Oscillant entre les genres, In Flames réalise sa première au festival de Cannes 2023 avant d’atterrir dans la sélection du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg (FEFFS). Une plongée suffocante dans la société pakistanaise, par Zarrar Kahn

La nuit des morts-vivants

Lorsque le père de famille meurt, l’existence de sa femme Fariha (Bakhtawar Mazhar) et de sa fille Mariam (Ramesha Nawal) se retrouve bouleversée dans un Pakistan aux mœurs décidément bien patriarcales. Un traumatisme qui déclenche chez Mariam de troublantes visions, où les morts semblent revenir à la vie… Si la jeune étudiante en médecine croise la route du doux Asad (Omar Javaid), de retour de ses études canadiennes, ses tourments ne font pourtant qu’empirer.

Le canado-pakistanais Zarrar Kahn embrasse les oripeaux de l’horreur pour jeter un regard acerbe sur une société organisée autour de l’oppression des femmes. En effet, In Flames aurait pu être un drame naturaliste collant à la froide réalité de ce que vit le sexe féminin dans ce pays (et dans tant d’autres d’ailleurs). Pourtant c’est dans les genres du fantastique et de l’horreur que Kahn puise toute la noirceur nécessaire à l’expression de son histoire.

A la croisée des genres

In Flames ne peut pourtant être attaché à aucun genre, et dans ce cas c’est autant une force d’une faiblesse. Car en effet on navigue entre le film social, la comédie romantique, le pur thriller et l’épouvante la plus noire : ce refus de s’arrêter aux codes d’une unique catégorisation confère au long-métrage un côté inattendu, où l’on peine à deviner les contours du plan suivant. Une imprévisibilité sincère et plutôt efficace, donnant lieu à des irruptions de violence – un plan d’homme se masturbant tout en observant Mariam par sa fenêtre détonne et prend le spectateur à la gorge notamment – et à une curiosité envoûtante malgré le rythme plutôt lent du slow burn qu’est In Flames.

Toutefois, Kahn peine à aboutir pleinement les pistes qu’il esquisse. Les sursauts d’horreur précédés d’un sifflement récurrent deviennent lassants et ne parviennent pas à se renouveler au cours du long-métrage. Une incursion dans l’épouvante tentante, proposant de belles saillies et de véritables surprises, mais laissant tout de même parfois l’impression de vouloir user du vernis esthétique du genre plutôt que de s’y adonner pleinement. Mis à part quelques soubresauts, Zarrar Kahn use de l’horreur plus comme un simple catalyseur visuel et scénaristique, que comme un réel pan de son film qu’il aura à cœur de creuser.

Influences

Si cette retenue frustre, elle n’enlève pourtant pas les qualités intrinsèques de ce premier film particulièrement intriguant et à la résonance politique fracassante. Et lorsque Kahn expose ses références (Titane et Atlantique, voir citation ci-dessous), on comprend bien d’où viennent ses inspirations : un cinéma de genre jeune, neuf, plus inclusif et éminemment social…

« Those amazing French female directors of Titane (Julia Ducournau) and Atlantique (Mati Diop), who are using genre in new and exciting ways . »

Diapositive précédente
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Une scène finale parviendra toutefois à faire oublier, au moins passagèrement, les griefs exposés plus haut. Elle déploie en effet une tension enfin pleinement exploitée et une imagerie particulièrement bien travaillée, autour d’une maison larguée en bord de mer. Si In Flames n’est pas parfait, il n’en reste pas moins une proposition à la photographie mémorable, un casting convainquant et l’envie de découvrir la suite de la filmographie de ce tout nouveau cinéaste.

Buvant les Stephen King comme la sirupeuse abricotine de mon pays natal, j’ai d’abord découvert le cinéma via ses (souvent mauvaises) adaptations. Épris de Mrs. Wilkes autant que d’un syndrome de Stockholm persistant, je m’ouvre peu à peu aux films de vidéoclub et aux poisseuses séries B. Aujourd’hui, j’erre entre mes cinémas préférés, les festivals de films et les bordures de lacs helvétiques bien moins calmes qu’ils en ont l’air.

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