Toute nouvelle sortie Netflix, Le Problème à trois corps est un double évènement. Non seulement il adapte l’immense succès littéraire éponyme de l’auteur Liu Cixin, mais c’est surtout le nouveau gros projet des créateurs de Game of Thrones ! C’est donc parti pour un voyage à travers les secrets (bien gardés) de l’Univers…
Sale temps pour la science
Une vague de suicide sans précédent secoue le corps scientifique mondial : jour après jour, le nombre de physiciens morts dans de troubles circonstances ne fait que grimper. En parallèle, tous les accélérateurs de particules mondiaux, de Beijing à Genève, semblent totalement débloquer : leurs mesures ne montrent plus aucune cohérence avec les lois scientifiques connues jusqu’ici… C’est dans ce contexte qu’un groupe d’amis, tous jeunes chercheurs, vont tenter d’aborder le problème le plus rationnellement possible.
Ils ne vont pas pour autant être épargnés… L’une des jeunes femmes du groupe, Auggie (Eiza González), brillante chercheuse en nanoparticules, voit un menaçant compte à rebours s’imprimer au-dessus de son champ de vision, tandis qu’une de leurs professeurs se suicide également. Plus étrange encore, de mystérieux casques de réalité virtuelle offrant une expérience de jeu à couper le souffle (qui semble aller bien au-delà des capacités techniques actuelles) apparaissent à leur domicile. Ils comprendront à leurs dépens qu’il font partie d’une machination bien plus ample qu’ils ne pouvaient l’imaginer, dont les racines s’étendent à travers le globe (et peut-être même au-delà).
Science-tension
Disons-le d’emblée, Le Problème à trois corps n’aura guère de peine à prendre son spectateur au collet : ambiance mystérieuse à souhait, concept de hard-SF assez brillamment introduit, recherche d’un ludisme constant, tout est mis en place pour que l’univers déployé dans cette nouvelle série soit captivant… La superposition de ces propositions SF à une plus conventionnelle enquête policière menée par un flic bougon interprété par Benedict Wong (un habitué des Marveleries, qui a également passé des têtes dans Annihilation, Prometheus ou encore Sunshine pour ne citer qu’eux) permet d’offrir une multiplicité de points de vues plutôt convaincante.
Le Problème à trois corps, une série parfaite ? Non, pas vraiment… Car si son efficacité n’est pas discutable, niveau mise en scène la nouvelle proposition de Netflix restera bien trop longtemps au ras des pâquerettes. En effet, ses premiers épisodes installent son intrigue à coup de champ/contre-champ assez bavards, bien peu stimulants visuellement. Il faudra alors attendre qu’une question de réalité virtuelle émerge (amenée par ces mystérieux casques dont nous parlions plus haut) pour que Le Problème à trois corps s’offre enfin quelques frasques formelles !
Ready Player One à la sauce Wachowski
Et pour le coup, la série fait un choix surprenant… En effet, toutes les séquences de “jeu-vidéo” seront majoritairement tournées avec la technique du StageCraft (une évolution de la bonne vieille “projection arrière”, technique vieille comme le cinéma qu’on retrouve par exemple notoirement dans La Mort aux trousses d’Hitchcock, voir vidéo ci-dessous). Une technologie déjà mise à mal et bien peu convaincante dans une autre série Netflix toute récente, Avatar: The Last Airbender.
Devenue récurrente dans le tournage actuel et permettant aux acteurs de voir directement l’environnement qui les entoure contrairement au fond vert, son application dans Le Problème à trois corps déroute… En effet, chaque plan où la technique apparait saute aux yeux, l’éclairage des scènes en question est plus que douteux et la notion de profondeur toujours écrasée. On devine, vu les gros moyens déployés par la série, qu’il s’agit sans doute d’un choix conscient des showrunners – sans doute pour démarquer ce registre d’images de “réalité virtuelle” de la réalité tangible. Il n’en reste pas moins que leur facture demeure plutôt douteuse…
Il n’empêche, ces segments pas toujours convaincants visuellement offrent de véritables belles idées. Entre la construction d’un ordinateur humain assez imaginative, des jeux avec la gravité ou des séquences bien crades de déshydratation de personnes (la série se permet des embardées aux lisières du gore assez étonnantes), les parties “jeu-vidéo” du Problème à trois corps parviennent à intéresser par leur inventivité. On pense parfois évidemment au travail des Wachowski, qui outre les thématiques abordées, offraient avec Sense 8 une série science-fictionnelle chorale dont l’influence transpire dans cette nouvelle production Netflix.
Game of space
La série a de beaux moments à nous offrir et saura monter en gamme d’épisode en épisode (cette première saison en compte huit, d’environ une heure chacun). Dur de développer sur les détails de l’intrigue sans passer par d’inévitables spoilers, mais contentons nous d’affirmer que Le Problème a trois corps saura explorer plusieurs concepts théoriques de SF assez passionnants tout en se permettant de véritables morceaux de pure action bien convaincants. Mieux encore, la série ne s’enfermera pas dans une surenchère de mystère à la Dark, se construisant en millefeuille d’intrigues venant se compléter les unes les autres pour tenter de tenir une cohérence bientôt indigeste. En effet, Le Problème à trois corps saura déployer ses mystères tout en les soutenant de manière plutôt convaincante et en répondant rationnellement aux nombreuses interrogations soulevées au cours du récit. Autre bon point, la série fait un usage salutaire du hors-champ alors qu’elle aurait facilement pu se casser les dents à vouloir trop en montrer…
En quelques mots : imparfaite mais intrigante. Et si tout cela souffre des problèmes inhérents au format sériel actuellement (trop de longueurs, surenchère de cliffhangers, volonté d’étirer l’intrigue, plan étalon basé sur un champ/contre-champ trop répétitif pour être attirant), Le Problème à trois corps a le mérite d’adapter assez brillamment son matériau de base et d’en faire une série stimulante et accrocheuse, en tous points différente du précédent succès de ses créateurs, Game of Thrones. Affaire à suivre !
Buvant les Stephen King comme la sirupeuse abricotine de mon pays natal, j’ai d’abord découvert le cinéma via ses (souvent mauvaises) adaptations. Épris de Mrs. Wilkes autant que d’un syndrome de Stockholm persistant, je m’ouvre peu à peu aux films de vidéoclub et aux poisseuses séries B. Aujourd’hui, j’erre entre mes cinémas préférés, les festivals de films et les bordures de lacs helvétiques bien moins calmes qu’ils en ont l’air.
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Cette série m’intrigue autant qu’elle me fait peur. C’est un bon acteur John Bradley mais son rôle dans la série Games of Thrones m’avait donné de l’urticaire à force. ^^ Je me laisserai peut-être tenté ! Merci pour le retour !
Ah oui, du coup je le trouve beaucoup plus irritant dans le Problème à trois corps ^^ mais c’est surtout son personnage qui veut ça j’ai l’impression ici…
Ah oui, merde alors ? ^^ Le pauvre, ça doit pas être évident les rôles de relou. ^^