La fièvre méditerranéenne est une étrange maladie. Un mal sournois, inscrit dans les gènes des populations entourant la Grande Bleue, se manifestant par crises périodiques. Une fièvre métaphorique, qui tiendra sous son joug ses deux protagonistes principaux, Walid et Jalal, que tout oppose mais qui vont pourtant se retrouver unis à jamais.

Dépression palestinienne

Haïfa, ville côtière du Nord de l’Israël à forte communauté arabe palestinienne, est habité par ces deux hommes qui trouveront en l’autre de quoi survivre. Walid nourrit son appétence d’écrivain des truanderies de Jalal, son voisin. Jalal décèle en Walid une oreille attentive, un pote pour occuper ses longues journées d’homme au foyer. Voilà le postulat de base de cette Fièvre Méditerranéenne.

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L'image vide ?

Un film qui n’offre rien, visuellement. Rien ou presque. L’image est toujours un cran en dessous de ce qu’elle raconte, comme si elle craignait d’en parasiter l’histoire. Le son presque toujours affaibli, pour rendre audible les dialogues. La musique, quasiment complètement absente ou alors intradiégétique.

Fièvre Méditerranéenne

On pourrait presque accuser le film d’une pauvreté de mise en scène, mais il n’en est rien. L’image, tout en retenue, véhicule le message du long-métrage. L’intègre subtilement. L’enfermement des deux hommes, leur impuissance respective, la focalisation sur la parole qui semble être la dernière chose qu’ils ont : la parole et la violence. Car des déambulations paresseuses ou des apathies quotidiennes ne surnagent que le vif d’un sang vermillon tachant une main, le soudain retentissement d’un coup de feu ou encore la froide menace placardée. Une violence soudaine, brutale, émergeant comme coule le sang de Raymond dans L’Etranger de Camus, avant de disparaitre à nouveau, de se terrer dans cette terre poussiéreuse qui semble la couver. Jusqu’à la prochaine crise. Jusqu’à la prochaine fièvre.

Dans la gueule du loup

Une pulsion de colère, inévitable mais infructueuse. L’hémoglobine coule, mais coulera au centuple en retour. Ne reste alors qu’une existence acculée possible. Un statisme forcé. Une occupation – sic ! – dont ils sont les victimes (une occupation mentale pour Walid et son irrémédiable dépression, une occupation sous forme de charge mentale pour Jalal et ses multiples dettes). Puis, lorsque même revendiquer ne suffira plus, lorsque même parler, écrire, rire jaune ne suffira plus, alors il reste la balle. Et l’ultime coup de feu !

Fièvre Méditerranéenne

Fièvre Méditerranéenne manie habilement la métaphore (l’histoire du peuple palestinien) sans étouffer son histoire (ses deux « héros »), questionne sur le tabou du suicide dans une société qui le nie, parvient à casser les stéréotypes de genre dans un carcan pourtant ultra-conservateur. Un film qui interroge aussi l’humour – bien noir, s’il vous plait – et ses conséquences politiques. Bref, ce deuxième film pour Maha Haj, qui avait déjà proposé son Personal Affairs en 2016, prouve bien que le nom de cette réalisatrice figure désormais dans la liste des cinéastes à suivre.

Fiche technique

DVD Zone B (France)
Éditeur : Blaq Out
Durée : 105 min
Date de sortie : 16 mai 2023

Format vidéo : 576p/25 – 1.85
Bande-son : Multilingue (Arabe, Hébreu, Anglais) Dolby Digital 5.1 (et 2.0)
Sous-titres : Français

Fièvre Méditerranéenne

Buvant les Stephen King comme la sirupeuse abricotine de mon pays natal, j’ai d’abord découvert le cinéma via ses (souvent mauvaises) adaptations. Épris de Mrs. Wilkes autant que d’un syndrome de Stockholm persistant, je m’ouvre peu à peu aux films de vidéoclub et aux poisseuses séries B. Aujourd’hui, j’erre entre mes cinémas préférés, les festivals de films et les bordures de lacs helvétiques bien moins calmes qu’ils en ont l’air.

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[…] que la mise en scène peine à rester à hauteur de son propos. Ni effacée (nous parlions pour Fièvre méditerranéenne d’une mise en scène toujours laissée au second plan de ses dialogues pour ne pas en parasiter […]

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