Mis à l’honneur à l’occasion de la 29e édition de Chéries Chéris, le festival de cinéma parisien centré sur les thématiques LGBTQI&+++, Peafowl est le premier long-métrage de son réalisateur. Byun Sung-bin. Myung, une danseuse transgenre basée à Séoul, doit retourner dans la ville où elle a grandi pour participer aux funérailles de son père, récemment décédé. Elle devra affronter les regards de celles et ceux qui l’ont connue et affirmer sa personnalité face à leurs préjugés.

« Show, don’t tell » comme disait l’autre

Derrière une structure scénaristique classique assumée, revenant sur les thèmes de la filiation et de la reconnaissance de ses pairs, Peafowl souffre de son écriture terriblement démonstrative. Le film tombe dans le piège du dialogue explicatif, ne mettant jamais en place de sous-texte entre les personnages, comme dans un souci d’une absolue clarté. Leurs interactions dépassent la franchise désarmante pour s’adresser directement aux spectateurs, ce qui les dessert totalement, leur faisant perdre toute profondeur. 

Passée la première demi-heure, il en ressort que l’histoire et les personnages ne semblent plus avoir de secret pour nous. A l’exception d’une sous-intrigue qui sort de nulle part et vient bousculer la situation. Mais à nouveau, elle n’offre qu’un dénouement des plus convenus. La progression du récit devient donc particulièrement mollassonne et on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi continuer à regarder une œuvre qui a déjà abattu toutes ses cartes.      

peafowl

Un cadre en cage

Certains pourraient répondre pour la forme. Ici, le réalisateur a choisi de mettre en place une composition de caméras fixes, aux cadres froids, géométriques et implacables, qui s’imposent à la situation plus qu’elle n’en est la conséquence. Les sujets sont tour à tour de minuscules insectes gesticulant dans des paysages immenses ou bien décadrés du centre de l’image. Un style qu’on a souvent pu retrouver accompagné d’un ratio 4:3, à l’instar de Limbo de Ben Sharrock. Un film qui aborde aussi à sa manière le sujet de personnages à la recherche de leur place dans un environnement hostile.

Seulement voilà, comme pour son scénario, Peafowl met en avant une esthétique qui s’essouffle très vite, car elle délivre très rapidement ce qu’elle à offrir. Toutes ces variations de plans qui constituent la grande majorité du long-métrage sont présentes dès les premières minutes. Et cette mise en scène ne réussit jamais à se réinventer ou à se développer au fil du film. C’est un choix si radical, si perceptible et par conséquent, si visible, qu’il finit par fatiguer par sa redondance dans les presque deux heures que dure Peafowl.

peafowl
Une scène de danse, rare instant où la caméra se libère.

C’est vraiment dommage, car le travail de la caméra ne devient vraiment intéressant que dans de trop rares scènes (généralement de danse) qui parsèment le film. Lorsqu’il lui est enfin permis de se libérer de cette rigueur trop vite éprouvée, le résultat est peut-être plus simple, d’apparence moins savante, mais il est diablement plus efficace. Comme lorsque Myung se met à danser, seule. Ou qu’au contraire, accompagné de ses pairs, elle trouve enfin sa place en apprenant une danse traditionnelle. La caméra se déloge alors de son socle et offre dans son mouvement de vrais moments incarnés de cinéma. Fini les échanges insipides et la mise en scène autodestructrice pour enfin rentrer pleinement en connexion avec le ressenti de Myung.

Un (trop) long fleuve tranquille

C’est peut-être bien là que réside le principal défaut de Peafowl. Sa durée qui dilue et éparpille dans des péripéties inintéressantes ses maigres qualités, au lieu de les concentrer dans un récit fort et énergique. Dans un film nourri par la puissance dont le cinéma peut faire preuve. Tout n’est pas à jeter donc, mais peut-être faudrait-il lorgner vers God’s Daughter Dance, son précédent court-métrage consacré à la question des personnes transgenres dans la société sud-coréenne. De plus, il mettait déjà en scène Hae-Jun dans le rôle principal, qui on peut le dire, reste la principale force de Peafowl.

Encore petit fretin dans l'océan du cinéma, je nage entre les classiques et les dernières nouveautés. Parfois armé d'un crayon, parfois d'une caméra, j'observe et j'apprends des gros poissons, de l'antique cœlacanthe bicolore, du grand requin blanc oscarisé et des milliers de sardines si bien conservés.

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