Le récit dystopique d’une Suisse fasciste, chassant à vue les intolérants au lactose pour asseoir l’hégémonie de l’entreprise de fromage de son suississime leader, ça vous dit ? C’est en tous cas la promesse de Mad Heidi, le film de genre suisse de Johannes Hartmann et Sandro Klopfstein, financé par un crowdfunding international. Exit les fillettes blondinettes sympathiques, ce sont les têtes qui explosent et les rafales de fusils automatiques qui secouent les Alpes helvétiques.

Un projet de longue haleine

Premier film autoproclamé de Swissploitation, Mad Heidi a pris son temps pour germer. Début 2017, nous n’avions qu’un maigre teaser et une affiche pour donner l’eau à la bouche des potentiels investisseurs. Et ils ont été nombreux ! Finalement, c’est en effet plus de 530 personnes qui ont participé au financement participatif de ce long-métrage. Une belle co-production internationale puisqu’ils proviennent de pas moins de 19 pays différents ! Plus de 2 millions de francs suisses qui ont ainsi pu être réunis pour un projet qui se lance enfin sur les rails du tournage en 2021…

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Trash Heidi

La nuit semble avoir été courte pour Pierre le Chevrier, se réveillant pour s’occuper de son bétail aux côtés d’une Heidi les fesses à l’air. Le ton est décidément donné : irrévérencieux, trash et gore. Heidi n’a plus rien de la fillette qui se baladait au grand air des romans d’origine de Johanna Spyr. Jeune adulte, elle file désormais le parfait amour avec son chevrier. Mais malheureusement, pas pour longtemps.

Son amant se fait en effet abattre par la police du dictateur en place, à cause de ses blasphémateurs fromages de chèvre sans lactose… Une balle dans la tête et c’est réglé. Décidément, il est bien loin le temps des débats interminables sous la coupole fédérale : le commandant Knorr semble bien prompt à user de sa gâchette, et on le comprend ! Il faut dire que les membres de la police peu efficaces se retrouvent vite à manger les pissenlits par la racine…

Voilà le cadre de cet étrange revenge movie, oscillant entre geôles dictatoriales, camps d’entrainement à la lutte (naturellement) et beaux paysages montagnards. Et il fait bien évidemment la part belle aux effets pratiques et aux éclaboussures d’hémoglobine, non sans oublier de citer ses classiques.

Heidi ultra-référencée

Il n’y a pas à dire, la nouvelle Heidi ainsi créée s’intègre particulièrement bien dans l’Univers foutraque des deux réalisateurs suisse-allemands, l’entourant d’une flopée de références dont les plus évidentes sont les deux Kill Bill, les explosions de tête à la Scanners de Cronenberg,  Faster, Pussycat! Kill! Kill! ou encore certains Verhoeven comme RoboCop ou Starship Troopers évidemment. On y retrouve d’ailleurs dans le rôle de l’horrible tyran massacreur d’allergiques au lactose un certain Casper Van Dien (jouant justement dans Starship Troopers le fameux Johnny Rico), que les réalisateurs avouent avoir casté facilement.

Et des clins d’œil au cinéma bis de l’époque, dieu sait s’il y en a. Ils se glissent d’ailleurs jusque dans l’esthétique du film. Certes que le budget a bel et bien forcé à rogner de tous les côtés, y compris vers celui des effets spéciaux… Mais une bonne partie (par exemple les scènes de voiture en rear projection) sont de volontaires renvois à une époque du cinéma tant appréciée des deux réalisateurs.

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Poings liés

Alors certes, ne nous mentons pas : si les effets spéciaux parfois pétés peuvent être imputés à une volonté référentielle plus qu’à un manque de moyens, il y a tout de même des domaines où le bât blesse… L’écriture, quelquefois assez bancale, insuffle au récit un rythme boitant qui peine à prendre jusqu’à une seconde moitié qui file comme l’éclair. Mais outre cela, les doublages francophones laissent parfois franchement à désirer et cassent l’image badass d’Heidi, incarnée par Alice Lucy.

De plus, la volonté de poncer tous les clichés suisses sans en oublier un seul (l’accueil en demi-teinte des étrangers, la thématique de l’armée, les traditions culinaires…) amène inévitablement un simple survol de ces thématiques. Alors certes, il est concevable qu’il soit difficile de faire la nique aux stéréotypes helvétiques en à peine une heure trente et avec un tel budget, mais un recentrage sur un choix restreint de thématique aurait peut-être permis d’y aller plus en profondeur et de rendre, au final, une Heidi complètement Mad. Ainsi qu’un film qui aurait su gratter jusqu’au sang…

En conclusion

Mad Heidi est un film à découvrir impérativement en VO et en gardant en tête le pari fou qu’était de réaliser un long-métrage d’une telle envergure dans le cinéma suisse ultra balisé (et plutôt bien sage). Un résultat final certes en demi-teinte, mais résolument jouissif tant il ouvre une brèche qu’on espère praticable pour de nouvelles têtes du 7e art helvétique… Le début de la Swissploitation ? Affaire à suivre.

Un film visible au cinéma, en festival et en ligne, directement sur le site de Mad Heidi. Côté support physique (DVD et Blu-ray), l’éditeur français Factoris Films va le distribuer dès le 08 février 2023.

Buvant les Stephen King comme la sirupeuse abricotine de mon pays natal, j’ai d’abord découvert le cinéma via ses (souvent mauvaises) adaptations. Épris de Mrs. Wilkes autant que d’un syndrome de Stockholm persistant, je m’ouvre peu à peu aux films de vidéoclub et aux poisseuses séries B. Aujourd’hui, j’erre entre mes cinémas préférés, les festivals de films et les bordures de lacs helvétiques bien moins calmes qu’ils en ont l’air.

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Edgar Atoi
Edgar Atoi
1 année

Ça a l’air incroyable. Je vais le prendre pour le nouvel an, ça sera pas mal avec des amis 🤣

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[…] cette idée de base – nous parlions récemment de court-métrages horrifiques, du timbré Mad Heidi ou encore de différents documentaires – 99 Moons paraissait lui aussi vouloir donner un bon coup […]

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