• Testé sur PS5
  • Code transmis par l’éditeur 
  • Nous avons parcouru les deux volets durant une quinzaine d’heures.
  • Nous étions déjà là, jadis, sur les deux premières consoles de Sony.
  • Captures maison

Réaliser un remake plutôt qu’un remaster demeure une question complexe, pour ne pas dire épineuse. Constamment débattue à cause de définitions pas toujours limpides, la notion de remaster gêne davantage les joueurs. Il est vrai que face à la sortie des versions remasterisées de The Last of Us ou d’Horizon Zero Dawn, le public est certainement refroidi tant l’ambition commerciale saute aux yeux face à des versions quasiment identiques au pixel près. Le remaster se rapporte plus à ce qui se définissait avant comme une simple version HD d’un titre initialement sorti sur une console antérieure, quand le remake, lui, est censé rebattre les cartes de fond en comble. De surcroît, les évolutions graphiques et techniques d’une génération à l’autre étaient bien plus perceptibles en comparaison de celles des trois dernières générations actuelles. Remasteriser un soft fait sens pour donner une seconde vie à des licences bien plus vieilles ou aujourd’hui difficiles d’accès. Legacy of Kain: Soul Reaver 1 & 2 Remastered est un choix qui revêt donc un réel intérêt dépassant le simple plaisir d’explorer Nosgoth et redécouvrir les qualités ludiques d’un soft d’une époque révolue et pourtant pas si lointaine.

Big Daddy Kane

Pour qui est né le siècle dernier, Legacy of Kain: Soul Reaver résonne comme une œuvre qui a laissé une trace indélébile dans l’industrie, d’abord dans le cœur des joueurs, mais aussi chez les créateurs. C’est ce qui dénote dans ce riche documentaire disponible sur Youtube. Même perdue dans les limbes, la mémoire de Kain et Raziel fut préservée grâce à une communauté de fans invétérés. Et c’est aussi grâce à eux que la duologie culte est revenue sur le devant de la scène à l’aube de 2025. D’ailleurs, nul doute que l’avenir de la franchise dépendra de l’accueil de cette compilation.

« Mille ans se sont écoulés depuis que le seigneur Kain établit sa capitale dans les ruines des colonnes de Nosgoth, clé de son emprise sur le monde (…) ». Pour nous, une vingtaine d’années viennent subitement de s’éclipser. Deux décennies suffisantes pour rendre l’attente d’autant plus insoutenable. Et quelle attente pour ceux qui ne juraient que par un nouvel opus ! Comment leur en vouloir ? Une fois les ténébreuses contrées traversées, après avoir arpenté le monde matériel et sa version spectrale, ne subsiste que l’envie d’y replonger.

Et que dire des de ses musiques qui ne nous lâchent jamais ! Elles nous envoûtent jusqu’à nous retirer les mots de la bouche. Confidence pour confidence, ces heures sombres passées aux côtés de Raziel n’ont fait que renforcer mon désir de voir un nouvel opus débarquer sur consoles modernes. Oui, la licence Legacy of Kain – incluant autant les œuvres avec le héros au foulard que celles avec Kain comme protagoniste – doit revenir, ne serait-ce que pour voir comment elle pourrait bénéficier des standards actuels de l’industrie.

Soul Reaver, plus encore que son aîné, est une œuvre importante au sein du medium vidéoludique. La duologie fait partie de ces créations avant-gardistes qui ont été capables de transformer significativement l’industrie. Legacy of Kain est le genre de proposition avant tout guidée par la passion et l’ambition folle de développeurs dégagés de la seule recherche pécuniaire. Et pourtant le développement des jeux fut chaotique à l’époque. Si on aurait certes préféré aujourd’hui  une suite plutôt qu’un remake ou même un reboot – peu pertinent maintenant que le remaster existe -, c’est aussi et surtout parce que des coupes violentes furent opérées par le passé. En effet les jeux n’ont jamais vraiment eu droit à une fin claire laissant de frustrantes zones d’ombres, ce qui est d’autant plus dommage pour une histoire aussi prenante.

C’est l’occasion de rappeler qu’initialement les deux projets se comprenaient comme un tout, à savoir un gigantesque monde interconnecté, nous y reviendrons… Ne soyez pas surpris de terminer le premier épisode face à un cliffhanger, même si cela clôt l’arc initial, pourrait-on dire.

Ozar Midrashim

Legacy of Kain: Soul Reaver, pour l’époque du moins, brillait sur bien des aspects à commencer par son ambiance dark et le soin apporté à l’écriture de ses personnages. Mention spéciale au travail exemplaire des doubleurs, ce qui n’était pas si répandu à l’époque. Si Raziel et Kain sont restés au panthéon des figures vidéoludiques, ce n’est pas seulement pour leur chara design mais bien pour leur profondeur. Les personnages sont ambigus et la relation entre les deux vampires joue un rôle crucial dans l’attrait qu’on porte à l’histoire. Destin, manipulations, monde en péril et trahisons se mêleront au sein d’une intrigue finalement plus riche que ce qu’on imaginait à première vue. Ce qui ne semble être qu’une banale quête de vengeance est en réalité bien plus subtil que ça mais nous ne dirons rien…

Bien entendu comparer Soul Reaver (sorti à l’ère des PS1/PS2) à des licences récentes comme Uncharted est un peu anachronique, l’écriture ayant largement progressé ces dernières décennies et des studios comme Naughty Dog n’y sont pas étrangers. Cependant la comparaison n’est pas vaine pour autant. En effet c’est à Amy Hennig qu’on doit Legacy ok Kain: Soul Reaver. La tête pensante et scénariste de la licence œuvrera plus tard chez Naughty Dog qui lui doit les histoires des deux premiers Uncharted. Ce duo de vampires charismatiques aux envolées lyriques détonnait face à la concurrence même s’il fera peut-être pâle figure aujourd’hui (et encore).

Dans l’épisode 1, on suit donc la quête vengeresse de Raziel, déterminé à traquer et éliminer ses frères pour se dresser contre le grand Kain, leur maître devenu traître à ses yeux. Parcourir les jeux centrés sur la trajectoire de Kain, c’est s’offrir un autre point de vue, cette fois-ci dans la peau d’un rachitique vampire armé de la soul reaver. Le héros ne peut qu’accepter la légitimité de cette quête sanglante. Aveuglé par la colère pourtant gardienne de sa stabilité mentale, il embrasse une destinée dont il n’est qu’un pion parmi d’autres sur le grand échiquier de la vie.

Offrande aux damnés

Legacy of Kain: Soul Reaver – incluant les deux épisodes – est construit comme un jeu d’action-aventure dans la mouvance du Tomb Raider de 1996 à qui il doit beaucoup. De nombreuses énigmes plus ou moins retorses nous attendent avec l’obligation de manipuler les deux versants de réalité : le monde matériel et le monde spectral. En effet, dans le monde spectral, interagir avec des objets du décors est impossible. On ne pourra ni ouvrir une porte ni récupérer d’objets physiques. En contrepartie Raziel accède à quelques pouvoirs utiles avant de manier l’emblématique épée éponyme assez vite récupérée dans le jeu. Notons que pour ce remaster, la transition entre les deux mondes est plus fluide qu’auparavant ; les environnements se déforment instantanément, et ce, sans aucune latence. L’effet fonctionne à merveille !

Quant à l’épisode 2, ce dernier se calque énormément sur son prédécesseur malgré quelques améliorations bienvenues apportées au gameplay. En revanche le récit se concentre sur la tentative de Raziel de déjouer la machination à l’œuvre avec l’espoir de s’émanciper de l’emprise de la roue du destin. Entre les voyages temporels et frictions entre les mondes matériel et spectral, l’ampleur du complot ne cesse de croître. La narration s’en sort de nouveau avec les honneurs, en particulier grâce au soin apporté aux cinématiques à la mise en scène fidèle au premier jeu. Outre l’ajout (exclusif à cette version) d’une boussole bien utile pour ne pas errer sans but dans Nosgoth ainsi que l’arrivée de la sacro-sainte caméra libre offrant un confort appréciable, l’expérience demeure similaire… défauts compris !

A cause de ses hitboxs imprécises, de ses sauts souvent approximatifs comme du fait de son système de sauvegarde archaïque, Legacy of Kain: Soul Reaver 1 & 2 Remastered demande un minimum d’investissement personnel pour s’apprécier à sa juste valeur. Des défauts à pondérer pour un remaster d’un jeu de plus de vingt ans. Son véritable bémol qui rend l’excursion plus pénible qu’elle ne l’était à l’époque, c’est la partie combat. Si l’on omet les boss lorgnant plutôt vers l’énigme environnementale, le gameplay accuse malheureusement son âge lors des affrontements.

Fun Reaver

On appréciera le soin apporté aux animations ; cependant, la panoplie de coups reste trop limitée pour pleinement s’apprécier en 2025. A la sortie des jeux originaux le constat différait totalement. Les quelques armes disponibles ainsi que l’agilité de Raziel doté d’une redoutable esquive envoyaient du lourd sur nos vieux écrans cathodiques. En termes d’action pure et dure l’industrie est maintenant à des années-lumière de ce qu’elle proposait fin des années 1990, ce qui pourra rebuter les plus jeunes joueurs. Les bonnes idées survivent pourtant comme le fait de devoir systématiquement crucifier, brûler ou trancher à la soul reaver les créatures errantes. Objectif : aspirer leur âme sous peine de les voir revivre éternellement. Des détails insignifiants pour les novices mais que les vieux briscards s’émerveilleront de redécouvrir en 2025.

Qui plus est, les aventures de Raziel prennent vie dans ce qui reste techniquement un monde ouvert entièrement connecté que l’on parcourt à pied ou via des téléporteurs sans temps de chargement s’il vous plaît. Il fallait oser en 1999 ! Et il faut dire qu’Amy Henning et ses collègues voyaient les choses en grand. L’immersion, la licence connaît parfaitement et ce depuis le premier épisode. Tout ce qui touche à la dimension artistique de la licence impressionne. Et on ne le dira jamais assez, espérons dans un futur proche qu’on puisse contempler la richesse esthétique de Nosgoth sur une console moderne.

En parlant de richesses, remercions les studios pour leur générosité accordant la part belle à des contenus d’archives, des artworks et une tripotée d’informations sur le lore incluant le travail de conservation de communautés de fans ; il y a même des rushs issus des coulisses de doublage parmi d’autres petites surprises. Les amoureux de la franchise et/ou de documentations seront ravis. En outre le premier jeu avait l’avantage d’arriver en 1999, soit en fin de vie de la PlayStation, ce qui permit aux équipes de tirer profit au maximum de la console de Sony. Même aujourd’hui, l’opus PS1 porte encore fièrement ses rides. Legacy of Kain: Soul Reaver 1 & 2 Remastered ne transcende pas l’expérience originale, c’est un fait. Et ce n’était pas l’objectif. L’idée était surtout de pouvoir offrir les deux jeux ensemble – car pensés comme un seul – mais aussi de rehausser les graphismes du premier afin de se raccorder visuellement à l’opus PS2. Avec ce remaster, les jeux gagnent en cohérence graphique et la transition d’un opus à l’autre est plus douce.

Le Puzzle des Dieux

Forcément Soul Reaver 2 ne peut pas se vanter d’un tel gommage hormis pour les personnages et le bestiaire retravaillés en profondeur. Il suffit de s’attarder sur les décors (une simple pression du stick analogique permet de transiter entre les graphismes d’époque et actuels) pour constater que les environnements ont à peine été retouchés. Des voix critiques se feront sans doute entendre pour reprocher la paresse des développeurs. Cela étant dit, c’est aussi le but de (re)découvrir l’œuvre d’une époque sans la travestir. C’est un peu comme visionner un film des années 30 ou lire un bouquin rédigé des siècles plus tôt pour apprécier la saveur de l’époque. En d’autres termes, ce choix peut se justifier dans une logique de patrimoine.

Pour les œuvres cultes d’un medium, c’est permettre de revivre un moment d’histoire. On aperçoit les racines de mécaniques, les prémisses du game design et des fondements du jeu vidéo moderne que le temps a su bonifier avec les années. C’est grâce à ce genre de jeux étapes qu’on peut sur le papier produire de meilleures œuvres aujourd’hui. Et compte tenu de son noyau de fans en partie responsable de ce retour inespéré, la franchise n’avait pas d’intérêt à prendre le risque d’embrasser un nouveau public éduqué aux jeux récents.

Expérimenter des titres rétro n’est pas toujours chose aisée pour ceux qui ne sont pas habitués à regarder en arrière. Par exemple, Soul Reaver n’a ni map ni objectif clairement affiché, ce qui exige du joueur un minimum d’attention et d’implication de sa part. Quelque chose que les titres populaires de la décennie en cours ont bien du mal à privilégier en dehors des souls… Or, pour s’immerger convenablement et ainsi apprécier l’univers comme le travail des équipes, mieux vaut laisser un minimum de liberté d’action en nous donnant l’opportunité d’apprivoiser les lieux. Il est essentiel que le joueur participe cognitivement à l’univers et ne suive pas bêtement des indicateurs grossiers bariolés de couleurs. Trop peu de jeux osent encore faire confiance aux joueurs et tout particulièrement du côté des AAA modernes.

Alors oui, retour dans le passé oblige, on n’échappera pas aux traditionnels allers-retours à chaque échec. Des bugs peuvent aussi contraindre à relancer une sauvegarde précédente. Nous en avons fait les frais en perdant deux heures d’aventure dans les limbes de Nosgoth suite à une erreur de manipulation lors d’une énigme. Pour se différencier, le second volet opte pour une sauvegarde via des points d’intérêts dispatchés dans chacune des zones de la carte. Chose appréciable, l’échec nous évite ainsi la perte de précieuses minutes de trajets pour retrouver son chemin. Le level design date un peu, il faut le dire. En revanche, impossible d’opérer une sauvegarde manuelle pour éviter de refaire une énigme environnementale ou de récupérer des objets préalablement acquis, alors pourtant que les premiers épisodes le permettaient l’un comme l’autre.

Que dire de plus sans refaire l’histoire ? Legacy of Kain: Soul Reaver 1 & 2 Remastered, c’est l’espoir des possibles ! Nous pensions Kain et Raziel à jamais perdus dans des limbes insondées de la réalité, c’était oublier que toutes les pièces du puzzle n’ont pas été délivrées. À défaut de réellement faire peau neuve, si ce n’est le premier volet sorti sur PS1 qui rejoint l’esthétique de la seconde partie, ce retour est une réponse directe aux fans. Même si les combats n’ont pu si fière allure aujourd’hui et manquent d’un soupçon de fun, comment ne pas recommander cette version aux fans de la première heure ? Les ajouts, certes minimes, apportent un confort appréciable, les qualités persistent et les bonus de la collection valent leur pesant d’or pour tout amoureux de la licence. Un remaster à voir comme la (re)découverte d’un morceau d’histoire du médium. En attendant le véritable renouveau ?

Pour
  • Kain et Raziel
  • Un monument du jeu vidéo
  • L'ensemble de la DA (ambiance, musiques et visuels)
  • Intrigue passionnante à suivre
  • Cohérence graphique grâce au remaster
  • Game design ambitieux et inspiré
  • L'écriture et les doublages au diapason
  • L'ajout de la boussole et de la caméra libre
  • Pléthore de documents disponibles dans les bonus
Contre
  • Le gameplay des combats accuse son âge
  • Des bugs et des imprécisions (hitbox et sauts perfectibles)
  • Système de sauvegarde archaïque
  • Une expérience (trop?) ancrée dans son époque

Scribe ninja échappé de l’île de Shang Tsung et vivant maintenant sous perfusion de films, il est possible de m'apercevoir sur le dos de Falkor alors que je parcours les mondes imaginaires en quête d’une catharsis ou d’une inspiration. On dit de moi que je suis constamment guidé par les valeurs martiales héritées de ma jeunesse dans le Jiang hu.

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