Film argentin sans concession aucune, When Evil Lurks était présenté pour la première fois en Europe au FEFFS. Alors que deux frères découvrent un cadavre tranché en deux, la ville s’apprête à sombrer sous l’emprise du Diable. Croit celui qui peut croire qu’il triomphera du Malin…

Tu ne tueras point

Les films de possession et assimilés, nul doute que vous en avez vus toute une floppée depuis L’Exorciste de feu Friedkin. Il faut dire que si le maître du cinéma avait su marquer toute une génération, il avait également dépassé le simple stade du trauma générationnel en réussissant à générer ses propres codes. Jusqu’alors, il était difficile de dissocier un film sur le Diable de la religion et son folklore. Le possédé devait systématiquement cracher au visage de ses interlocuteurs et vomir un torrent d’insultes blasphématoires qui n’ont plus le même effet cinquante ans plus tard, sauf auprès d’un public condamné et qui n’évoluera jamais. D’aucuns remarqueront que les films apostats n’ont plus cette essence transgressive aujourd’hui. Notre société n’est plus la même. 

Violence du baptême et rôles inversés, de l'adulte à l'enfant.

Contrairement à cet héritage décliné jusqu’à l’épuisement, sinon la caricature, When Evil Lurks adopte une approche minimaliste sans tout ce verbiage inutile et devenu risible. Désolé pour le pauvre Père Gabriel Amorth, campé par Russel Crow dans le dernier film de la franchise à succès, mais il faut savoir faire évoluer la formule. Autrement plus vicieux qu’un démon gueulard, le Diable est à l’image d’une maladie : transmissible, tel un fléau. On peut supposer que l’impact de la pandémie a dû produire ses répliques lors de la genèse du projet. Tuer le possédé, c’est devenir le possédé. Une règle simple est pourtant plus pernicieuse qu’il n’y paraît dès lors que le Mal se propage partout et ne nous doit rien. C’est aussi prendre à revers le décalogue et son cinquième commandement. Notre héros ordinaire se trouve vite seul et tout stratagème pour lui opposer quelconque résistance se heurte au mur de l’échec.

Sommes nous (devenus) aveugles à la violence ou l'étions nous à l'origine ?

Tout commence avec cette abomination, un obèse morbide réduit à une chose informe où l’on ne distingue plus le pus de la graisse. Comme une relique maudite, sa famille la conserve, consciente que l’éliminer, c’est libérer le fléau. C’est le patient zéro pourrait-on dire. Une aberration avant qu’il ne devienne l’ordinaire. C’est la sensation d’horreur, de répugnance viscérale qui donne la nausée à simple vue. Un furoncle qu’on voudrait percer mais dont on craint le magma incandescent qu’il renferme. Une infection qui contaminera toute la société. Pas d’exceptions pour les victimes du démon.

La banalité du mal

Dans la sensation qu’il procure, le film de Demián Rugna rappelle l’effet qu’avait généré l’intro coup de poing de 28 semaines plus tard par rapport à tous les films de zombies produits auparavant. En élargissant l’angle, le réalisateur argentin nous donne une nouvelle perspective horrifique qui fait du bien dans un genre qui a un peu trop tendance à se regarder dans la glace. Imbattable, le démon se joue de notre perception et des règles qu’on pensait lire. C’est toute notre raison qui se trouve renversée et la grammaire même de l’espérance qui s’effondre. Et avec elle, les croyances de ceux qui ont encore le luxe (ou la bêtise) d’en avoir.  

Nos amis les bêtes.

Porté par des scènes particulièrement bien réalisées, When Evil Lurks joue une partition équilibrée entre les CGI et des effets spéciaux organiques saisissants. On sait l’échelle de la violence exponentielle et nul doute que notre monde nous le démontre au quotidien. Cependant une scène en particulier (et qu’on ne révélera pas davantage) risque de rester éternellement dans votre inconscient quand vous croiserez des molosses. 

Pourtant on ne tombe ni dans la gratuité ni dans le slasher adulescent. When Evil Lurks dérange plus qu’il ne fait peur. Le film cultive son propre style où la violence devient omniprésente jusqu’à poser la question de notre rapport avec elle. On peut aussi s’amuser à lire une variation horrifique du mythe d’Abel et Caïn qui condamne par le meurtre à l’errance. Le monstre qui couve en nous a-t-il vraiment besoin du Diable pour s’exprimer ? Friedkin nous apportait une réponse limpide quand il était encore de ce monde :

« Les films que je réalise sont des sortes de reflets de la violence dans notre société. L'inattendue violence quotidienne que tout le monde est obligé de subir. »

Notre critique de When Evil Lurks

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Bande-annonce

Critique JV et ciné toujours prêt à mener des interviews lors de festivals ! Amateur de films de genre et de tout ce qui tend vers l'Etrange. N'hésitez pas à me contacter en consultant mon profil.

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Kilian
Kilian
1 mois

Tu donnes envie ! Je note merci 😉

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