Premier long-métrage d’Agathe Riedinger, Diamant Brut a été sélectionné à Cannes et débarque aujourd’hui au GIFF (Geneva International Film Festival). Retour sur cette petite pépite de cinéma aussi solaire qu’anxiogène en une critique express…

De l'appart à maman à la téléréalité

Liane (la géniale Malou Khebizi qui crève l’écran dans ce film) vit avec sa mère et sa petite sœur dans le sud de la France. Si certaines de ses amies sont déjà mères, elle ne rêve que d’une chose : devenir influenceuse. Et pour réaliser ce vœux, elle compte bien se faire engager dans une célèbre émission de téléréalité. Pour cela, elle est prête à tout…

Format serré, image granuleuse, Diamant brut va – à l’instar de son titre – constamment mêler à l’image la pierre précieuse et la boue de laquelle elle est extraite. Un constant mêlange du beau et du laid particulièrement visible dans les paysages filmés par Agathe Riedinger dans le sud de la France : des lumières magnifiques, des coins splendides, une image ultra-travaillée, mais constamment rayés d’un trait de laideur. Le furoncle d’une zone industrielle, le carcan bétonné d’une rivière croupissante, les zébrures bien artificielles d’une ligne haute-tension…

Un double mouvement – sac et ressac – qui se retrouve au sein même de sa protagoniste principale, Liane. Constamment attirée par le brillant comme une pie, elle vole pour se donner son allure. Lorsqu’elle porte ses chaussures favorites c’est pour mieux se détruire les pieds, coincés dans ces prisons déformantes. Et si ses vidéos reflètent un éclairage idéal, il ne faut pas voir leur contrechamp nettement moins glorieux… Finalement, l’ultime manifestation de cette dualité se déploie dans l’existence même de Liane, qui se revendique parfaitement libre, mais qui de fait s’englue en fait constamment dans de nouveaux dictats (d’apparence, de comportement, d’achat) intégrés et automatisés.

Contrechamp de la téléréalité

Un long-métrage qui met la lumière sur tout ce que la téléréalité ne montre pas. L’avant starification, les risques structurels de ce système d’asservissement ultime du corps de la femme, la quête d’apparence qui finit par annihiler toute relation réelle et finalement la violence destructrice de ces réseaux dits sociaux. Ces messages – réponses à des posts de Liane – sont d’ailleurs assez habilement disséminés au travers de Diamant brut grâce à des cartons texte. Des cartons emplissant l’écran d’une litanie de commentaires, quasiment impossible à lire tant ils sont nombreux et pas assez longtemps affichés. Exactement comme la déferlante de commentaires – positifs, négatifs ou clairement violents – qui ravage les dessous des posts sur Internet. Et là encore, avec une certaine ambivalence : qu’ils soient agréables ou vomitifs, ces commentaires sont nécessaires à l’existence de Liane sur ce réseau. Peu importe. Ils pensent au moins à moi, confesse-t-elle.

Bref, vous l’aurez compris, Diamant brut est une plongée aussi anxiogène que lumineuse dans les sources de ce nouveau milieu social rendu possible par les réseaux sociaux. Passionnant, intriguant, sans doute un brin énervant mais surtout d’une beauté rare, un film à ne pas manquer lors de sa sortie en salles le 20 novembre prochain.

Buvant les Stephen King comme la sirupeuse abricotine de mon pays natal, j’ai d’abord découvert le cinéma via ses (souvent mauvaises) adaptations. Épris de Mrs. Wilkes autant que d’un syndrome de Stockholm persistant, je m’ouvre peu à peu aux films de vidéoclub et aux poisseuses séries B. Aujourd’hui, j’erre entre mes cinémas préférés, les festivals de films et les bordures de lacs helvétiques bien moins calmes qu’ils en ont l’air.

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