• Testé sur PS5.
  • Jeu acheté.
  • Aventure expédiée en 30 heures montre en mains. Nous avons volontairement ignoré les quêtes secondaires.
  • Le testeur n’est pas un “fan” de la franchise, mais a déjà parcouru plusieurs opus de la série. En revanche, c’est un fervent amateur de beat’em all 3D.
  • Captures maison.

Faut-il encore présenter la prolifique franchise de Square Enix ? Un nom qui résonne aux quatre coins du globe depuis plusieurs décennies maintenant. La sortie d’un nouvel opus numéroté est, à n’en pas douter, un événement pour une partie du public. Gage de qualité, la licence rime aussi avec développement compliqué. Le dernier épisode en date, Final Fantasy XVI, fait pourtant mentir les statistiques avec une gestation sans difficulté notable. Si ce n’est l’obligation, implicite, de réaliser un jeu différent de ses prédécesseurs, mais pas moins ambitieux. Une direction que ne cesse de suivre Square Enix avec la série, sans en trahir l’essence. Revenons donc sur les ambitions de ce seizième opus, et sur l’échec de la démarche.

Michael Bay Fantasy

À l’aube de l’année 2015, le président de Square Enix, Yosuke Matsuda, proposa la réalisation du seizième épisode de la franchise à Naoki Yoshida, fraîchement célébré pour son travail sur Final Fantasy XIV, littéralement sauvé d’un échec cuisant. Une décision légitime, même si l’on est en droit de penser que l’indisponibilité des équipes de Yoshinori Kitase, déjà occupées sur le remake des aventures de Cloud, dut peser dans la balance. Cependant, Yoshida déclina le poste pour le confier à Hiroshi Takai, afin d’honorer ses responsabilités vis-à-vis du MMO dépendant d’un suivi sur le long terme.

Naoki Yoshida supervisera la direction globale de l’œuvre et répondra au poste de producteur, en plus d’avoir rassemblé l’équipe créative. Dans un premier temps, un groupe restreint de personnes s’attelait au scénario, aux recherches esthétiques et au gameplay. L’objectif était de raconter une histoire plus mature à destination des fans ayant grandi avec la franchise. En connaissance de causes, il laissa la rédaction de l’histoire et des principaux axes du game design à Kazutoyo Maehiro – aussi coréalisateur.

Ce dernier, à l’instar du directeur artistique Hiroshi Minagawa, (Final Fantasy Tactics, FF XII, Vagrant Story) collabora par le passé avec le talentueux Yasumi Matsuno. Un game designer et scénariste habitué des histoires plus « adultes » , et dont le travail touche particulièrement Naoki Yoshida. Du beau monde de réunis pour une gestation assez longue, les renforts humains n’apparaissant qu’en 2019. C’est durant cette période de recrutement que circule une rumeur : le prochain Final Fantasy lorgnerait vers de l’action pure. L’information ira jusqu’aux oreilles de Ryota Suzuki.

Le monsieur s’est fait un connaître en participant à la confection des systèmes de combats sur Dragon’s Dogma ainsi que Devil May Cry 5. A en croire plusieurs interviews, Suzuki partagea toute son expérience acquise au sein de Capcom et transcenda les équipes de Square Enix moins expérimentées dans le domaine. Force est de constater que, manette en mains, le résultat fonctionne et convainc. Naoki Yoshida souhaitait un système de combat accueillant pour les joueurs peu coutumiers de ce type de gameplay. Exit la complexité et la profondeur d’un DMC. En revanche, la richesse s’avère suffisante pour s’apprécier le temps de l’interminable aventure, malgré un challenge trop faible pour en exploiter le potentiel, entre autres défauts, mais nous y reviendrons plus loin.

Le dîner de cons

Comme expliqué, un petit comité œuvrait d’abord dans l’ombre sur le projet Final Fantasy XVI. L’idée était de garantir une direction et une vision commune, sans s’éparpiller, ce qui devenait inévitable à mesure que des personnes s’ajoutent au processus créatif. Il fallait d’abord solidifier les fondations principales. Des fondations principales, le scénario et le gameplay, autour desquelles le game design va se modeler. C’est également les deux éléments relevés par Yoshida, lorsqu’il éplucha les réponses d’un sondage effectué auprès des fans du monde entier.

Selon ses dires, la meilleure façon de raconter une histoire et de retranscrire une expérience voulue cinématographique, repose sur la linéarité. Le game designer ne se prive pas de rappeler l’échec, sur le plan narratif, du quinzième volet mettant en scène Noctis. Le monde ouvert ne permettait pas l’engagement attendu – chose que l’on remarquait déjà dans le MGS V de Kojima et ses équipes. D’où le choix d’une aventure linéaire pour Clive Rosfield et d’une main mise prononcée sur le rythme.

Yoshida évoque également le désir de fusionner film et jeu vidéo par souci d’immersion, et sans doute pour suivre une vision constamment défendue par Hironobu Sakaguchi, le papa de la franchise. Les influences, tant narratives que ludiques, sont omniprésentes dans cet épisode, au point d’être souvent trop explicites. Que ce soit Game of Thrones, The Last Remnant, Shingeki no Kyojin ou encore des Kaiju-Eiga (films mettant en scène des monstres géants), les emprunts peuvent sembler grossiers.

En outre, bien que le ton mature se dessine assez vite, il est aussi subitement évacué sans que l’on sache pourquoi. À la place, l’accent est mis sur une romance maladroitement narrée et plutôt immature. Constat similaire pour la dimension politique et les multiples intrigues de cours qui nous sont vendues par le récit. Final Fantasy XVI souhaite hybrider cinéma et jeu vidéo pour un résultat presque consternant….

Talk them all

L’histoire se laisse languir pour finir par décevoir. Les sujets les plus intéressants, comme la dimension politique pourtant esquissée lors de courtes scènes, ne seront jamais approfondis. On parcourt l’aventure en une trentaine d’heures, et ce sans s’occuper des quêtes secondaires, pour subir une aventure fragmentée, qui passe à côté du meilleur. Les chutes de rythme nuisent à l’expérience et la narration est tout bonnement affligeante. C’est à peine plus ambitieux que Final Fantasy XIII. La carotte narrative est vaine, l’intérêt n’étant que la vue d’un spectacle de Kaiju qui, de surcroît, tend à nous déposséder de Clive, compliquant notre attachement au personnage.

Si la première confrontation digne d’un kaiju eiga fait son effet, toutes ne seront pas aussi impressionnantes. La cause étant l’existence de Bayonetta 2 et 3. Et autant le dire de suite, pour qui a joué à ces deux titres, la comparaison avec Final Fantasy XVI fait mal. L’exubérance dont fait preuve Square Enix ici finit par desservir le sérieux revendiqué par son univers. En plus d’afficher l’échec d’une ambition filmique qui explose en plein vol. Parce que la narration du soft est insupportable et ne passe qu’essentiellement par des dialogues.

L’écriture de ces derniers a par ailleurs connue de meilleurs jours dans la franchise : beaucoup de personnages n’ont rien d’intéressant à dire mais ne se privent pas d’en rajouter, et la plupart des principaux acteurs du récit manquent de profondeur. Le jeu prend d’ailleurs un malin plaisir à nous faire perdre notre temps, comme avec les incessants allers-retours d’un PNJ à l’autre. Cela peut durer plusieurs minutes. Parfois, il faut carrément se barrer dans un autre endroit de la map – on repassera pour la cohérence narrative sur ce point précis – et marcher pendant 600 mètres. En réalité, Clive court, mais vu sa vitesse, c’est laborieux… De surcroît, il est incapable de sauter au-dessus de 30 centimètres. Le tout avec un indicateur d’objectif impossible à retirer malgré la linéarité du titre.

Même quand les zones sont un poil plus vastes, rien n’incite à l’exploration. Rien à trouver, tandis que les affrontements n’abondent pas non plus. On passe bien plus de temps à « courir » dans tous les sens et à discuter de futilité plutôt qu’à se battre. Seule la fin du jeu renverse un peu la tendance. Fort heureusement, visuellement le soft sait régaler. Il n’est pas rare de s’arrêter un instant pour contempler l’environnement. Le souci, c’est que Final Fantasy XVI en a conscience et en abuse. Perdre du temps inutilement est une prouesse de cet opus ! D’autant plus pour un titre ouvertement orienté beat’em all. Car, même si FF VII Remake ne se fait pas prier, l’écriture – personnages comme univers – aident à l’acceptation. Et puis, la carotte scénaristique est à la hauteur.

House of Kaiju

Ce n’est pas le cas ici. Final Fantasy XVI ne peut pas se vanter de proposer une intrigue engageante. Outre les soucis de narration qui font mal à l’ensemble, le traitement de la galerie de personnages n’offrent pas suffisamment de consistance pour nous toucher. Malgré ce que traverse Clive, l’intrigue est cousue de fil blanc et l’impact émotionnel absent. Sans parler du manichéisme omniprésent, ainsi que les thématiques sociales et géopolitiques malheureusement évincées. Il n’y aura guère que les superbes partitions musicales de Soken, dont certaines furent composées en duo avec Nobuo Uematsu, pour nous toucher.

L’imposant lore imaginé par les scénaristes confirme le soin apporté à l’écriture du world building (par ailleurs accessible à tout moment de l’aventure). A défaut de nous impliquer et de proposer des personnages convaincants, Yoshida et ses équipes réussissent à présenter efficacement les enjeux dramatiques. Pourtant, la démarche du studio nous échappe, car peu de choix fonctionnent. La proposition de Square Enix sent le pot pourri et affiche un retard d’une décennie sur des aspects de son game design. Le public plus occasionnel pourra sans doute y trouver quelque chose, notamment via l’univers dépeint, quoique.

Final Fantasy XVI atteste d’une stagnation, d’une ambition discutable, à mille lieux des tentatives sur FF VII Remake et/ou Rebirth. Quant aux affrontements de kaiju ponctuant l’aventure, difficile de les oublier. Non pas qu’ils soient mémorables, nous avons déjà joué à Bayonetta, mais les studios ont littéralement tout misé lors de ces séquences. La réalisation est salutaire, le spectacle visuel et pyrotechnique déployé nous réveille de notre torpeur. 

Quand le jeu nous laisse incarner une créature, on s’amuse un temps dans des confrontations rapidement bordéliques. En revanche, la déception apparaît lors des meilleurs moments d’un affrontement de boss. Les folies visuelles et dragonballesques sont, tristement, entrecoupées de QTE lamentables. Aucun enjeu dans leur réalisation (la marge d’erreur est outrageusement permissive), on se contente de marteler deux touches. Tout le temps. Tout le temps. God of War III et surtout Shenmue faisaient mieux.

Square Enix May Cry

Le grand maître du QTE, Asura’s Wrath, est clairement convoqué. Cela dit, la comparaison ne fait qu’appuyer le ridicule de la proposition de Square Enix. Se contenter de cinématiques ordinaires semblait plus judicieux. Les QTE abondent et n’intéressent pas, aucune aspérité ludique n’est envisagée. Pourtant, les combats de boss, structurés en plusieurs phases distinctes, tentent intelligemment de renouveler le gameplay et convoquer l’épique. Dommage que Bayonetta 3 fasse mieux et que la référence soit trop évidente, une fois de plus. Final Fantasy XVI se fournit sans vergogne chez la concurrence, mais néglige la digestion.

Ce seizième épisode montre toute sa fragilité. L’essence est là, on la ressent. Nous savons que nous jouons à un FF. Cependant, les modèles susmentionnés apparaissent comme singés, ni plus ni moins. Pour des joueurs avec quelques années de jeux au compteur, Final Fantasy XVI ne fera qu’accumuler les déceptions et le déja-vu. Le système de combat n’est pas épargné. Sans exiger une richesse excessive, avoir un minimum de complexité et nous inviter, via une mécanique, à expérimenter le gameplay aurait dû prévaloir. Le spam est donc de rigueur, qui plus est au vu de la propension du jeu à balancer des sacs à PV.

Sac à PV qui ne sont rien de plus, car l’IA n’est pas très agressive et les patterns sont peu élaborés, en plus d’être répétitifs – au même titre que le bestiaire d’ailleurs. Si seulement un système de faiblesse élémentaire existait. A fortiori, quand Clive manie un arsenal élémentaire… Mais non. Seuls les habitués de beat’em all ou les joueurs ne supportant pas la répétitivité des combats tenteront des combos créatifs afin de rompre la monotonie. La seule gratification sera le plaisir personnel. Et puis, plus vous aurez de compétences, plus les explosions élémentaires envahiront l’écran jusqu’à créer de la confusion.

La caméra s’en sort relativement bien comparé à la concurrence. Néanmoins, la lisibilité est infernale. Il y a beaucoup trop d’effets visuels et de fioritures absurdes. Cela gâche le plaisir de jeu et, parfois, des cinématiques pourtant impressionnantes en pâtissent. Le summum de ce chaos visuel étant le boss final, tout simplement ridicule. Final Fantasy XVI, c’est du grand spectacle, un blockbuster qui n’hésite pas à surenchérir plus que raison, au risque de dénoter avec son sérieux affiché. Et si les grands moments de l’intrigue sont soigneusement mis en scène, les autres sont ouvertement délaissés. Trop de choix de game design soulignent les errances criantes du soft. Et nous n’avons pas parlé du bestiaire limité ni du rythme d’acquisition aberrant des nouvelles armes.

L’épique est là. Soken est là, mais le projet sonne creux et déjà vu. À croire que Final Fantasy XVI brille davantage dans la douleur d’un développement. Parce qu’en définitive c’est l’impression d’un projet bâclé qui reste en tête, malgré des ambitions de réalisation louables et une incursion dans le beat’em all appréciable. Et si la partition demeure honorable, compte tenu de la triste concurrence offerte par les AAA , elle témoigne d’une franchise en perte d’éclat et qui devrait sérieusement remettre en question sa vision de la narration dans le jeu vidéo. L’opus n'égale même pas un FF XII ou XIII sur cet aspect, un comble pour une franchise réputée pour l’écriture de personnages et ses histoires impactantes.

Pour
  • Un gameplay sauce DMC à la fois solide et fonctionnel
  • Les musiques de Soken sont excellentes
  • Le jeu sait en mettre plein la vue
  • Une réalisation au top
  • Les combats de boss ponctuent efficacement l'aventure
  • Un lore travaillé
Contre
  • L'histoire est inintéressante, et les thématiques les plus pertinentes sont évincées
  • Une écriture globalement discutable, notamment les dialogues
  • Narration dépassée, voire catastrophique
  • Galerie de personnages sous exploitée et peu attachante
  • Des soucis de rythme et une aventure qui s'éternise
  • Quêtes annexes futiles (d'où notre snobisme)
  • Challenge inexistant et mécanique RPG inutile
  • La cadence d'acquisition des armes est aberrante
  • QTE ridicules et ennuyants
  • Lisibilité régulièrement mise à mal par des excès de pyrotechnies
  • Les nombreuses références sont grossières

Scribe ninja échappé de l’île de Shang Tsung et vivant maintenant sous perfusion de films, il est possible de m'apercevoir sur le dos de Falkor alors que je parcours les mondes imaginaires en quête d’une catharsis ou d’une inspiration. On dit de moi que je suis constamment guidé par les valeurs martiales héritées de ma jeunesse dans le Jiang hu.

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[…] tendance est plutôt aux mondes sombres et aux univers de Dark Fantasy poisseux (on vous renvoie à notre article sur Final Fantasy XVI), proposer un environnement coloré faisant la part belle à une végétation lumineuse et […]

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[…] extravagance et son culot. Une soupe qui se tient et brille de mille feux, à l’inverse d’un FF XVI incapable de s’affirmer ou d’honorer ses influences, comme nous le disions dans notre papier […]

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