Un film de bande, résolument queer, féministe et féminin, voilà les promesses du revigorant Levante. Un long-métrage brésilien, le premier de sa réalisatrice Lillah Halla, construit en véritable coup de poing contre le Brésil conservateur à la sauce Bolsonaro. Une proposition rafraichissante et entrainante, à découvrir désormais en format physique !

Enfant de la balle

Sofia (la géniale Ayomi Domenica pour son premier rôle) rêve de se professionnaliser dans ce qui est sa passion : le volley. Alors qu’une annonce soudaine lui promet un avenir dans ce sport au Chili, elle apprend simultanément qu’elle est enceinte. Au sein d’un Brésil où avorter est illégal, son champ des possibles se réduit comme peau de chagrin.

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Levante. Soulèvement. Voilà un beau point de départ pour aborder la carrière de la jeune réalisatrice brésilienne Lillah Halla. Pour ce premier long-métrage, sélectionné à la semaine de la critique à Cannes, elle explore les rouages d’une société engluée dans des mécaniques régressives (le Brésil de Bolsonaro pour la faire courte, même si ce dernier n’est jamais cité directement). Mieux, elle montre comment ces relents réactionnaires affectent directement l’existence de ceux qui ne se soumettent pas à la moraline ambiante…

Film de bande avant tout

Si Levante est un film politique fort, il évite certains griefs courants qui peuvent émailler ce genre de long-métrage. C’était par exemple le cas de 24 heures à New York, un beau petit film sur la transidentité qui s’alourdissait pourtant d’un pan beaucoup trop pédagogique et théorique. Le même écueil attendait Levante au tournant, qui l’esquive pourtant avec brio.

En effet, si l’on comprend que cette équipe de volleyball féminine n’est pas une équipe lambda (un court insert sur un article de journal évoque même le terme “inclusif” pour qualifier le groupe), Levante ne sacrifie pour autant pas son histoire pour développer son propos. On n’en comprend pas moins les menaces constantes qui sourdent, poussées par les mouvements réactionnaires décrits précédemment, et l’impact durable et constant qu’ils font peser sur ceux qui ne souscrivent pas à leur vision du monde alternant entre une dévotion aveugle à la religion et des pulsions régressives tenaces.

L’équipe joue alors le rôle d’espace de sécurité, d’infra-monde dans lequel l’épanouissement est possible au sein d’une matrice globale corrompue et comminatoire. Un sentiment particulièrement bien retranscrit dans le film grâce au temps passé par Lillah Halla pour dessiner les contours de ce groupe de potes, soudé, échappant aux clichés scénaristiques émaillant généralement la représentation de ce genre d’amitié au cinéma. Un genre de Stand by Me où l’amitié ne serait pas confrontée au passage à l’âge adulte, mais au refus tenace de rester barboter dans les miasmes de cette société malade. Et rien que la maestria avec laquelle la réalisatrice caractérise ses personnage et dessine les contours des amitiés qui lient ses protagonistes vaut largement le visionnage de ce Levante.

Pourquoi ce film ?

Simone Veil se retournerait probablement dans sa tombe, pourtant depuis la loi de 1975 qui dépénalise l’avortement en France, ce droit fondamental n’est que toujours plus fragilisé. Entre la difficulté réelle à pouvoir y avoir accès, les menaces de plus en plus pesantes de retour en arrière possible notamment dans l’Amérique de Trump et  – accessoirement – la nomination d’un premier ministre ouvertement hostile à l’IVG en la personne de Michel Barnier, les indicateurs ne sont pas au beau fixe…

Manifestation pour défendre le droit à l'avortement, place de la République, 2022. (c) STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Et cette vague scélérate réactionnaire, le cinéma actuel (et bien souvent féminin) n’a pas oublié de s’en emparer. Entre le magistral Notre corps qui documente de l’intérieur les turpitudes du corps féminin ou le plus récent Les Lueurs d’Aden narrant l’histoire fictionnelle d’une femme tentant de se faire avorter dans un Yémen où ce droit n’est pas acquis, les exemples ne manquent pas. Et nul doute que Levante s’inscrit durablement dans ce corpus de film féministes, queers et modernes. Une antidote artistique à la morosité ambiante ? Espérons le ! Et en attendant le prochain film de Lillah Halla (une comédie musicale hors des clous et noire, selon ses propres termes), ne manquons pas de découvrir son premier long-métrage désormais disponible chez Blaq Out.

Fiche technique

DVD Zone B (France)
Éditeur : Blaq Out
Durée : 95 min
Date de sortie : 20 août 2024

Format vidéo : 576p/25 – 2.00
Bande-son : Portugais Dolby Digital 5.1
Sous-titres : Français

Levante

Buvant les Stephen King comme la sirupeuse abricotine de mon pays natal, j’ai d’abord découvert le cinéma via ses (souvent mauvaises) adaptations. Épris de Mrs. Wilkes autant que d’un syndrome de Stockholm persistant, je m’ouvre peu à peu aux films de vidéoclub et aux poisseuses séries B. Aujourd’hui, j’erre entre mes cinémas préférés, les festivals de films et les bordures de lacs helvétiques bien moins calmes qu’ils en ont l’air.

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