Fruit de la collaboration entre la fine fleur du showrunning américain et de l’animation japonaise, l’adaptation animée de la saga Terminator a suscité bien des attentes et de l’excitation. Désormais disponible, l’animé Terminator Zero comble-t-il nos espérances ?

Terminator, fondement et institution

La saga Terminator appartient indéniablement au panthéon des œuvres de SF ayant bouleversé le genre et, plus globalement, le cinéma. En 1984, James Cameron offrait au monde ses visions cauchemardesques du terrifiant et inarrêtable T-800 dans un slasher horrifique jouant sur le thème, à cette époque assez inédit (Retour vers le futur ne sortira qu’un an après), des lignes temporelles et des conséquences y étant rattachées, le tout enrobé par une solide réflexion sur les rapports entretenus entre une humanité de plus en plus dépendante, voire prisonnière, de leurs créations informatiques et technologiques. Le film d’une génération donc, qui, à l’instar d’un Matrix (1999) quelques années plus tard, s’inscrivait avec intelligence dans les inquiétudes et les espoirs de toute une époque.

En 1991, avec Terminator 2: Le Jugement dernier, le génial démiurge poursuivait son œuvre, faisant cette fois-ci du T-800 une machine au service de l’humanité, imposant par là même l’odyssée d’une lignée, les Connor, Sarah ayant mis au monde le sauveur de l’humanité, John. Plus encore, ce deuxième opus représentait une révolution dans l’appréhension des SFX au cinéma et redéfinissait à lui seul l’imagerie et l’esthétique du blockbuster US pour de longues années à venir. Une saga était née…

S’ensuivit alors plusieurs films à la qualité inégale, allant de l’«intéressant mais inabouti» (Terminator 3: Le Soulèvement des machines, Terminator Renaissance), passant par le naufrage gonflé aux dollars mal dépensés (Terminator Genisys, Terminator: Dark Fate) jusqu’à la sympathique série TV (Terminator: Les Chroniques de Sarah Connor). Point commun de toutes ces itérations: l’attachement à la famille Connor, rarement pour le meilleur.

Terminator Zero, l'espoir renaît

En 2021, contre toute attente, est annoncée la mise en production d’une série animée s’inscrivant dans le canon de la saga. Ceux qui avaient déploré l’annulation de l’anime Furiosa conçu par George Miller et Mahiro Maeda sont alors aux anges. En effet, la rencontre entre une saga participant du culte hollywoodien et la japanimation a de quoi faire baver tous ceux qui, nombreux, s’intéressent de près aux deux mediums. Et la saga Terminator n’échappe pas à la règle.

De plus, le casting a de quoi interpeller: produite par Netflix, Terminator version animée sera le fruit de l’alliance de deux mastodontes dans leurs domaines respectifs, à savoir la firme américaine Skydance (déjà à la manœuvre sur Genisys et Dark Fate) et le studio nippon Production I.G, enfant terrible du mythique studio Tatsunoko, nous ayant proposé des œuvres marquantes (Ghost in the Shell, Patlabor 2, Jin-Roh, Dead Leaves, etc.), contribuant, de près ou de loin, à la mise en œuvre de grosses franchises à succès (Psycho-Pass, Evangelion, Vinland Saga, L’Attaque des Titans…). Pour les moins férus d’animation japonaise, c’est avec ce studio que Quentin Tarantino a conçu le passage animé (par Katsuji Morishita et Kazuto Nakazawa, deux piliers de chez I.G) dans Kill Bill vol. 1.

Pour ce qui est de Terminator, la réalisation est dévolue à Masashi Kudô, célèbre pour son travail sur la franchise Bleach, réalisateur mais aussi chara-designer et animateur de grand talent (Hunter X Hunter, Mobile Suit Gundam 00, Naruto, Macross Frontier…). Quant au scénario, il est confié à Mattson Tomlin, scénariste non crédité sur The Batman (2022) mais officiellement présent sur le second opus à venir, Mother/Android ou encore, fait notable et rassurant pour une collaboration américano-nippone, préparant actuellement une adaptation live du héros nippon vidéoludique Megaman. Tout ceci pourrait peut être donner naissance à une œuvre intéressante et bien exécutée…

Un bilan mitigé

Qu’en est-il vraiment ? Sortie en grande pompe sur Netflix le 29 aout dernier, Terminator Zero prend la forme d’une série de huit épisodes d’une trentaine de minutes chacun et, au final, souffle le chaud et le froid. Nous sommes en 1997 (année de l’attaque des machines dans le canon de la saga) au Japon (exigence de Production I.G ayant imposé des éléments japonais à l’intrigue). Nous y suivons l’informaticien Mason Lee, un génie ayant développé une IA baptisée Kokoro à qui il a pris soin de donner une silhouette humanoïde et féminine afin d’améliorer ses rapports et discussions avec elle. Notre inventeur est d’ailleurs pris de visions: il SAIT, via des rêves prémonitoires, que le jugement dernier arrive et que le système Skynet en sera l’origine. Kokoro n’est donc mis au point que dans l’intention de contrer une offensive lui paraissant inévitable. Mason Lee vit avec ses trois enfants qu’il laisse aux soins d’une jeune femme, Misaki, qui ne sent d’ailleurs aucune douleur lorsqu’elle s’entaille le bras (trop tard, on a deviné Mattson…). Du futur, à savoir 2022, sont envoyés deux protagonistes: un T-800 chargé d’éliminer Mason et sa famille et Eiko, une valeureuse guerrière de la Résistance, devant quant à elle le protéger.

Une intrigue très « cameronienne » donc… se rattachant qui plus est par ses éléments principaux au premier – et meilleur – opus de la saga. Autre point positif: exit les Connor, dont les soubresauts et autres abcès familiaux mal digérés avaient fini par laisser une partie public sur le carreau. L’introduction de nouveaux personnages amène un vent de fraicheur à une épopée qui s’enlisait lourdement au fil d’épisodes de plus en plus navrants et abracadabrantesques. De fait, nul besoin d’avoir visionné quoi que ce soit pour suivre et comprendre les enjeux de la série.

Le contexte nippon est aussi plutôt bienvenu: l’accès aux armes à feu y est plus difficile qu’aux États-Unis et nos envoyés du futur, méchant comme gentil, doivent innover, au moins dans un premier temps, en matière d’armement. Mattson Tomlin, sans trahir l’esprit de la saga et sans nous gaver de fan service, parvient à s’inscrire assez aisément dans cet univers, y ajoutant même des préoccupations propres à notre cher XXIe siècle (l’intelligence artificielle).

Coté animation, I.G a su aussi allier fidélité ( le chara-design et les postures du T-800, avec ses yeux rouges luminescents et menaçants, sa manière d’utiliser et de porter ses armes) et originalité ( il ne ressemble pas à Arnold Schwarzenegger). La série propose aussi quelques scènes d’action plutôt bien ficelées et assez gores, renvoyant ainsi à la viscéralité du film de 1984. Cependant, l’animation et la finition demeurent assez communes et le rendu final n’est pas vraiment au dessus du tout venant nippon actuel, les animateurs étant contraints à des cadences de production infernales et des conditions de travail insoutenables, jouant inexorablement sur la qualité de l’animation japonaise de ces dernières années (à quelques exceptions près). L’adaptation animée d’une œuvre culte telle que celle-ci aurait tout de même mérité plus de minutie. Globalement, c’est assez décevant.

Coté écriture aussi, plusieurs ombres assombrissent le tableau. L’intrigue met énormément de temps à réellement décoller et se noie dans des séquences d’exposition peu utiles, des personnages inadaptés (pourquoi mettre en scène de façon très enfantine ces trois bambins dans une série visiblement destinée à un public adulte ?) et d’interminables discussions entre Mason Lee et Kokoro. En bref, on s’ennuie quand même bien souvent et la mise en scène, trop plate, ne vient hélas pas nous en sauver. De plus, et sans divulgâcher, tous les twists et autres « surprises » que le showrunner nous concocte sont très vite devinées à coup d’indices beaucoup trop gras et naïfs pour être autre chose que néfastes à la tension et au suspense que l’on tente mollement de mettre en place.

Un résultat en dents de scie donc, variant entre innovations bienvenues, fulgurances esthétiques et animation souvent fainéante et facilités scénaristiques (pour obtenir une conclusion, appelant bien entendu une deuxième saison, alambiquée et faussement complexe). Si Terminator Zero peut divertir et réjouir quelques fans hardcore de la saga, il est très loin d’être à la hauteur des attentes et de l’héritage de ce monument de la pop culture.

En grand écart comme Jean-Claude entre l'Asie et l'Amérique, j'aime autant me balader sur les hauteurs du Mont Wu-Tang que dans un saloon du Nevada, en faisant la plupart du temps un détour dans les ruelles sombres d'un Tokyo futuriste.

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