Présenté pour la première fois au festival de Gérardmer, Ogre (lire notre test du Blu-ray)est le premier long métrage du français Arnaud Malherbe, déjà remarqué par la série Moloch. Ana Girardot joue ici le rôle de Chloé, institutrice qui démarre une nouvelle vie dans le Morbihan avec son jeune fils Jules. Un enfant a disparu, des bovins sont retrouvés décharnés à l’orée de la forêt. Une bête semble roder autour de la maison. Cauchemar ou réalité, Ogre réhabilite de nombreux contes dans le cadre de la ruralité française. Nous avons eu le plaisir d’échanger avec son réalisateur Arnaud Malherbe pour une interview vidéo que nous vous proposons ci-dessous en plus d’une vidéo critique. Bon visionnage. 

Interview d'Arnaud Malherbe au festival de Gérardmer

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Ogre s’inscrit dans le cadre du Morbihan. A peine arrivée avec son fils, cette jeune femme institutrice du village va se confronter à un accueil en demi-teinte des autochtones. Certains font des rondes aux alentours, carabines à l’épaule autour de la propriété qui borde la forêt. On comprend que le danger rode, suite à un échange marqué par la distance qui sépare deux mondes : la ville face à la ruralité. Une ambivalence s’installe très vite et en quelques mots, on intègre que quelque chose erre dans les parages et met en charpie les veaux des paysans du coin. Une menace qui pèsera tout au long du film avec le mythe de l’Ogre réhabilité dans notre cadre contemporain.

«Il y a une bête. Elle vit la nuit. Elle mange des veaux mais ce qu'elle préfère, c'est les enfants »

Alors que le petit, d’une sensibilité singulière, manifeste de l’écart vis-à-vis du nouveau compagnon de sa mère, se profilent alors deux univers distincts : celui de l’enfant qu’on suspecte par défaut de romancer ses cauchemars qu’il confondrait avec la réalité et celui des adultes qui bénéficient d’une présomption de vérité sur la perception du monde qu’ils imposent comme unique croyance. Si ça ne rend pas heureux, c’est qu’il faut chasser cette pensée comme le suggère la mère lors d’une discussion avec son fils qui lui confie ses visions nocturnes. « Si on ne part pas maintenant, je vais mourir » lâche froidement le petit. Un fossé les sépare. Jusqu’où s’arrête la confiance d’une mère envers son petit, lorsque ce dernier lui relate des faits fantastiques confinant à l’horreur ? Qui croire ? L’enfant en bas âge au passif psychologique tourmenté visité la nuit par un ogre dévoreur d’enfants ou les locaux qui d’une même voix semblent concourir au discours de l’aveugle ?

« Si on ne s'aide pas en tant qu'être humains, est-ce qu'on va devenir mieux que toutes ces vaches ? »

Au niveau de la réalisation, Ogre propose des plans serrés à de nombreuses reprises, à l’image de ceux qu’on pouvait voir dans la série Dexter, où le tueur et justicier improvisé cuisinait la viande au générique. Ses plans « carnés » participent à la construction du malaise et du mystère qui rode autour de ce médecin de village au franc-parler qu’on connaît en campagne. En baignant dans le registre du conte noir, Ogre convoque autant Pierre et Le Loup, le Petit Poucet que la figure de l’Ogre dévoreur d’enfant. Jules (Giovanni Pucci) qui n’hésite pas à éteindre son sonotone pour fuir les contrariétés du monde des adultes exécute une prestation remarquable. Son jeu est simple mais sensible. C’est depuis son prisme d’enfant que se déroule la narration et la construction mentale du monstre.

« Quand on est loin de la lumière et qu'on est oublié, et qu'il n'y a pas de service public [...], peut être que tout ça retombe dans l'obscurité ancestrale »

Parfois vampiriques dans l’approche, certaines figures masculines imposent une forme de malaise par la place physique qu’ils occupent dans l’espace, jusqu’à s’imposer par nature dans le foyer. Si Ogre laisse place à un dénouement un peu trop classique et convenu, il reste un premier long-métrage efficace pour Arnaud Malherbe. Le folklore qui se déploie autour de la créature est aussi tristement ironique, alors que l’Ogre fait finalement partie des derniers visiteurs de régions réduites au silence par la centralisation et l’exode rural. Un long-métrage efficace mais qui s’égare peut-être un peu dans sa conclusion précipitée. Ogre sortira le 20 avril prochain. D’ici là n’hésitez pas à visionner notre interview avec son réalisateur avec qui nous avons échangé au festival.

Arnaud Malherbe - Réalisateur et scénariste

Arnaud Malherbe

Arnaud Malherbe a un parcours original. Il commence tout d’abord sa carrière en tant que juriste, puis journaliste. Il entre à Ouest France avant de passer sept ans à l’Express, où il écrit des articles sur le voyage et le cinéma notamment. Il intègre ensuite la Fémis avant d’écrire pour la télévision et la bande dessinée. Il réalise trois courts métrages multi-primés avant de s’attaquer à des séries pour Arte et France 2 dont la série Moloch. Ogre est son tout premier long métrage présenté à Gérardmer. 

Filmographie

  • 2007 : Good Job
  • 2008 : Dans leur peau et Macadam Peau-Rouge
  • 2009 : Belleville Story
  • 2012 : Chambre noire
  • 2015 : Chefs
  • 2020 : Moloch 
  • 2021 : Ogre

Scénariste

  • 2004 : Pépins noirs sélectionné au festival international du court métrage de Clermont Ferrand
  • 2006 : Harkis d’Alain Tasma
  • 2015 : Chefs (scénario avec Marion Festraëts)
  • 2020 : Moloch (scénario avec Marion Festraëts)
  • 2021 : Ogre

Critique vidéo - Ogre

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Bande annonce

Mini préquel d'Ogre

Critique JV et ciné toujours prêt à mener des interviews lors de festivals ! Amateur de films de genre et de tout ce qui tend vers l'Etrange. N'hésitez pas à me contacter en consultant mon profil.

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