• Testé sur Nintendo Switch
  • Jeu acheté
  •  Nous avons tabassé du monstre durant 20 heures, en prenant notre temps. Nous avons terminé l’aventure une première fois, réalisant la majorité du contenu annexe, avant de la relancée dans la difficulté supérieure.
  • Le rédacteur connaît bien la licence, tandis que la franchise DMC fait partie de son identité.
  • Captures maisons (pour diverses raisons techniques et personnelles vous trouverez un mix de captures provenant de plusieurs jeux Bayonetta.

S’il y a bien un regret à avoir quant au sauvetage de la licence par Nintendo, c’est son caractère exclusif. La dépendance à la puissance limitée des consoles de la firme pose également problème. Après un deuxième épisode complètement déjanté, mais financièrement saboté à cause d’une exposition sur Wii U, suivirent huit années de silence. Presque une décennie s’écoulait avant que la célèbre sorcière de l’Umbra refît parler d’elle. Un retour effectué fin 2022 avec la parution du tant espéré Bayonetta 3. Un troisième opus venu bousculer une Nintendo Switch que l’on ne pensait pas capable de soutenir autant de folie et d’ambition. Parce que, oui, le troisième épisode fait valdinguer toutes les certitudes sur la licence, comme celles sur le medium. Au point qu’on en arrive à se demander ce qu’est réellement la licence en définitive. La réponse se trouve peut-être là, dans Bayonetta 3. Ou peut-être pas.

Quelques mots sur un piano

Afin de mieux comprendre notre position sur ce titre, il convient d’aborder les deux premiers opus ainsi que Devil May Cry dans une moindre mesure. Alors que DMC ne cesse de pérenniser une formule qui l’a en partie enfantée, la perfectionnant constamment, Bayonetta expérimente. Les aventures de la sorcière renouent avec un amour bien plus « jeu vidéo », dirons-nous, qui a toujours guidé Hideki Kamiya, son géniteur. Bien qu’on lui doive la création de DMC, l’oeuvre s’est bâtie malgré lui en suivant un univers gothique aux relents horrifiques (prototype Resident Evil 4 oblige). Puis, elle a grandi sans lui, notamment grâce à l’investissement d’Hideaki Itsuno et de son travail sur l’épisode 3.

Titre de la diapositive
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Itsuno a su redéfinir l’identité de la série, en plus de la sauver d’une potentielle mort. Débarqué en fin de développement sur le deuxième volet pour sauver les meubles, il décidera d’imposer un nouvel opus afin de ne pas enterrer la licence et de soulager un ego profondément touché. Le gros du travail sera fait sur l’écriture et l’exploitation du lore, en atteste la direction prise depuis Devil May Cry 3 (Itsuno est toujours aux commandes de la série). À ce titre, le scénariste et romancier Bingo Morihashi s’est occupé du scénario de ce DMC, puis scénarisera plus tard Bayonetta 2. Cette digression nous semble nécessaire pour comprendre les origines de la sorcière. Car sans Dante, pas de Cereza.

À ce sujet, Hideki Kamiya parle d’une évolution. Une évolution ludique, sur le design de l’action précisément. Ainsi, d’un opus DMC à un opus Bayonetta, malgré des équipes différentes à l’œuvre, l’inspiration est à chaque fois notable. PlatinumGames aurait pu s’occuper des deux licences et nous y aurions vu que du feu. Les deux faces d’une même pièce et qui grandissent en parallèle. Une saine concurrence qui pousse tout le monde vers le haut. Nous en voulons pour preuve que le créateur de Dante confessa avoir rejoué à DMC 4 pour trouver l’inspiration. Il suffisait de parcourir le premier Bayonetta pour s’en convaincre. L’ambiance lumineuse et surtout le bestiaire angélique sont fortement inspirés par le travail de Capcom.

Le game designer avoua également que la démo du titre de Devil May Cry 4 impressionna le staff de PlatinumGames. Au point de revoir leurs ambitions à la hausse. Bayonetta est clairement le penchant lumineux de la licence menée par Itsuno. Si l’humour a toujours irrigué les aventures du chasseur de démons, la sorcière pousse les potards à fond jusqu’à nous dévoiler un ton bien moins sérieux. Pas d’enfantillage pour autant, ni de laisser aller (pour ne pas dire déviance, sans que cela soit un jugement), comme dans un Onee Chanbara ou un Lollipop Chainsaw. En 2009, Bayonetta avait pour thème la sensualité et Cereza en était la parfaite incarnation.

Certains l'aiment chaud

Sur cette base, Mari Shimazaki imagina le design de l’héroïne, reconnaissable à ses poses sexy, sa démarche excentrique et sa tenue faite de ses propres cheveux. Sa chevelure improbable étant la source de son pouvoir, les attaques sadiques ou les invocations la mettront souvent à nu. Sans outrage ni déviance discutable (même si, en l’état, les qualités de la série auraient contrebalancé la chose, à la différence des deux titres mentionnés précédemment). De toute manière, la mise en scène ne perd jamais de temps pour s’attarder sur l’action, coeur de l’expérience. Mais Bayonetta reste sensuelle. Quand pose sexy il y a, ce n’est jamais gratuit. Ce n’est qu’une façon d’exprimer une thématique, d’affirmer une féminité.

Une expression selon certains clichés, certes, mais un cliché n’est pas nécessairement problématique – son usage peut l’être en revanche. Ces considérations en tête, voir Cereza exécuter des pas de danse, régulièrement, ne sera pas dénué de sens. L’abondance de références à l’Italie n’est pas sans convoquer la séduction, tandis que les danses présentées sont toujours en provenance de l’occident. Et ce n’est pas un hasard. Les danses traditionnelles au Japon ne se basent pas sur les mêmes codes. Dans leur culture, la pudeur est de rigueur et les corps sont généralement dissimulés sous du tissu, les mouvements sont plus lents et ancrés au sol. Chez les Occidentaux, les corps sont le plus souvent peu vêtus, les formes comme la peau sont apparentes et les mouvements plus rapides, voire aériens. Bayonetta se réapproprie les danses occidentales pour servir sa sensualité. Il en va de même pour le sang représenté par des pétales de roses, dont les épines rappellent la puissance et le caractère de la sorcière.

Le premier opus n’était finalement qu’une mise en bouche, l’oeuvre se concentrant avant tout sur le système de combat. Quant à sa suite, ce sera plus fou : l’identité devait s’affirmer davantage. L’expérience du deuxième volet est telle qu’elle fait passer tout jeu vidéo pour un échec ludique cuisant tant le côté over the top détonne dans le medium. De surcroît quand c’est l’apanage d’une licence comme celle-ci. Qui a déjà vu plus dingue que Bayonetta 2 ? Peu de gens, sans doute. Pourtant, l’épisode 3 veut aller encore plus loin dans l’exubérance, faisant preuve d’une générosité excessive à laquelle on ne pourra que pardonner moult décisions discutables.

Le pire étant la nouvelle héroïne, Viola… Nous reparlerons de cette jeune femme qui, autant sur le fond que la forme, n’a que peu à offrir. Ne nous éparpillons pas et tentons de faire preuve d’un peu de clarté, même si, sur ce point, la licence est maladroite, ou les devs s’en contrefoutent, le doute est permis. Enterrons donc les clous du cercueil narratif de suite. Peut-être que pour vous c’est évident : Scénario et Bayonetta semblent incompatibles. Ce n’est pas forcément faux. Après tout, ce n’est pas pour l’histoire que l’on retient la série. Néanmoins, quelques personnes, à l’image de l’auteur de ce papier, trouvent que jouer sans contexte ni but rend une expérience moins engageante

Nous préférons un Mario dans lequel le plombier moustachu désire accomplir un simple objectif (sauver Peach), sans avoir de message particulier à véhiculer, plutôt qu’une aventure sans aucune motivation ni contexte. Cela donne même de l’épaisseur à un univers, de la cohérence à un ensemble, de surcroît si narration et gameplay résonnent. Un lore peut émerger, puis se construire au fil du temps. À défaut de s’en sortir convenablement, la faute à une narration compliquée ne dévoilant tous ses enjeux que sur la fin, Bayonetta premier du nom permettait d’apprécier l’écriture propre à Kamiya

Demolition Woman

Bayonetta le montre, particulièrement le 3 : le scénario n’est pour le bonhomme qu’une manière d’apporter une âme à l’univers du jeu, autant que de justifier des idées de gameplay. Au lieu de bêtement les implémenter sans cohérence. Seuls les personnages comptent un minimum, en atteste Cereza qui jouit dès le départ d’une personnalité affirmée. Elle est bien mieux caractérisée que bon nombre de héros et héroïnes de jeux vidéo. Les tentatives pour approfondir le personnage sont parfois maladroites, mais louables. Ce n’est pas seulement pour sa plastique et ses poses sexy que la sorcière est populaire. Ne négligeons pas sa caractérisation efficace, avec son ton irrévérencieux et sa nonchalance naturelle. Un caractère qui transparaît également dans sa gestuelle singulière.

Pour ceux qui souhaitent redécouvrir l’intrigue du premier volet avec une narration fonctionnelle, nous vous recommandons le visionnage de l’OAV sorti en 2013, Bayonetta : Bloody Fate. Bien qu’apportant de légères variations sur l’intrigue, le film retrace l’histoire de manière plus limpide que le jeu. Quoi qu’on en pense, Bayonetta a bien un scénario, pas inintéressant de surcroît. À condition de bien comprendre dans quoi on met les talons, bien entendu. Et ce n’est pas dans une oeuvre qui souhaite passer un message précis, aucunement. Elle ne prétend pas vouloir le faire non plus. Et puis, mauvaise histoire ne rime pas forcément avec mauvais personnage. Or, toute bonne histoire débute avec des personnages réussis, ce qu’est Cereza.

Sans perdre la philosophie Bayonetta centrée autour du gameplay, le deuxième volet parvenait à exploiter comme il faut cet univers finalement plus riche qu’on le pensait de prime abord. Sans revêtir l’épaisseur et l’attrait de celui de DMC, ni prétendre être plus qu’un jeu vidéo destiné à nous divertir. L’univers ici dépeint mérite l’attention et l’épisode 2 tentait de le prouver. La présence de Bingo Morihashi y était probablement pour quelque chose, comme l’absence de Kamiya au scénario et à la réalisation (il ne sera que producteur). On notera également une amitié avec Jeanne fort appréciable, écho à la rivalité Dante-Vergil, ou celle opposant Trish et Lady, puisque, comme ces dernières, les deux sorcières ne sont pas ennemies.

Pourtant, Bayonetta 3 décide de démolir une partie du travail narratif réalisé. Les ébauches de lore sont évacuées pour, non pas arrêter de conter une histoire, mais plutôt s’embarquer dans un multivers indigeste. Au moins, cela apporte une singularité à chaque sorcière, et donc à chaque jeu, le multivers attestant de leur différence (nous n’incarnons pas la même Cereza à chaque fois). Une pirouette destinée à justifier des décisions d’écriture douteuses. Autant que de justifier les variations dans le game design d’un titre à l’autre. Cela explique pourquoi ce troisième opus peut s’apprécier sans avoir terminé les précédents, même si c’est toujours mieux d’appréhender la série dans sa globalité.

Hamgurger film sandwich

Quand le premier jeu se veut combat pur et dur, reprenant à son compte l’exigence et la richesse d’un DMC, malgré un effort sur l’accessibilité, la suite se montre déjà moins technique. La réduction de la difficulté, l’ajout de compétences trop puissantes, rendent l’expérience plus abordable mais, sur le long terme, le gameplay perd en profondeur. Bayonetta 3 suit le mouvement et enfonce davantage le clou en reniant des fondements. Le jeu est relativement facile en mode normal en comparaison de ses aînés. La fenêtre d’esquive est moins permissive que dans le 2, certes, malheureusement l’aventure est souvent trop simple. La faute, entre autres, à l’omniprésence des coups surpuissants.

Le pire étant les invocations de Kaiju dévastatrices qui, le plus souvent, finissent par anéantir tout challenge. La lisibilité n’est pas épargnée et peut devenir problématique dans cet opus (plus que d’habitude). Des timings différents, notamment les esquives, des invocations ou des coups trop puissants faciles à sortir… nous ne sommes plus invités à expérimenter. Rien d’alarmant, ce n’est pas comme si nous étions forcés d’invoquer des Kaijus, mais la démarche, vraisemblablement motivée par la cible grand public à toucher, n’apparaît pas pertinente. Elle ne fait que rappeler, au même titre que la présence d’un multivers dans le scénario, les travers d’une époque où l’on ne pense qu’à s’enrichir en touchant le plus grand nombre. Et ce, au prix d’une certaine qualité et d’une certaine infantilisation.

S’il y avait une question à se poser pour les équipes en charge du développement et pour Hideki Kamiya de retour au scénario, c’était de savoir comment passer après l’accomplissement Bayonetta 2. À l’évidence, le deuxième épisode offrit un nouveau regard sur la série. L’influence explicite de DMC disparaissait un peu plus. Il y avait moins de comparaisons viables entre les deux oeuvres. Pas plus qu’entre le Soleil et la Lune. Concernant Bayonetta 3, comme nous l’avons dit, le travail de Bingo Morihashi est jeté à la poubelle. De retour à l’écriture, Hideki Kamiya nous livre un scénario complètement foutraque, porté par une narration à peine digeste. Un chaos qui nécessite de sortir la carte magique du multivers pour tenter d’apporter un semblant de cohérence là-dedans.

Nous pourrions même croire que le game designer nous force à n’en avoir plus rien à faire. Néanmoins, en tenant compte de l’amour du monsieur pour l’arcade, particulièrement les shmups, on peut rapprocher l’expérience de ces derniers. Un scénario clairement prétexte, bien plus que d’habitude, tandis que l’expérience est concentrée sur le gameplay ni plus ni moins. N’y aurait-il donc plus que cela qui compte aux yeux de Kamiya ? Le gameplay et rien d’autre ? Allez savoir. Cependant, cela légitime le délire à l’écran et les extravagances du game design, tout en proposant d’incarner, techniquement, différentes Cereza.

L'Imaginarium du game designer Hideki Kamiya

C’est la fonction que semble prendre la narration ici. Servir des idées de gameplay, et c’est tout au mérite de Kamiya et de ses équipes. Un moyen de légitimer quelques changements dans l’écriture des personnages : la sorcière de cet opus semble un poil différente, il est vrai, mais c’est Luka le plus changé. Jusqu’alors cantonné au rôle de boulet comique sans grand intérêt, il gagnait quelques lettres de noblesse dans Bayonetta 2 sans pour autant dévier de ce qu’il est. Mais, voilà, Kamiya a décidé de le transformer en créature féérique… Si l’on met cela sur le compte d’un Luka provenant d’un autre univers et que l’on fait l’impasse sur nos goûts personnels vis-à-vis de son esthétique – sympathique au demeurant –, il n’en reste pas moins que cette transformation n’est pas justifiée, ni présentée scénaristiquement.

Elle intervient comme un cheveu sur la soupe, ce qui est assez déconcertant. De surcroît pour ceux qui suivaient un peu les personnages et la série. Cela étant dit, l’effet « Waouh » fonctionne. De quoi relever le paradoxe à l’œuvre dans Bayonetta 3 : L’immersion prend cher à cause des graphismes et du « scénario » se permettant tout et n’importe quoi, tandis que nous sommes happés par une proposition vidéoludique au rythme effréné. Le jeu multiplie les bonnes idées ; mêlant prouesse et séquences dantesques. C’est un peu comme si Hideki Kamiya voulait ridiculiser les projets les plus fous.

Comme si, avec ses équipes, il avait mixé Sin and Punishment, God of War III, DMC, l’héritage Bayonetta, et que sais-je encore ! Le bougre semble également nous rappeler, nous crier, que ce n’est que du jeu vidéo. Bayonetta est une représentation vidéoludique destinée à nous amuser, à nous faire rire et à nous émerveiller par son extravagance et son culot. Une soupe qui se tient et brille de mille feux, à l’inverse d’un FF XVI incapable de s’affirmer ou d’honorer ses influences, comme nous le disions dans notre papier dédié. Ici, Kamiya et ses équipes font tout pour nous en mettre plein la vue et plein les mains. Bayonetta versus The World, en somme.

Oui, le jeu est un peu moche malgré plusieurs environnements respectables. Cela dit, le framerate est solide (de rares et mineurs ralentissements peuvent survenir, la Switch est poussée dans ses retranchements) et le gameplay exemplaire. La notion de générosité sied parfaitement à ce troisième volet. À l’heure où beaucoup de gros jeux ne savent plus que voler notre temps sans se le cacher, Bayonetta 3 fait l’inverse. Aucun temps mort et pas d’aventure de 200 heures vide et sans saveur. Et pourtant, avant que Yusuke Hashimoto ne quitte PlatinumGames et donc le développement du jeu (il s’occupait auparavant de la réalisation de Bayonetta 2), un monde ouvert était envisagé.

Cereza Mnemonic

Les vestiges sont visibles. Plus que jamais dans la licence, les zones de jeu sont plus vastes et dénicher des objets dans l’environnement prend davantage de sens. Ce n’est pas parfait : les concessions techniques et les visuelles qui manquent de détail gâchent un peu l’immersion et le côté aventure pourtant présent (avec ce que cela implique de défis et de séquences de plateforme) ne brille pas de maîtrise. On se consolera avec la variété de lieux visités, et surtout avec la bande son incroyable. Qualité et diversité sont au rendez-vous pour garantir un agréable voyage auditif. Probablement les musiques les plus impactantes de la série, selon nous.

Dommage que l’exploration ne soit pas mieux rendue. Bien que déconcertant pour un amoureux de la série, le level design plus ouvert amène un souffle nouveau que l’on apprécie. En l’état, quand bien même un résultat souffrant de l’abandon de l’idée de monde ouvert, les zones étendues fonctionnent, en plus de toujours se succéder sous forme de niveaux. D’autant plus quand le gameplay se renouvelle souvent, mélangeant les genres, sans parler de la possibilité de se balader sous forme de créature, chacune disposant de ses propres capacités de déplacement. Grisant !

Abordons maintenant un des soucis majeurs de Bayonetta 3 : Viola. Ce qui saute aux yeux, c’est le chara design. Pour nous, le faux pas est manifeste. L’ado émo/rebelle allergique à l’autorité dénote un peu avec les autres personnages. Elle est aussi caractérisée comme ressort comique et gaffeuse, rôle jusque-là tenu par Luka (celui des premiers jeux). On se retrouve donc avec une sorte de doublon gênant. Son compagnon peluche est bien plus charismatique et réussi. Hormis son gameplay tourné autour du maniement d’un katana – elle reprend des mouvements de Vergil – et orienté parade/contre au détriment de l’esquive (le witch time s’active sur une parade), le personnage n’a malheureusement rien de mémorable.

C’est à peine si elle a du temps de jeu au final. La déception est donc réelle, a fortiori quand cela se fait au profit de Jeanne. Cette dernière est reléguée à l’arrière-plan, ne servant qu’à mettre en avant un mini-jeu d’action en 2D. Des séquences vite redondantes, mais laissant croire que la licence a une carte à jouer sur ce terrain ou sur du Metroidvania bête et méchant. Seul le mode apothéose permettra d’incarner Jeanne, à défaut d’une présence marquante dans l’intrigue principale. Ses actions, via le mini-jeu, impactent le récit, mais avouons-le, nous aurions préféré voir les rôles inversés entre elle et Viola.

Pour revenir à cette dernière, le problème du personnage va plus loin que son écriture ou son design. Outre un game design qui semble moins précis dans ce Bayonetta 3 (même si notre temps de jeu est encore trop limité pour être catégorique), Viola est plus complexe à manier que Cereza. C’est un problème, car bien qu’elle frappe plus fort et que sa palette de coups soit restreinte, la charge cognitive est donc moindre, on ne la connaît pas. Il faut donc apprendre à la jouer, sur peu de missions donc. Par ailleurs, comme elle se base sur les contres, y compris pour le witch time, la prise de risque est bien plus élevée que pour notre sorcière. Moins instinctif aussi, la licence misant avant tout sur les esquives.

Everything Everywhere All at Once

L’idée derrière est la même que celle d’Itsuno sur DMC 4. Intégrer un nouveau personnage pour cibler un autre public, et donc le rendre plus accessible que les autres. Une manière efficace est évidemment de réduire les coups et techniques, et de nous faire jouer suffisamment longtemps, de préférence dès le début de jeu, avec le personnage en question. DMC l’a fait, au détriment du monopole de Dante, mais pas Bayonetta. Si l’on apprécie le fait d’être dans la peau de Cereza la majorité du temps, tout laisse croire que Viola n’a jamais été une bonne idée. Serait-elle une des résultantes du changement de direction lors du développement du jeu ? Et que dire de cette conclusion malaisante… les mots sont faibles.

Peut-être est-ce une bonne chose qu’Hideki Kamiya ait choisi de partir voir ailleurs. Bayonetta 3 est l’opus qui prend les fans à revers, et tout porte à croire que le monsieur possède sa part de responsabilité. Heureusement que Cereza est là pour nous réconforter, elle et son gameplay, certes plus accessible, moins technique et profond que ses aînés, mais d’une maîtrise tout de même encore bien au-dessus de la concurrence. Le nombre d’armes est fou, à avoir mal au crâne, de quoi rivaliser avec Dante dans DMC 5. Plus d’armes, cette fois-ci aisément récupérables, avec des styles bien différents, extravagants et improbables aussi. Attendez-vous à de sacrées surprises, car il y a de quoi s’amuser.

Par contre, nous ne pouvons équiper que deux armes, contre le double auparavant. Maîtriser son armement devient tout de suite plus fastidieux, même si on a du mal à en vouloir au jeu. Cela corrige un écueil du premier volet, trop avare sur la distribution de l’arsenal. En 2009, les choix limités obligeaient à maîtriser des armes que l’on n’appréciait pas forcément. Dans Bayonetta 3, c’est un gameplay « à la carte » qui nous est servi, afin de satisfaire un maximum de joueurs et de joueuses. En témoigne l’apparition d’un arbre de compétences pour déverrouiller certains coups et mouvements (jusqu’à maintenant, tous les combos étaient disponibles d’entrée de jeu).

En théorie, le jeu invite à expérimenter, à choisir ce que l’on préfère (on peut activer ou désactiver des compétences), mais dans les faits, on achète la même chose, voire on achète la totalité des techniques dès que possible. Depuis Bayonetta 2, la démarche est à l’accessibilité avec des combos faciles et le sentiment de maîtrise et de puissance que l’on ressent d’entrée de jeu (l’inverse d’un DMC). Le premier volet restait accessible, mais la difficulté du jeu contraignait à se sortir les doigts si l’on espérait atteindre le générique de fin. Depuis le 2, on a aussi perdu les combos aériens. Ils sont toujours là, mais ne sont plus au coeur des affrontements ; la sorcière de l’Umbra excelle davantage au sol. Dit comme cela, le constat peut sembler mitigé. Néanmoins, cette « régression » dans le gameplay n’enlève pas l’excellence de ce dernier, surtout qu’un équilibre est trouvé avec la générosité du soft.

Le meilleur et le moins bon de la série à l’évidence, confirmant que chaque soft est plus ou moins unique dans sa proposition. Pour les plus pointilleux d’entre nous, bien entendu. Plus généreux, moins précis et exigeant aussi, mais fait avec un cœur immense, voilà ce que l’on retient de l’aventure. Par moments, nous sommes outrés, tandis qu’à d’autres, nous sommes ébahis, parfois envoûtés. L’expérience offerte par Bayonetta 3 est tellement folle, passionnée et généreuse qu’on lui pardonne ses errances. Un shoot vidéoludique mémorable. On sent que le projet s’est longtemps cherché et expérimente ; pourtant, les équipes vont au bout du délire. Si l’on pouvait aisément rapprocher l’épisode de 2009 d’un DMC, le troisième opus s’en départit bel et bien, malgré les liens indéfectibles qui les unissent. Sortie de ce trip vidéoludique déjanté, on se demande si, pendant deux jeux, la licence n’était pas en quête d’identité. Et que c’est avec Bayonetta 3 que la série se trouve enfin, mais nous ne sommes pas convaincus d’avoir une réponse. En revanche, ce qui est sûr pour nous, c’est que Bayonetta est le jeu vidéo. Un théâtre vidéoludique, tout simplement. Baissez les rideaux.

Pour
  • Toujours au sommet du beat'em all 3D
  • Fou, généreux et surprenant
  • L'arsenal complet et varié
  • Les musiques
  • Les zones de jeu étendues
  • Les transformations
  • Cereza, Cereza et Cereza
  • Gameplay riche qui en met plein la vue
  • Une technique solide
Contre
  • Challenge bêtement réduit
  • Trop de coups puissants et d'invocations gratuits qui cassent le jeu
  • Le travail d'écriture de Bingo Morihashi évacué au profit d'un récit indigeste
  • La direction artistique moins inspirée
  • Visuellement décevant
  • Jeanne est en retrait et son mini-jeu est redondant
  • Viola

Scribe ninja échappé de l’île de Shang Tsung et vivant maintenant sous perfusion de films, il est possible de m'apercevoir sur le dos de Falkor alors que je parcours les mondes imaginaires en quête d’une catharsis ou d’une inspiration. On dit de moi que je suis constamment guidé par les valeurs martiales héritées de ma jeunesse dans le Jiang hu.

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