• Testé sur PC au moyen d’un code fourni par l’éditeur.
  • Configuration de test : RTX 4090 + i9-9900K = 60 FPS constants et fluidité à toute épreuve (avec toutes les options graphiques en ULTRA + DLAA).
  • Campagne terminée en 57 h selon le jeu et 74 h selon Steam.
  • J’ai effectué environ la moitié des quêtes secondaires.
  • J’ai également installé un mod très utile permettant de sauvegarder à volonté, plutôt que de devoir crafter une potion de sauvegarde. J’ai cependant toujours assumé les conséquences de mes actes et n’ai jamais relancé d’ancienne sauvegarde, roleplay oblige.

N’ayant jamais mis les mains sur le premier Kingdom Come: Deliverance, c’est empreint d’innocence et vierge de toute information que j’ai lancé sa suite, décrite par ses développeurs comme « l’aventure médiévale ultime ». L’action se déroule en 1403, dans un Royaume de Bohême déchiré par un conflit qui oppose le roi Venceslas IV à l’envahisseur Sigismond, roi de Hongrie et de Croatie. On y incarne Henry de Skalitz, écuyer du noble Hans Capon, alors que ces derniers s’apprêtent à rendre visite au noble Otto von Bergow, en vue de clarifier le camp choisi par ce dernier. Évidemment, rien ne va se passer comme prévu…

La clé des champs

À peine le jeu lancé que sa beauté, tant des graphismes que de sa direction artistique, saute aux yeux. Je peux vous l’affirmer haut et fort sans ciller : vous n’avez jamais vu de forêts, de champs ou de villages virtuels aussi beaux, organiques et réalistes que ceux dépeints dans Kingdom Come: Deliverance 2 (KCD 2). En ce qui me concerne, l’envie de quitter le fil rouge de la quête principale n’a jamais été aussi fort, tant les environnements sont un appel à l’errance et au vagabondage, deux facettes majeures de ce monde ouvert où le danger ne rode jamais bien loin.

Quand je vous disais que c'était magnifique.

À ce titre, les vingt premières heures de l’aventure sont absolument mémorables. En effet, une fois passée l’introduction, c’est complètement crotté, puant et en sous-vêtements que commence notre épopée. L’immense carte s’ouvre alors à nous à perte de vue, l’envie de courir dans les champs inonde nos veines, nous sommes Henry de Skalitz, pourfendeur de bandits et… HOP HOP HOP PAS SI VITE !

Vous pensiez vraiment que vous alliez pouvoir démarrer votre périple comme ça ? Vous êtes en slip, vous puez tellement que les passants vous insultent, votre réputation est au plus bas, vous avez mal partout, synonyme de malus de statistiques, et en plus vous n’avez pas un rond, rien, nada. Bienvenue dans Jojo le clodo Simulator. Je me souviendrai de tout ce qu’a impliqué ma quête initiale de vêtements et de nourriture, de ce morceau de pain que j’ai volé et qui m’a valu trois jours au pilori, ou encore de ces deux hommes qui m’ont cassé la figure et détroussé après que j’ai eu le malheur d’intervenir dans leur conflit de voisinage (leur dire qu’ils étaient aussi stupides l’un que l’autre n’était peut-être pas très malin, je le concède, mais de là à me piquer mes chaussures pendant que je suis allongé inconscient dans un tas de bouse ?!).

Il faut dire qu’on a pas l’habitude en 2025 de commencer un jeu de rôle qui nous tient si peu par la main, et encore moins de voir un protagoniste principal se faire cracher et lancer des oignons pourris au visage, sous les huées d’une bande de culs-terreux. Suite à cette mésaventure, les villageois vous tiendront en faible estime tandis que les gardes vous surveilleront de près. Quant aux marchands, ils refuseront de vous offrir des bons prix voire de commercer avec vous.

Rejeté par la société et affamé, vous vous retrouverez vite en quête d’un lit ou d’une grange pour y passer la nuit en catimini (car votre personnage doit aussi se reposer sous peine de s’endormir debout !). Faites-vous surprendre et vous serez renvoyé au pilori, à moins que vous n’ayez de quoi soudoyer l’accusateur, que vous ne l’attaquiez ou que vous parveniez à négocier. Contentez-vous de l’assommer et il se souviendra de vous et ne manquera pas d’aller vous dénoncer à la garde à son réveil, et ce même si vous êtes à l’autre bout de la carte à ce moment.

Pareil pour les larcins, si vous volez une coupe en argent dans une cuisine sans vous faire voir, mais qu’un passant vous a aperçu entrer dans la pièce avant votre méfait, alors c’est vous qui serez logiquement accusé et la garde vous demandera de vider vos poches. Continuez de commettre des incivilités, puis vous serez marqué au fer rouge voire exécuté ou a minima honni par toutes les communautés à la ronde. Oh et j’oubliais de préciser que le jeu a TRÈS  bonne mémoire et se souviendra longtemps de vos moindres agissements.

Le monde de KCD 2 vit sans le joueur.

Ce que j’écris-là n’est qu’un infime aperçu de la façon dont le monde de KCD 2 répond à vos actions et l’objectif n’est pas de dresser le catalogue de ses nombreuses mécaniques. C’est d’ailleurs l’une des plus grandes forces du jeu, Tout, des routines des personnages aux situations de gameplay émergentes, véritablement tout donne l’impression que cet univers médiéval évolue selon ses propres lois, que le joueur soit là ou non pour être spectateur des événements. J’ai même trouvé le monde ouvert plus crédible que dans Red Dead Redemption 2, pourtant grandiose, dans le sens qu’il apparaît comme moins scripté et beaucoup plus organique, probablement car il est soumis à beaucoup plus de facteurs statistiques, RPG oblige. À aucun moment je n’ai eu l’impression que les routines des PNJ avaient un côté « parc d’attractions » un peu superficiel comme ça peut parfois être le cas dans les productions Rockstar.

Empoisonner sa lame avec un poison fait maison avant une rencontre musclée, puis voir nos adversaires s'effondrer un par un en se plaignant qu'ils vont se chier dessus, ce n'est certes pas très héroique, mais ça n'a pas de prix.

Un conseil, enfin, lancez-vous dans l’aventure à l’aveuglette et ne regardez surtout pas de guide ni ces horribles vidéos du style « 10 choses à savoir avant de lancer KCD 2 ». Ce serait passer à côté du meilleur de ce qu’il a à offrir. Acceptez que KCD 2 est un jeu volontairement lent, qui aime à l’envie décomposer son gameplay en sous-strates un peu rébarbatives, mais diablement gratifiantes. Le craft d’une potion demande par exemple d’aller cueillir des herbes fraîches après avoir lu à quoi elles ressemblaient dans un livre, puis de trouver un banc d’alchimie, de bien l’organiser, de faire chauffer l’eau, de tourner un sablier sous peine de crafter du pipi de chat et de perdre tous vos ingrédients, etc. Plus vous effectuez une action dans KCD 2, plus votre personnage devient bon et plus vous débloquerez de perks (bonus de stats) dans le domaine de compétence affilié. C’est en forgeant qu’on devient forgeron !

Préparer une potion prend plusieurs minutes.

Quand Moyen Âge rime avec manque d'équilibrage

Très intéressant sur le papier, ce système montre toutefois ses limites au bout d’une vingtaine d’heures, la faute à des perks trop généreux, au point de rendre le jeu vraiment trop facile. C’est dans ces eaux-là que toutes les mécaniques évoquées plus haut ont déraillé, faisant de mon Henry de Skalitz un Dieu du Moyen Âge. Dans mon cas, l’élément déclencheur a été la découverte par hasard du cadavre d’un noble au milieu d’une forêt. N’ayant aucune idée de ce qui lui était arrivé, et tirant parti de l’absence de témoin, j’ai profité de la quiétude du petit matin pour le détrousser de ses vêtements ensanglantés de bourge, d’une épée plutôt puissante, mais surtout accrochez-vous, D’UNE PAIRE DE LUNETTES !

Dotée d’un bonus élevé en charisme, cette paire de lunettes a marqué le début de ma propulsion au sommet de l’échelle sociale. J’ai alors pu commencer à convaincre tous les marchands de me faire des bons prix, à jouer faussement de mon statut quand un sans-dent m’accusait de lui avoir volé sa pitance. Tel le jeune militant d’extrême-droite du documentaire La Cravate, j’ai « enfilé le costume de la dédiabolisation », ici des lunettes, et tout le monde est tombé dans le panneau. Que voulez-vous, la connerie, c’est la gangrène, en Royaume de Bohême comme à Paris.

Mon chat serait magnifique dans la combinaison en bas à droite.

Si vous ajoutez à cela des perks offensifs mal calibrés, des techniques de combat trop permissives qui font d’Henry une machine de guerre et que vous mâtinez le tout d’un ou deux cambriolages bien exécutés chez les marchands les mieux lotis, alors RIEN ne pourra plus vous arrêter et vos déboires de départ ne vous sembleront plus qu’un lointain souvenir, les mécaniques RPG ne faisant désormais plus office que de simples formalités. À titre personnel, ce déséquilibrage flagrant m’a même incité en milieu de partie à me concentrer uniquement sur la quête principale, de peur de ne devenir vraiment trop puissant. Dommage tant les quêtes secondaires, et les dialogues du jeu en général, sont bien écrits.

KCD 2 aurait vraiment gagné à radiner sur ses bonus de statistiques, à donner un poids à l’argent qu’on porte, à restreindre encore davantage notre limite d’inventaire, voire à carrément complexifier les combats avec une mécanique en triangle à la Fire Emblem, histoire de varier leur approche. Sur presque 60 heures de jeu, j’en ai passé une grosse quinzaine à craindre mes adversaires et 40 à les trancher menu, parfois sans même prendre la peine de parer. Je comprends que rendre le système de combat plus varié aurait pu nuire au réalisme voulu par les développeurs, mais je doute que quiconque au Moyen Âge ait de toute façon pu enchaîner 10 adversaires à la suite en hurlant alors qu’il était seul vêtu d’une armure. La preuve ultime de ces errances de game design étant que j’ai gardé le même équipement pendant les 30 dernières heures, sans jamais en changer, un comble pour un RPG. Il y avait clairement un équilibre à trouver.

Verdict

Fort d'un univers original, de lois de gameplay sans concessions, d'un monde ouvert crédible et foisonnant, de personnages mémorables et d'une écriture convaincante, Kingdom Come: Deliverance 2 est un AAA atypique, qui transpire la passion de ses créateurs jusque dans ses moindres détails. Si l'on regrettera un équilibrage aux fraises qui finit par rendre l'aventure beaucoup trop facile, quelques longueurs dans la quête principale et un humour à la bonne franquette parfois un peu redondant, on en ressort toutefois avec des souvenirs par dizaines vécus aux commandes du destin de « notre » Henry. Jamais un monde ouvert n'avait semblé si palpable, si réactif à nos choix et à nos actions. Si KCD 2 propose une quête principale globalement épique, c'est dans ses moments d'errance, alors qu'on vagabonde sans objectif précis, qu'il nous offre ses plus beaux moments de jeu vidéo. Dommage que ses mécaniques se grippent au tiers de l'aventure, mais rien que pour mon expérience des 20 premières heures, je suis obligé de tout lui pardonner.
Pour
  • Un monde ouvert vaste, réactif et sublime sur le plan graphique
  • Des mécaniques de jeu couillues et sans concessions
  • Le soin sidérant apporté à l'architecture des villages et de Kuttenberg, aux costumes, aux forêts, et j'en passe
  • Les personnages, charismatiques et mémorables
  • Un jeu qui demande de l'implication pour être apprivoisé
  • Les lenteurs délicieuses de certains systèmes
  • Chaque pas en dehors des sentiers battus est un régal
  • Bande-son magistrale de Jan Valta et Adam Sporka
  • Superbe mise en scène des cinématiques
  • Le contexte historique
  • Les artworks des temps de chargement sont si beaux qu'ils font regretter d'avoir un SSD
Contre
  • L'équilibrage de la difficulté, complètement pété passé le premier tiers
  • Manque de malus statistiques suffisamment impactants
  • Quelques rares temps creux dans la quête principale
  • L'humour pas bien finaud

Résident permanent dans la petite bourgade de Raccoon City et prosélyte du génial Rain World depuis 2017, on l'entend parfois jurer à pleins poumons lorsqu'il perd lamentablement face au singe de Sekiro à un poil de lemming près. En quête d'une 3080 depuis bientôt un an, le malheureux espère une réception de sa commande en 2022 : l'important c'est d'y croire ! Son TOC préféré ? Recenser dans un PDF tous les jeux auxquels il a joué dans sa vie.

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KillerSe7ven
Administrateur
3 mois

Ta critique donne hyper envie de s’y atteler ! Malgré ses défauts, ça a l’air d’être un sacré truc !

itokiry
3 mois

Un peu déçu de lire que le jeu est mal équilibré, parce que j’avais aimé en chier sur le premier. Toutefois, tu n’as rien enlevé à mon envie furieuse de l’essayer… d’autant que je crois bien être toujours la cible phare de l’humour potache des développeurs !

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