Comédie loufoque fouillant tous les travers de l’Amérique contemporaine, The Sweet East ne ménage ni son spectateur, ni ses zygomatiques. Un gros coup de cœur présenté en primeur au GIFF (Geneva International Film Festival)…
De chef op' à réalisateur
Sean Price Williams a réalisé quelques courts, puis a travaillé avec Jean-Manuel Fernandez à la création de Eyes Find Eyes. Mais il a surtout servi en tant que directeur de la photographie, à son corps défendant puisque ce n’est absolument pas ce à quoi il aspirait à la base. Travaillant notamment sur les projets des frères Safdie (par exemple Good Time) ou encore chez Abel Ferrara, il multiplie ses collaborations au travers de cinémas très hétéroclites. Avec The Sweet East, il prend pour la première fois seul la casquette de réalisateur de long-métrage…
Tourné en 16 mm, le projet nait d’une écriture à quatre mains entre Sean Price Williams et le fameux critique américain Nick Pinkerton (Film Comment, Sight & Sound…). Si les deux ont comme point commun d’avoir travaillé dans l’incroyable vidéo-store Kim’s video (si vous n’avez pas encore eu la chance de le découvrir, ruez-vous sur l’incroyable documentaire Kim’s video de Ashley Sabin et David Redmon), leur collaboration se noue plutôt autour du goût commun pour la plume aiguisée. Celle qui tranche. Et nous en aurons une belle démonstration dans The Sweet East…
Alice au Pays des Timbrés
En effet, au travers de la “douce côte Est” du titre, nous nous apprêtons à suivre le voyage rocambolesque de Lilian (la géniale et absolument magnétique Talia Ryder) s’échappant d’une ennuyante sortie de classe à Washington pour se lancer sur la route des USA du terroir. Jouant cette Alice sexualisée et incrédule, Lilian se jette au travers d’un Pays des Merveille qui sent le roussi. Entre punks anarchistes abrutis, néo-nazis vieux garçon et islamistes frustrés sexuellement, elle s’en va de situation incongrue en situation incongrue, usant de son air lascif et de sa fausse naïveté imparable pour naviguer à travers cette société malade.
« Nick Pinkerton and I felt we had to make a film that we would enjoy watching »
Sean Price Williams
L’actrice s’entoure notamment de Simon Rex (Red Rocket, Scary Movie…) en néo-nazi troublé par sa beauté ou encore de Jacob Elordi (Euphoria) interprétant un acteur un peu trop sûr de son charisme, mais c’est pourtant bien elle qui porte et rayonne à chacun des plans de The Sweet East. Et ce qui frappe au visionnage, c’est à quel point le film se permet tout. Une liberté absolue, qui enrobe le long-métrage de Sean Price Williams d’une imprévisibilité salutaire. Chaque plan recèle une surprise, chaque rupture de ton surprend, chaque virage scénaristique fait mouche, de telle sorte qu’il devient impossible pour le spectateur de savoir où cette pauvre Lilian se dirige, ni quel soudain virage scénaristique va lui tomber dessus.
S’il faut prendre quelques minutes pour s’habituer au grain du 16 mm et à un filmage instable et souvent en gros-plan parfois déroutant, l’histoire abracadabrantesque de Lilian n’aura aucune peine à saisir son spectateur à la gorge pour le relâcher, ivre de ce qu’il vient de voir, après l’heure quarante-cinq que dure le long-métrage. Un gros coup de cœur, fou et acide, de cette édition 2023 du GIFF, et sans le moindre doute la naissance d’une carrière pour l’incroyable Talia Ryder !
Buvant les Stephen King comme la sirupeuse abricotine de mon pays natal, j’ai d’abord découvert le cinéma via ses (souvent mauvaises) adaptations. Épris de Mrs. Wilkes autant que d’un syndrome de Stockholm persistant, je m’ouvre peu à peu aux films de vidéoclub et aux poisseuses séries B. Aujourd’hui, j’erre entre mes cinémas préférés, les festivals de films et les bordures de lacs helvétiques bien moins calmes qu’ils en ont l’air.
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Décidément, il y a de belles choses au GIFF pardi !
On dirait bien oui ! 😉
Ouiii de très belles surprises ! J’ai pas encore eu le choc comparable à la présentation de Pacifiction l’année passée, mais le festiv n’est pas encore fini ^^
[…] et au péril de leur vie. Dans un autre registre, on lui préférera largement l’excellent The Sweet East qui singeait bien mieux une Amérique privée de repères et qui n’a jamais su se libérer du […]
C’est ajouté à ma liste de films à voir, merci!