Après Le sommet des Dieux qui avait été remarqué dans nos colonnes comme à Annecy l’année passée, semblerait-il que l’air de la montagne et les vertus de l’alpinisme en aient inspiré plus d’uns après des mois de confinement, reclus à Paris. N’y allons pas par quatre chemins, La Montagne a tout d’un film parisien, réalisé par un parisien, conçu pour des parisiens. Après Vincent n’a pas d’écailles, La Montagne est le second long-métrage de Thomas Salvador, où il y campe le rôle de Pierre, personnage désœuvré en quête de sens. Doublement récompensé du prix du jury comme de la critique à Gérardmer, le film n’a pas  su pour autant convaincre vos deux reporters, rattrapés par l’ennui le plus sincère. Explication en vidéo d’un film qui manque le coche, entre clichés citadins, placements de produits et éloge de la lenteur au bénéfice du seul ennui.

Notre critique de La Montagne

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Les montagnes hallucinées

Pierre est ingénieur parisien et se rend dans les Alpes pour son travail. « Irrésistiblement attiré par les montagnes, il s’installe un bivouac en altitude et décide de ne plus redescendre » rompant avec le travail et son ancienne vie. Là-haut, il fait la rencontre de Léa (Louise Bourgoin) et découvre de mystérieuses lueurs. Voici grosso modo le synopsis du film qui n’évoluera pas d’un iota.  Outre le fait que le biais fantastique soit invoqué de façon très maladroite, La Montagne s’enfonce dans une interminable lenteur. D’une platitude de tout instant, ce personnage taiseux qui n’aligne que des mots creux -après de longs moments de silence gêné- nous a laissé de marbre. Un regret d’autant plus marqué que Brice et moi-même sommes avant tout passionnés des échappées alpines. Un comble pour le loup pyrénéen et le marcheur invétéré qui sommeille en moi.

Si la sélection 2023 de Gérardmer était largement autorisante, on peut valablement interroger la pertinence du choix du prix du jury et de la critique dans le cadre d’un festival dédié au fantastique avant toute chose. Ce dernier y est utilisé quasiment à contre-emploi avec une métaphore à peine voilée du besoin impérieux de « recharger ses batteries » dans une société en proie à la vitesse permanente et à la perte de sens chaque jour renouvelée par l’aliénation au travail voulu comme inutile par essence dans nos sociétés atomisées. Si les critiques aiment souvent à voir de la poésie dans le creux des mots, le minimalisme du film dessert son propos par un soucis tant d’écriture que d’incarnation d’un personnage ordinaire et foncièrement terriblement ennuyeux.

 

La Montagne (2023)
L'irruption du fantastique est aussi naturelle que maladroite

La montagne, ça vous gagne ?

Que dire de ces dialogues insipides qui sonnent faux et de ces personnages secondaires aussi charismatiques que des PNG d’un mauvais RPG mal doublé ? Qu’on ne s’y méprenne, les films contemplatifs peuvent être fascinants, mais La Montagne n’appartient ni à cette catégorie ni au road movie. Bien loin de la splendeur de la puissance évocatrice d’un Paris Texas, le film pèche par son académisme en termes de réalisation formelle comme de narration façon téléfilm à la française. On a parfois l’impression que le métrage suit une brochure décathlon en termes de script. De la tente Quechua, au sac Millet et aux chaussures Scarpa, tout y passe en terme de placements de produits. C’est d’autant plus amusant que les critiques qui ont encensé le film seraient les premières à dénoncer ce type de pratiques dans un film hollywoodien s’il s’agissait de Coca Cola ou toute autre marque du grand capital.

La Montagne (2023)
La scène caricaturale du diner ou le néant maquillé en éloge de la lenteur...

D’une inertie à toute épreuve (même lorsqu’il s’agit d’engager une expédition), on a davantage l’impression de voir Pierre opérer dans un parc d’attraction autour des quelques stands touristiques des Alpes, plutôt qu’à une réelle évasion. De la liste de courses, au café en passant par le laçage de chaussures, chaque scène de vie avec Louise Bourgoin confond poésie de l’ordinaire et niaiseries du quotidien. Il ne manquait plus qu’une scène de slow sex qui nous aura fort heureusement été épargnée… D’un cliché à un autre, le film s’enracine dans une lenteur inextricable durant presque deux heures. Interminable. Ne vous fiez pas à sa bande-annonce qui vous écrase de termes élogieux pour qualifier La Montagne. C’est comme le vin : quand il y a écrit « qualité supérieure » sur l’étiquette, c’est là qu’il y a mensonge sur la marchandise…

La Montagne (2023)
Heureusement qu'il reste quelques panoramas des Alpes

Thomas Salvador, réalisateur et acteur

La Montagne (2023)

À la fois cinéaste, scénariste, et acteur dans ses propres films, il réalise d’abord six courts métrages, primés dans de nombreux festivals. Son premier long métrage, Vincent n’a pas d’écailles, sort en salles en 2015. Son second film La Montagne a raflé le prix du jury et de la critique pour la trentième édition du festival de Gérardmer. 

Filmographie

  • 2022 La Montagne
  • 2014 Vincent n’a pas d’écailles 

Bande-annonce de La Montagne

Critique JV et ciné toujours prêt à mener des interviews lors de festivals ! Amateur de films de genre et de tout ce qui tend vers l'Etrange. N'hésitez pas à me contacter en consultant mon profil.

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