Présenté en compétition au festival d’Annecy, Tunnel to Summer, the Exit of Goodbyes est un seinen mélancolique et sensible. C’est l’histoire de deux lycéens Kaoru et Anzu qui forment une improbable équipe pour explorer un mystérieux tunnel où le temps diffère du monde réel. Un anime touchant qui pourrait bien vous faire sortir les mouchoirs par la justesse de son écriture comme de son style. En plus de notre critique, retrouvez notre échange avec Tomohisa Taguchi en fin d’article ! 

Un anime solaire

Dans une petite ville de campagne qui lorgne la mer, Kaoru mène une vie de lycéen tout ce qu’il y a de plus ordinaire jusqu’au jour où il découvre par inadvertance le tunnel d’Urashima, supposé exaucér les vœux mais pas à n’importe quel prix… Chaque seconde passée dans le tunnel équivaut à des heures dans le monde réel. Tunnel to Summer adopte une approche métaphorique en proposant un huis clos émotionnel entre Kaoru et Hanashiro, une nouvelle lycéenne solitaire. Leur exploration chronophage conduit irrémédiablement à les séparer du monde réel. 

Tomohisa Taguchi a ici choisi de se focaliser sur la construction psychologique de ce duo que tout oppose au premier abord. Si on retrouve des archétypes des animes narrant la vie lycéenne, c’est très largement secondaire et le film opte davantage pour une approche autrement plus subtile, où tous les autres personnages sont relégués au second plan. L’intrigue repose sur des destins croisés qui pourront parfois rappeler Your Name de Makoto Shinkai. 

L’animation est d’une fluidité exemplaire avec un style réaliste qui laisse la part belle aux émotions des personnages. Souvent contemplatif dans ces plans où le signe est toujours affaire de détails, Tomohisa Taguchi laisse la part belle à la poésie situationnelle. Avec son style réaliste, le monde alentour sait pourtant s’effacer avec élégance avec de longues focales où s’estompent les paysages pour mieux révéler les êtres.

Voyage mémoriel

En choisissant une action qui prend place avant l’ère des réseaux sociaux et des smartphones, le ton général rappelle cette époque où les relations n’étaient pas suspendues à un fil Instagram ni à un algorithme Tinder. Petit à petit, l’exploration du tunnel renforce le lien qui unie Kaoru et Hanashiro. Le fait d’avoir resserré l’objectif autour de ces deux lycéens réussit à nous faire complètement basculer dans cet univers où la nostalgie n’est jamais bien loin du désir d’un autre monde. La confiance se mérite et la mystérieuse Hanashiro se livre avec parcimonie, ce qui entretient d’autant le charme de l’inconnu.

Si le temps semble suspendu, ce n’est pas seulement du fait du propos du film mais bien parce qu’il ravive de lointains souvenirs d’une époque moins effrénée que celle que nous subissons aujourd’hui. Lors d’une rencontre anonyme ou d’un échange éphémère sur un chemin routinier, d’un simple regard à l’arrêt de bus, le monde était sourd au brouhaha du quotidien. Envoyer un SMS avait une autre résonnance, du fait des limitations techniques et, par nature, le signe d’une relation privilégiée, où chaque mot compte. Avec la frénésie propre à celle d’un siècle cadencé à toute allure, un flux en efface un autre, noyé dans une masse informe qu’on appelle communication. Aurions nous perdu le sens du présent ?

Outre ce chassé-croisé entre les vies de ces deux lycéens, le réalisateur épingle une société japonaise obsédée par le travail et la réussite sociale, quitte à sacrifier la moindre parcelle de liberté. Si ces thématiques sont au croisement de la majorité des animes, Tunnel to Summer ne tombe jamais dans la caricature et s’avère sur ce point plus proche du drame que le néanmoins sympathique Le château solitaire dans le miroir (également critiqué dans nos colonnes). L’anime de Tomohisa Taguchi suspend son spectateur jusqu’à son impitoyable épilogue et ce, sans jamais tomber dans l’écueil de la mièvrerie. Un anime loin d’être fleur bleue et qu’on ne saurait vous recommander pour sa sortie en France le 5 juin 2024.

Interview de Tomohisa Taguchi

Tunnel to Summer, The Exit of Goodbyes est l’adaptation du seinen éponyme dont l’histoire est elle-même tirée du light novel Natsu he no Tunnel, Sayonara no Deguchi écrit par Mei Hachimoku et illustré par Kukka, paru aux éditions Shôgakukan en 2019. C’est Tomohisa Taguchi avec qui nous nous sommes entretenus à Annecy qui est réalisateur et scénariste du film récompensé du prix Grimault, deuxième meilleure récompense du festival d’Annecy. On lui doit déjà deux films sur la licence de jeu-vidéo Persona. Il a également signé l’anime Digimon Adventure ainsi que la dernière saison de Bleach.

Bande-annonce de The Tunnel to Summer, The Exit of Goodbyes

Critique JV et ciné toujours prêt à mener des interviews lors de festivals ! Amateur de films de genre et de tout ce qui tend vers l'Etrange. N'hésitez pas à me contacter en consultant mon profil.

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