Camille Japy passe du rôle de comédienne à celui de réalisatrice avec ce premier long-métrage, Sous le tapis. À l’occasion de sa sortie en format physique, revenons un temps sur cette comédie française qui a un sacré cadavre dans le placard…

État de mort cérébrale ?

Odile (Ariane Ascaride que l’on retrouvait récemment en participation vocale dans Interdit aux chiens et aux italiens) compte bien réunir ses enfants et petits-enfants pour fêter son anniversaire. Tandis que les préparatifs battent leur plein, son mari décède subitement d’une crise cardiaque. Terrassée, elle va finir par tirer le cadavre de son époux sous le lit et accueillir ses enfants (Bérénice Bejo et Thomas Scimeca) comme si de rien n’était… Si la mascarade tient un temps, les fêlures de la famille vont vite refaire surface.

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Parlons franchement, Sous le tapis commence bien mal. L’exposition traine dans son sillage une galerie de personnages insupportables et braillards, presque tous plus agaçants les uns que les autres. Cerise sur le gâteau, une interprétation mi-figue mi-raisin (voir carrément mi-figue, mi-figue) qui ne va d’ailleurs pas forcément s’arranger en cours de long-métrage. Entre poussées dramatiques surjouées ou surexcitation feinte, la galerie d’acteurs pousse les potards à fond (notons à part les performances de Ariane Ascaride et Marilou Aussilloux, les deux qui s’en sortent le mieux) et dieu sait si cela n’avantage pas Sous le tapis.

Morte et enterrée ?

Pourtant, en surimpression apparait petit-à-petit une veine plus sérieuse, où la comédie parfois lourdingue (l’insupportable rôle de beauf de Stéphane Brel notamment) laisse place à un discours rare et parfois intéressant sur la relation que nous pouvons entretenir avec la mort. Mieux, quelques tableaux apparaissent où les éclairages jusqu’alors plutôt dignes d’un téléfilm s’enrobent d’un certain cachet : scènes nocturnes, toute une séquence entre les enfants et leur grand-père décédé, des scènes d’amour… Mieux, de ce mi-film surgit parfois des bouffées d’émotion qu’on ne voyait pas venir, toujours portées par le personnage de la grand-mère.

Bien malheureusement, à la faveur d’un virage dramatique (survenant après une scène d’enterrement presque plaisante par son côté burlesque), une dernière explosion de pathos imposé par le dictat d’un ordre scénaristique ici totipotent parvient à faire oublier tout ce que nous soulevions de positif dans le paragraphe précédent : en avant les violons, acteurs en roues libres, retour à une pure narration fine comme du papier à cigarettes… Bref, Sous le tapis négocie bien mal cet ultime tournant et c’est fort dommage car restera dans la bouche du spectateur un inaltérable goût amer.

En somme, Sous le tapis de Camille Japy aurait pu devenir une comédie dramatique française mémorable, notamment grâce à ses ruptures de ton audacieuses et un discours finalement pas si souvent développé au cinéma. Malheureusement, une bicéphalité tenace renverra à plusieurs reprises le film vers ses récifs scénaristiques, bien trop souvent en tous cas pour ne pas en fissurer la coque. Reste que Sous le tapis élève tout de même le niveau de la comédie française mainstream et vaut le coup d’œil pour plusieurs de ses segments internes qui détonnent du reste du film.

À retrouver d’ores et déjà au format physique avec en guise de bonus Petites filles, un court-métrage de Camille Japy (2017, 16 min).

Fiche technique

DVD Zone B (France)
Éditeur : Blaq Out
Durée : 93 min
Date de sortie : 05 décembre 2023

Format vidéo : 576p/25 – 1.85
Bande-son : Français Dolby Digital 5.1 (et 2.0)
Sous-titres : Français et Anglais

Sous le tapis

Buvant les Stephen King comme la sirupeuse abricotine de mon pays natal, j’ai d’abord découvert le cinéma via ses (souvent mauvaises) adaptations. Épris de Mrs. Wilkes autant que d’un syndrome de Stockholm persistant, je m’ouvre peu à peu aux films de vidéoclub et aux poisseuses séries B. Aujourd’hui, j’erre entre mes cinémas préférés, les festivals de films et les bordures de lacs helvétiques bien moins calmes qu’ils en ont l’air.

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