, par paresse. Une chose est certaine c’est qu’il y aura un avant et un après Pillars pour moi.

Complexe mais généreux, tentaculaire mais jamais aride grâce à des tutos limpides même pour les novices, le jeu de rôle d’Obsidian se paye le luxe de remettre sur le devant de la scène un genre à la profondeur narrative qui n’a de limites que l’imagination de ses créateurs et votre propension à lire plus que de raison. Respect, donc, à la fois pour le voyage parcouru avec mes personnages, mais aussi, voire surtout, pour m’avoir rappelé de ne pas me cantonner à ma zone de confort.

Résident permanent dans la petite bourgade de Raccoon City et prosélyte du génial Rain World depuis 2017, on l'entend parfois jurer à pleins poumons lorsqu'il perd lamentablement face au singe de Sekiro à un poil de lemming près. En quête d'une 3080 depuis bientôt un an, le malheureux espère une réception de sa commande en 2022 : l'important c'est d'y croire ! Son TOC préféré ? Recenser dans un PDF tous les jeux auxquels il a joué dans sa vie.

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