Premier film déjà remarqué à Venise, L’Homme d’Argile d’Anaïs Tellenne débarque désormais en format physique. Une sorte de La Belle et la Bête version château de province, maniant un goût subtil pour l’absurde et un certain amour du contraste, qui susurre la promesse d’une carrière à suivre pour sa jeune réalisatrice.

Romance au château

Raphaël (incarné par la gueule de cinéma Raphaël Thiéry) gardienne un château de province inhabité. Partageant avec sa mère l’aile des domestiques, il mène la chasse aux taupes qui gangrènent le gazon, tente de garder debout les vieux murs de la bâtisse et s’occupe entre sa passion pour la cornemuse et ses intriguantes parties de jambe-en-l’air avec la postière du coin (la géniale Marie-Christine Orry). Sans crier garde débarque l’héritière du château, Garance (la vaporeuse Emmanuelle Devos), qui va semer le trouble dans le quotidien bien rangé de Raphaël…

Ce résumé qui condense bien le scénario de L’Homme d’argile parait cliché à souhait et bien peu inventif. Une romance bourgeoise comme on en a vu mille au cinéma… Pourtant, dès le plan d’ouverture, on comprend qu’Anaïs Tellenne ambitionne bien plus que cela. Cette ouverture correspond à un zoom arrière sur une peinture à l’aquarelle du château qui sera le cadre de l’histoire. Naïf, coloré, un vrai château de conte de fées. Pourtant le mouvement arrière de la caméra révèlera bientôt une réalité toute autre. Et ce n’est que le premier contraste d’un cinéma qui semble constamment s’en nourrir, fabriquer du beau avec du laid, du neuf avec du vieux, du touchant et du grotesque.

Fraiches absurdités

Mieux encore, si le résumé laissait présager d’une romance teintée de drame, ronflante, pontifiante, Tellenne nous offre tout le contraire. En infusant son récit d’une teinte résolument absurde (la chasse aux taupes, les escapades avec la postière, le passage au musée…), son récit s’offre des ruptures de ton régulières qui cassent le rythme attendu du long-métrage et y insuffle une fraicheur bienvenue.

Si le récit n’éblouit donc pas dans le fond, la forme et les virages qu’empruntent Anaïs Tellenne suffisent à illuminer ce long-métrage et à casser l’attendu du déroulé classique d’une telle romance. Et si les contrastes sont partout – de la scène d’ouverture à la clôture du film, dans les acteurs, dans les accents et les élocutions, dans les formes d’art – L’Homme d’argile noue dans son scénario la volonté de placer l’art comme ultime moyen d’expression.

Bref, vous l’aurez compris, ne vous fiez pas au synopsis pour présumer de votre intérêt pour ce long-métrage inclassable. Un premier long particulièrement audacieux, qui surprend par sa forme et met au premier plan Raphaël Thiéry, une vraie trogne de cinéma jusqu’ici plutôt reléguée aux seconds rôles (notamment dans le génial Pauvres Créatures). Un film qu’il est désormais possible de (re)voir au format physique !

Fiche technique

DVD Zone B (France)
Éditeur : Blaq Out
Durée : 90 min
Date de sortie : 16 juillet 2024

Format vidéo : 576p/25 – 1.50
Bande-son : Français Dolby Digital 5.1 (et 2.0)
Sous-titres : Français

L’Homme d’argile

Buvant les Stephen King comme la sirupeuse abricotine de mon pays natal, j’ai d’abord découvert le cinéma via ses (souvent mauvaises) adaptations. Épris de Mrs. Wilkes autant que d’un syndrome de Stockholm persistant, je m’ouvre peu à peu aux films de vidéoclub et aux poisseuses séries B. Aujourd’hui, j’erre entre mes cinémas préférés, les festivals de films et les bordures de lacs helvétiques bien moins calmes qu’ils en ont l’air.

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