• Jeu acheté sur Steam et terminé en environ 8 heures (je l’ai laissé en pause un long moment une après-midi d’où la capture d’écran qui indique 10h40)
  • J’ai maintenant encore plus envie de refaire Parasite Eve 2 et Silent Hill 2 cet automne…
  • … à suivre dans de futurs articles !

Les années 1990 sont au jeu-vidéo d’horreur ce que les années 1970 sont au cinéma de genre soit un déluge de créativité. Du côté artistique qui nous intéresse ici, on pense avant tout au Alone in the Dark de 1992, précurseur du survival horror en 3D. La création de Frédérick Raynal invitait déjà le joueur à explorer une maison hantée par des créatures dangereuses, tout en gérant son inventaire et en résolvant des énigmes pour avancer. Une gestation de requin-lézard plus tard, en 1996 donc, sortait le cultissime Resident Evil sur PlayStation. Davantage orienté action mais reprenant grosso modo la structure de son prédécesseur, le chef-d’œuvre de Mikami fut couronné d’un succès critique et commercial. C’est finalement le magistral Silent Hill et son inoubliable intrigue psychologique dans les affres de la folie qui clôtureront en beauté cette décennie prolifique. En 2021, Tormented Souls entend bien raviver la flamme et se revendique de cette école de gameplay de la fin du siècle dernier… pour notre plus grand plaisir ?

En souvenir du bon vieux temps

Les développeurs de chez Dual Effect et Abstract Digital ne s’en cachent pas : leur jeu se veut un hommage au survival horror d’autrefois, plus précisément cette tendre époque de la fin des années 1990. L’auteur de ces lignes se rendait jadis au vidéo-club tous les vendredis et arborait fièrement une houppette certifiée Vivelle DOP, sorte de crête de séduction à l’efficacité douteuse que même Tintin aurait probablement fustigée. Je furetais alors de longs moments dans les allées, entouré par des centaines de jaquettes de VHS et dévisagé par un Tommy Lee Jones en carton grandeur nature qui gardait l’entrée du rayon horreur. Le vaste local sentait comme un mélange de moquette humide et de cigarette froide. Seul le rayon confiseries générait sa propre atmosphère et irradiait un parfum sucré. Ma mère nous achetait des bonbecs puis on rentrait visionner un ou deux films d’épouvante à la maison. Il m’arrive à l’occasion de repenser fébrilement au vidéo-club, ce lieu magique à la fois hors du temps dans mon for intérieur mais pourtant bel et bien amarré dans le passé.  Ce vague à l’âme mélancolique a un nom : la nostalgie. Et c’est sur ce sentiment de douce langueur que Tormented Souls est bâti.

Ainsi le menu principal ne s’est même pas encore affiché que déjà les créateurs titillent notre corde sensible en présentant un écran d’avertissement quant à la violence explicite du contenu. Une référence amusante aux titres évoqués en introduction, pour lesquels ce message constituait plus un préliminaire pour faire monter l’appréhension qu’une véritable mise en garde. Le choix famélique d’options nous permet également de choisir entre des contrôles modernes ou à l’ancienne. Comprendre que les premiers vous feront vous diriger selon l’angle de caméra et que les seconds, aussi appelés contrôles «tank», vous feront vous déplacer selon la direction dans laquelle votre héroïne regarde. À vous de voir ce qui vous convient le mieux. Personnellement j’estime que les déplacements old school sont plus précis et adaptés à cette classe de jeux d’horreur à la troisième personne, caractérisés entre autres par des successions d’écrans fixes aux prises de vue changeantes.

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La maison des mille morts

Le cauchemar de Caroline Walker débute comme celui de James Sunderland dans Silent Hill 2, à la réception d’un mystérieux courrier. Une photographie de petites filles jumelles est glissée dans l’enveloppe, assortie d’une phrase menaçante : «Tu penses vraiment que tu peux nous abandonner ici ?». S’en suivent de longues nuits sans sommeil avant que la jeune femme ne décide de se rendre à l’adresse de l’expéditeur anonyme, à l’hôpital Wildberger, perdu sur l’île fictive de Blackwood au Canada. Mais la voilà à peine arrivée qu’elle se fait assommer pour ne reprendre connaissance que quelques heures plus tard nue dans une baignoire, reliée à un système médical et surtout avec un globe oculaire en moins. Ce point de départ façon Saw a le mérite de nous plonger directement dans une ambiance macabre.

Ce qui frappe toutefois aussitôt c’est l’affreux character design de Caroline. Une description adéquate serait une sorte d’hybride entre le fantasme graveleux d’un cinquantenaire célibataire abonné à une chaîne Youtube de tutos maquillage pour lycéennes et une poupée gonflable en réduction sur Leboncoin. Son absence totale de charisme n’aide pas. Les modèles des personnages – en dehors des ennemis – font en général cheap et la mise en scène souffre régulièrement de ce côté fauché. Pareil pour les doublages qui vous feront reconsidérer la performance de Tommy Wiseau dans The Room. On pourrait rétorquer qu’il s’agit d’un clin d’œil au côté série B prononcé des Resident Evil originaux… mouais. L’interface donne elle-aussi l’impression d’avoir été confiée à un étudiant redoublant sa L1 en arts plastiques et sa laideur mettra tout le monde d’accord. Ce paragraphe un tantinet assassin touche à sa fin et tant mieux car voici venu le temps de vous expliquer pourquoi Tormented Souls vaut le coup.

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Quand la nostalgie va, tout va !

Comme vous le répétait votre meilleur(e) ami(e) au collège alors que vous cherchiez la Grande Ourse sur son visage constellé par l’acné : il n’y a pas que la beauté extérieure qui compte. Et si les griefs mentionnés plus haut sont réels, le climat horrifique demeure néanmoins efficace. Tout d’abord grâce à la musique, une réussite atmosphérique composée par Begoña A. Carrasco et NyxTheShield. La bande sonore alterne avec brio entre des morceaux mélancoliques avec une emphase sur le piano et des pistes plus agressives aux percussions métalliques, selon la réalité dans laquelle évolue votre personnage (on songe à la ville de Silent Hill et à ses dédales de couloirs rouillés). On retrouve par ailleurs le soulagement de pénétrer dans une salle de sauvegarde à l’abri du danger et reconnaissable immédiatement à sa mélodie duveteuse. Dommage que le défi proposé soit si raisonnable et qu’on ne se sente presque jamais en péril de mort passé la surprise de la rencontre avec les premiers monstres.

La dimension exploration n’est pas en reste et on prend un plaisir non dissimulé à arpenter les étages de l’immense demeure-hôpital. La carte, classique dans sa forme, nous force à éprouver notre sens de l’orientation si bien que la progression se révèle grisante et ce malgré les allers-retours inhérents à ce type d’expériences claustrophobiques. On déverrouille les portes de la maison au gré de nos trouvailles et souvent au prix d’un effort de réflexion bienvenu, en dépit peut-être de quelques énigmes un peu fourbes. La fierté se fait cependant sentir sitôt le puzzle vaincu et on réalise que se creuser les méninges est malheureusement devenu assez optionnel dans les survival horror actuels. La solution est souvent logique mais avec une surcouche de bon sens supplémentaire en fin de course qui fait la différence dans sa résolution.

De plus le soin apporté aux décors nous pousse à aller toujours plus loin et à en explorer les moindres recoins à la recherche de munitions pour notre pistolet à clous ou d’une bobine pour enregistrer notre partie, un écho aux rubans encreurs de la série zombiesque phare de Capcom. En effet les sauvegardes sont limitées et vous devrez gérer votre inventaire – à la place illimitée – et vos ressources pour espérer vous en sortir. N’ayez crainte cela dit tant le jeu fait preuve de bienveillance à cet égard. Vous ne vous retrouverez jamais vraiment en manque de quoi que ce soit, à moins de négliger vos fouilles des environnements ou de vouloir à tout prix exterminer l’ensemble des abominations de Blackwood. On notera pour finir des documents à ramasser plutôt bien écrits et dont certaines entrées vous feront froid dans le dos, pour peu que vous jouiez à la tombée de la nuit dans l’obscurité de votre salon.

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Verdict

Tormented Souls nous fait traverser un cauchemar empreint de nostalgie qui reprend à la lettre les codes du survival horror 3D des années 1990. Le projet de Dual Effect et Abstract Digital propose en effet un hommage appuyé aux cadors du genre que sont les séries des Alone in the Dark, Resident Evil et Silent Hill. Dommage cependant que son aspect fauché gâche partiellement la mise en scène. Un défaut qui ne saura éclipser une application efficace du schéma de progression des titres sus-cités. On entend par là une exploration à tâtons d'un environnement hostile, ponctuée d'énigmes qui donnent du sens aux allers-retours. Les musiques font par ailleurs partie des points forts et donnent de l'épaisseur à l'ambiance à la fois mélancolique et pesante qui règne à l'hôpital Wildberger. Devriez-vous craquer ? Deux cas de figure ici. Si vous frissonnez à l'écoute du thème du commissariat de Resident Evil 2 ou que vous parlez de Dino Crisis avec des tremolos dans la voix, eh bien foncez sur Tormented Souls en le prenant pour ce qu'il est, à savoir un clone anachronique des chefs d'œuvre horrifiques du siècle dernier, une part de talent et d'originalité en moins. Il rejoint ainsi la catégorie des cousins germains sympathiques tels que Obscure ou Cold Fear en leur temps. Vous passerez assurément un bon moment, et c'est déjà ça de pris. En revanche, si vous ne vous êtes jamais penché sur une perle intemporelle comme Silent Hill 2 pour ne citer que lui, alors le choix est plutôt simple : ignorez l'élève tourmenté et vendez sans plus tarder votre âme au maître.
Pour
  • Une lettre d'amour à une forme révolue du survival horror
  • Les musiques, parfaitement dans le ton
  • La bâtisse de Winterlake : un régal d'exploration
  • La carte, utile et fonctionnelle sans mâcher l'orientation
  • Certaines énigmes brillantes...
  • Le scénario rocambolesque
  • Les documents bien écrits
  • Gestion de l'inventaire à l'ancienne et sans contrainte d'espace
  • La sauvegarde : une ressource limitée comme les autres
Contre
  • La mise en scène pâtit souvent du manque de moyens
  • Le character design de l'héroïne : franchement raté
  • L'interface hideuse
  • On aurait apprécié plus de descriptions de décors
  • ... mais parfois un peu trop retorses

Résident permanent dans la petite bourgade de Raccoon City et prosélyte du génial Rain World depuis 2017, on l'entend parfois jurer à pleins poumons lorsqu'il perd lamentablement face au singe de Sekiro à un poil de lemming près. En quête d'une 3080 depuis bientôt un an, le malheureux espère une réception de sa commande en 2022 : l'important c'est d'y croire ! Son TOC préféré ? Recenser dans un PDF tous les jeux auxquels il a joué dans sa vie.

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KillerSe7ven
Administrateur
2 années

Qu’est ce que ça donne envie? La nostalgie fait son oeuvre semblerait-il !

Astrid
Astrid
2 années

Belle critique, très complète et qui donne envie de se plonger dans cet univers macabre ;-)))

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