Six ans après Asphalte (2015), et quatre ans après son dernier film Chien (2017) dont Vincent Macaigne portait le rôle principal, Samuel Benchetrit revient sur les écrans avec Cette musique ne joue pour personne. Réalisateur, mais aussi écrivain, scénariste et auteur de théâtre, il incorpore avec finesse tous les arts à ce nouveau film au casting étincelant. Dans le cadre de la 4ème édition du BRIFF de Bruxelles où le film fut projeté en avant-première le 4 septembre, nous avons eu la chance d’échanger avec lui.

Un hymne aux rencontres et à la poésie

Ce titre est né il y a quinze ans. Un soir où Samuel Benchetrit dinait au restaurant et s’ennuyait à mourir, il entend aux toilettes un impromptu de Schubert sortir des hauts parleurs. Il se dit intérieurement : « cette musique ne joue pour personne », avant de l’écrire dans un petit carnet, encore loin d’imaginer qu’il serait le titre d’un de ses films des années plus tard…

Tourné en 2019 à Dunkerque, ce film met en scène plusieurs tableaux de vie aussi comiques qu’émouvants, majoritairement ceux de malfrats au cœur tendre. Ce qui pourrait être la prémisse du film retentit alors comme une belle piqure de rappel : l’amour peut frapper à la porte de n’importe qui, n’importe quand. Dans le supermarché du coin, dans une maison qui n’est pas la nôtre, sur une scène sur laquelle on n’aurait jamais pensé jouer.

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« J’avais envie de faire un film qui parlait des copains de mon père. Mon père était ouvrier en usine. Quand j’étais gamin, je voyais toute la bande de potes qui étaient des costauds devenir gracieux lorsqu’ils s’abandonnaient à une forme de tendresse. J’ai voulu révéler la petite fleur qu’ils ont en eux »

On se souvient d’Asphalte, sorti en 2015, dont la poésie crevait l’écran, même dans des scènes de solitude et d’ennui : le réalisateur a ce don de rendre l’ordinaire onirique, en poétisant sans cesse les aléas de la vie.

Mêler l'improbable

Une Vanessa Paradis qui ne parvient à parler normalement que lorsqu’elle joue Simone de Beauvoir, un Bouli Lanners qui médite sans cesse -face à un grillage. Un JoeyStarr des plus pragmatiques, un Ramzy alias Neptune, un Jules Benchetrit en dur à cuire, en passant par un François Damiens à qui on apprend à réciter des alexandrins… le décalage est omniprésent.

« Je ne me suis pas posé de questions de rangement sur le film. C’est comme si j’avais loué un appartement, et que je m’étais dit y’aura tous les styles. Je ne me suis jamais empêché d’être libre. Je voulais être libre, tout le temps. »

Cette prise de liberté, elle se ressent. Le film foisonne de références en passant sans cesse du théâtre à la littérature, du cinéma à la musique. Musiques toutes plus éclectiques les unes que les autres, allant de l’opéra à France Gall, de Baschung au piano. Tous les arts s’entremêlent, à l’instar du récit qui recoupe des destins qui se croisent -thème cher au réalisateur. Dans Asphalte, le point de départ de chaque rencontre des six personnages (dont celle d’un astronaute de la NASA et une mère algérienne des plus chaleureuses), rappelons-le, n’était qu’un simple ascenseur en panne. Ce film est, en somme, tant au niveau du choix des acteurs que des références, un mélange hétéroclite de bribes de vie de Samuel Benchetrit, mettant délibérément la cohérence au placard.

« On sait bien qu’une bande d’amis, ce sont des gens assez différents. Moi mes amis ne se ressemblent pas en tous cas. Ils sont souvent tout ce que je ne suis pas moi. J’ai composé une sorte de brochette qui représente un peu ma vie, où ce dont j’ai besoin. »

François Damiens, vers la fin du film, prononcera cette phrase : « Tu vois, par exemple cette musique. On est là pour l’écouter. Mais si y’a personne, personne pour l’entendre… est ce qu’elle existe encore ? ». Phrase essentielle, puisque le film pointe sans cesse du doigt ce que le réalisateur appelle une « philosophie taoïste », née en Asie. Si un arbre tombe dans une forêt et que personne n’est là, est ce qu’il y a du bruit, ou pas ? La réponse dépend seulement de notre point de vue, de notre rapport au monde au moment où on nous la pose. Si le réalisateur s’est donné beaucoup de liberté, il en donne tout autant à ses spectateurs… Cette musique ne joue pour personne est à retrouver en salles obscures le 29 septembre.

Passionnée de septième art depuis plus de dix ans, les salles obscures sont devenues ma deuxième maison. Ce qui me fait vibrer au plus haut point ? Digérer une expérience filmique et la mettre en mots... Entre journalisme et pensée, page et écran !

Critique JV et ciné toujours prêt à mener des interviews lors de festivals ! Amateur de films de genre et de tout ce qui tend vers l'Etrange. N'hésitez pas à me contacter en consultant mon profil.

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